Le dernier «témoin» d’une époque glorieuse

Partager

Iggrouraj est un quartier du village Ath Ikhlef de la commune de M’Chedallah où subsiste le dernier spécimen des moulins à grains, encore en activité dans cette région.

C’est au début des années 1980 que commença le déclin de ces machines, dont chaque village en possède une, et que ces dernières commencèrent à disparaître l’une après l’autre, après avoir connu leur plein essor durant des siècles. La raison de l’arrêt des activités est le manque de … “grains à moudre” en parallèle à l’abandon du travail de la terre, puis c’est l’arrivée des moulins industriels, des CCLS qui leur porta le coup fatal, sachant que toutes les fermes agricoles, coopératives et autres (bien vacants) ont reçu des instructions par le biais des responsables locaux de la tutelle et des gérants de céder leurs récoltes de blé dur et tendre aux moulins industriels ; ces mêmes moulins industriels qui payent un prix fort aux quelques cultivateurs qui s’acharnent encore à cultiver les céréales et auxquels on offre en contrepartie les semences avec des facilités de paiements, ajoutées aux crédits bancaires dits de campagne. Ce qui n’empêcha pas pour autant l’Algérie de devenir le premier importateur mondial de blé cela après avoir été des siècles durant le principal fournisseur de céréales pour l’Europe. Un reversement de situation dans toute sa lugubre dimension après que le secteur de l’agriculture ne soit “sinistré”. C’est à partir de ce moment que les légendaires dépôts privés de vente de céréales, appelés communément les “docks», qui sont en fait des revendeurs de céréales en grain de blé farine et orge, commencèrent à leurs tours à mettre la clé sous le paillasson, ce qui signifie la mort d’un système d’approvisionnement de la population (en grains) remplacé par des sacs de semoule et de farine produits par les moulins industriels qui assurent la transformation et la vente.

Les moulins, ces outils séculaires

Avant la création des premiers moulins, nos aïeux s’attellent à l’écrasement des grains pour obtenir la farine en utilisant amehraz (un pilon), un instrument collectif placé à proximité de Thajmait (place publique) et dont se sert tout le village ; un travail généralement laissé aux femmes. Amehraz est un trou rond et profond percé dans une grosse pierre polie pour écraser les grains. On utilise une autre pierre taillée sous forme d’un gros manche servant à l’écrasement des grains. Jusqu’à l’heure actuelle, on retrouve encore, dans plusieurs anciens villages de M’Chedallah, ces pillons millénaires ainsi que de petits “moulins à main” individuels (thissirth boukham). Vint ensuite l’ère du moulin à eau doté de turbines (à la même époque en Europe apparaissaient les moulins à vent équipés d’hélices), ensuite des moulins à moteurs diesels ; ces deux types sont composés de deux éléments essentiels identiques qui sont les meules. Ce n’est qu’en dernier lieu, soit dans les années 70, que les moulins modernes électriques ont fait leur apparition en Algérie et dont les meules furent remplacées par des cylindres. Pour en revenir au moulin qui nous intéresse après ce bref et modeste historique, celui d’Iggrouraj en l’occurrence, encore en service, il est tenu par l’une des plus anciennes familles d’agriculteurs d’Ath Ikhlef et même de l’ensemble de la région, les Alloun. Le propriétaire Djamel A. nous informe que les clients se font de plus en plus rares et qu’il continue à l’entretenir et l’exploiter par respect à la mémoire de son père, qui en a fait durant son existence sa principale occupation pour, d’abord, subvenir aux besoins de la famille, et, ensuite, rendre service à ses concitoyens. Meunier, forgeron, les deux métiers qui ont accompagné plusieurs générations de nos ancêtres – qui les ont entourés de toutes sortes de légendes – sont en voie de disparition.

Oulaid Soualah

Partager