«Il y a aujourd’hui opposition à l’abolition de la peine capitale»

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La question sur l’abolition de la peine de mort dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a fait l’objet d’un séminaire qui s’est ouvert, hier à Alger, en présence de représentants d’organisations internationales, d’experts gouvernementaux, de parlementaires, d’universitaires et de représentants de la société civile. Cette rencontre, à huis clos, qui s’étalera sur deux jours, est organisée par le Haut-commissariat des Droits de l’homme des Nations Unis et la Commission nationale consultative de promotion et de protection des Droits de l’homme avec la participation de la coordinatrice résidente de l’ONU en Algérie, Cristina Amaral, du président du parlement arabe, Ahmed Mohamed Al Djarouane, de la représentante du Haut-commissariat aux Droits de l’Homme, Mona Rishmawi, et du président du Conseil national égyptien, Mohamed el Fayek. Ce séminaire se fixe pour objectifs, d’«échanger les points de vue sur l’abandon de la peine capitale dans la région MENA, et de faire le pont sur les initiatives et les développements dans le sens de l’établissement de moratoires», selon ses organisateurs. Il se propose également de «discuter de la meilleure manière d’assurer les garanties internationales protégeant ceux qui confrontent la peine capitale dans la région, y compris la limitation de l’utilisation de la peine de mort aux seuls crimes les plus graves et l’application du droit à demander pardon et la commutation des sentences de mort». Aussi, les participants se sont penchés, par la même occasion, sur les voies et moyens de «doter les parties concernées d’une stratégie régionale pour abandonner la peine capitale dans la région, y compris par des suggestions pratiques en relation avec la réforme de la loi et le développement des capacités de la défense». Pour le représentant et co-initiateur algérien, en l’occurrence Farouk Ksentini, s’exprimant à l’ouverture des travaux, l’opposition à l’abolition de la peine capitale s’appuie, en premier lieu, sur l’argument religieux. «Il y a aujourd’hui une très violente opposition à l’abolition de la peine capitale, qui s’appuie, en premier lieu, sur l’argument religieux. Mais il y a aussi un héritage sociétal, idéologique et des traditions qu’on ne peut pas éluder». Le président de la CNCPPDH a estimé également que la multiplication des actes de violence et des crimes commis à l’égard des enfants, ces derniers temps, n’ont fait qu’«accroître» cette opposition. «Nous devons porter nos valeurs, notre histoire, nos cultures, mais aussi notre idéal humaniste sans arrogance, mais avec conviction, respect et ferveur», a-t-il ajouté. Non sans rappeler que depuis le recouvrement de son indépendance, l’Algérie a procédé à l’exécution de 33 condamnations à mort au cours desquelles «on ne compte aucune exécution de femmes ou de mineurs». «En examinant notre droit en la matière, 17 crimes sont susceptibles de la peine capitale», a-t-il souligné précisant que l’Algérie a amorcé le processus de réduction de l’application de la peine de mort par l’existence du mémorandum de 1993 relatif à la suspension de l’exécution de la peine de mort. Pour M. Ksentini, cette décision a été prise au moment où l’Algérie «vivait une période sanglante de son histoire et souffrait isolément d’un terrorisme aveugle et barbare». «Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s’exprimant devant le Parlement européen à Bruxelles en 2003, avait affirmé être personnellement favorable à l’abolition de la peine de mort, mais qu’il attendait que le contexte du terrorisme se termine pour l’appliquer», a tenu à rappeler le président du CNCPPDH qui a estimé en outre, que «même si le moratoire est un progrès en soi, il n’en demeure pas moins qu’il a pour effet de décomplexer certains magistrats qui condamnent plus facilement à mort, sachant que le condamné ne sera pas exécuté». Dans le même contexte, M. Ksentini qui a évoqué l’appel de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 20 décembre 2012, à un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition universelle, a vu son adoption par 111 Etats, «une majorité jamais atteinte auparavant», a-t-il relevé. Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, «aux Nations Unies, il y a 100 Etats abolitionnistes de droits et 48 de fait, soit trois quart de ces Etats membres. Cela montre que la conscience mondiale est au côté de l’abolition et donne à notre action une dimension morale, mais aussi une perspective d’avenir.»

Synthèse S.A.H

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