Né le 6 novembre 1907 dans la Casbah d’Alger, Ouzegane Saïd fit des études au fameux collège Sarrouy, pépinière des premiers Algérois instruits dans la langue française. Titulaire du brevet, il fut pendant quelques mois employé dans un service des PTT, puis il travailla pendant plus de deux ans comme clerc de notaire. En 1939, il s’oriente vers le commerce et devient restaurateur au n° 1 rue Clauzel, aujourd’hui Réda Houhou et commença à militer dans le syndicat algérien des restaurateurs. Arrêté en 1939 pour son action, il se retrouva pour la première fois à Serkadji. Libéré après le débarquement allié, il rejoint son activité au sein du mouvement des commerçants et artisans algériens en participant aux meetings et réunions du PCA en Kabylie notamment. Il faut rappeler qu’à cette époque son jeune frère Amar Ouzegane était le secrétaire général du PCA. Dès 1954, il va se mobiliser avec d’autres Algérois pour convoyer armes, vêtements, chaussures et jumelles vers Azazga à la Wilaya III dont le responsable était Krim Belkacem. Azazga dont la famille est originaire et dont toutes les propriétés ont été spoliées après la révolte de Mokrani à laquelle avaient participé son grand-père et son père. Il est le premier vice-président de l’UGCA (Union générale des commerçants algériens) créée après un congrès constitutif les 13 et 14 septembre 1956 à Alger et directeur du journal bilingue « El Iqtiçad El Djazaïri » dont le premier numéro fut publié le 18 octobre 1956, 4 pages en français et 4 pages en arabe. Le bureau exécutif de l’UGCA était composé de Saadedine Réda, Taleb Ammar, Saïd Ouzegane, Akli Belloul, Taleb Mohamed et Hacène El Mahdaoui, élu par les membres de la commission administrative de l’UGCA. Une motion générale fut votée dans laquelle l’UGCA évoquait le fait économique algérien et dénonçait le syndicat commercial aux Chambres de commerce et à la région économique et lui déniait le droit de parler au nom de l’économie algérienne. Dès 1956, une délégation de l’UGCA fut envoyée en France, à Paris avec Akli Belloul, Brahim Hadjout et Saïd Ouzegane qui firent une conférence de presse à l' »hôtel de la Paix » dont un compte rendu parrut dans le quotidien « Franc-Tireur ». De Paris, la délégation se rendit à Tunis où les membres furent accueillis chaleureusement par les responsables de l’Union tunisienne de l’artisanat et du commerce. Dès son retour à Alger, des membres de l’UGCA vont être arrêtés et Saïd Ouzegane est de nouveau à Serkadji avant de faire, pendant six ans Beni-Messous, Berrouaghia et en dernier lieu Paul Cazelles, tous ces camps de sinistre mémoire et dont on n’a pas fini de relater les exactions, les tortures, les disparitions ponctuées par les manifestations des détenus, les grèves de la faim. Les compagnons de détention ont continué depuis 1962, à lui rendre visite et à se souvenir avec émotion de son sens de l’organisation dans la vie quotidienne : cours de langues arabe et française, apprentissage du Coran, protection des jeunes détenus, partage des colis et aussi son ingéniosité à soigner ses codétenus et à préparer les repas du Ramadhan avec les moyens alloués par l’administration pénitentiaire. Libéré en 1962, il s’associa avec un ami militant du PCA et qui lui avait offert les premières jumelles destinées à la Wilaya III dans un magasin d’optique que l’OAS a plastiqué. Sa générosité lui apporta l’affection et l’amitié de tous ses anciens compagnons et leur admiration pour sa connaissance du mouvement national algérien, de l’histoire de la Kabylie dont il avait toujours parlé la langue et dont il connaissait les moindres recoins comme de toute cette Algérie qu’il sillonnait les week-end avec sa compagne et ses petits enfants. Sa connaissance d’Alger, de la Casbah, de l’évolution des familles, des alliances, des transformations de toutes les maisons de la Casbah, suscitait la curiosité de son auditoire et ses amis communs comme Ferhat Abbas et Djamel Sfindja ou simples voisins lui rendaient régulièrement visite pour un café ou un thé. A ses employés et à tous les jeunes formés à son école, il apprit l’honnêteté et l’amour du travail bien fait. A ses filles et à ses petits enfants, il transmit l’amour de l’Algérie, l’amour de la Justice et le courage de les défendre.
R. C.
