Voilà un siècle mourrait le grand poète kabyle –il faut aussi dire algérien- Si Moh Ou Mhand. Ce centenaire a été célébré par des expositions et par des conférences et les orateurs se sont succédé pour souligner la grandeur de ce poète, qu’on a comparé à Baudelaire ou à Verlaine. Au-delà des prestations de spécialistes ou de profanes, il est important de souligner que l’événement a suscité l’intérêt d’un large public, qui a ainsi découvert ou redécouvert la poésie de Si Mohand. Mais si Si Mohand intéresse, cent ans après sa mort, ce n’est pas seulement parce que c’est un grand poète, qui est passé maître dans le maniement du verbe, c’est surtout parce qu’il est toujours actuel. Poète de l’amour, il excite encore par ses sonnets, à la limite de la licence, les passions juvéniles. Porte parole des déshérités et des laissés pour compte, il est le porte-étendard de tous les révoltés, sage entre les sages, sa parole fascine par sa justesse et sa perspicacité. Mais au-delà de tous ces aspects, il y a surtout la beauté d’un verbe, la force d’une langue, longtemps brimée et qui peut aujourd’hui, grâce aux avancées qu’elle a faites, s’exprimer librement. Ne dit-on pas, déjà depuis quelques années, ‘’la langue de Si Mohand’’, en parlant du kabyle, comme on dit ‘’la langue de Voltaire’’ en parlant du français ou la langue d’Al Djahidh, en parlant de l’arabe. Cette reconnaissance est le plus bel hommage que l’on puisse faire à ce grand poète !
S. Aït Larba
