Plus de 22 000 foyers toujours non raccordés

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Ces dernières quarante-huit heures, le nord du pays a connu son premier « coup de froid », avec des températures glaciales qui sont descendues à -6° dans certains endroits.

Ces dernières quarante-huit heures, le nord du pays a connu son premier «coup de froid», avec des températures glaciales qui sont descendues à -6° dans certains endroits. Certes, ce phénomène météorologique est tout à fait normal en pareille époque de l’année, cependant, chose qui n’est pas normale, est que des familles entières subissent les affres de l’hiver, passant ce dernier à grelotter de froid. Oui, aux portes de 2015, il existe encore des foyers qui se retrouvent sans chauffage. Pourquoi ? Tout simplement, car le gaz naturel ne leur arrive pas encore. C’est triste à relever, c’est parfois choquant, mais c’est un fait indéniable. Certains algériens se chauffent encore au bois (quand il y en a), pour d’autres, c’est la fameuse bonbonne de gaz qui vient à la rescousse. Cette bonbonne de gaz butane est, elle aussi, un produit de «luxe» dans certaines régions reculées. Quand elle est disponible, son prix varie du simple au double. Il n’est pas rare de trouver une bonbonne de gaz butane à 400, voire 500 DA l’unité. Au niveau de la wilaya de Bouira et plus précisément dans les contrées qui ne sont pas encore raccordées au réseau de gaz naturel, ce produit de première nécessité s’arrache comme des petits pains. Il est également l’objet de toutes les spéculations de la part de certains revendeurs peu scrupuleux, qui ont fait de la souffrance des autres leur fond de commerce.

Gaz butane : Une production réellement suffisante ?

 

Dans les villages d’Ouled Laalam, relevant de la commune de Kadiria, ou bien celui d’Ouled Gacem, du côté de la commune de Zbarbar, perchée sur les hauteurs de Lakhdaria, les villageois, non encore raccordés au réseau du gaz de ville, se rabattent sur le gaz butane qui se fait très rare à longueur de la saison hivernale. Selon de nombreux villageois interrogés, le gaz butane fait superbement défaut en ces jours. «On endure le calvaire tout au long de l’hiver. Le gaz naturel n’est pas encore arrivé dans notre village. Le gaz butane, quant à lui, est presque inexistant. On doit aller ailleurs pour en acheter, souvent à des prix très chers. On n’en peut plus. On endure un véritable calvaire», expliquent nos interlocuteurs. Certains villageois d’Ouled Gacem dénoncent le «diktat» des revendeurs qui appliquent des prix prohibitifs. «Les bonbonnes du gaz butane, quand elles sont disponibles, sont cédées à des prix exorbitants. Ils oscillent entre 300 et 500 DA/l’unité voire plus. On se fait escroquer, mais on n’a pas trop le choix», diront-t-ils. Au niveau de la commune d’Ath Laaziz, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest du chef-lieu de la wilaya de Bouira, c’est le même constat qui a été fait. Les villageois «meurent» de froid ! Ils n’ont aucun moyen pour se chauffer. Dans la matinée d’avant-hier mardi, et lors de notre présence sur les lieux, il nous a été donné de constater le calvaire de la population. Toujours pas raccordés au gaz naturel, les villageois rencontrés se disent carrément «abandonnés» à leur triste sort. Même le gaz butane était en rupture de stock. «On crève de froid dans l’indifférence générale. Ni gaz naturel, ni gaz butane. Que va-t-on faire ? On est quasiment commander à mourir de froid», s’exclamera Madjid, un citoyen rencontré à proximité du chef-lieu d’Ath Laaziz. D’autres citoyens, croisés à proximité du dépôt Naftal, ont exprimé leur exaspération quant à cette situation: «On vient ici aux aurores et à peine une heure plus tard, on nous dit que les stocks sont épuisés. Ils veulent qu’on meurt de froid ou quoi ?». Quelques minutes plus tard, le gérant de la station-service sort et lance à la foule: «Je n’ai plus aucune bonbonne, revenez dans la soirée !». La même situation prévaut du côté de la commune d’Aghbalou, à l’extrême Est du chef-lieu de la wilaya, où certains foyers ne sont toujours pas raccordés au gaz naturel. Non loin de là la localité d’Ath Hamdoun, laquelle est également non raccordée au réseau, la bonbonne de gaz butane se fait rare et son prix élevé. Ce constat, vérifiable sur le terrain, tranche avec les assurances de la direction des Energies et des mines (DEM) de Bouira. En effet et d’après les mêmes services, qui ont récemment exposé un rapport détaillé à ce sujet, la production du gaz butane au niveau de la wilaya de Bouira, laquelle s’effectue via deux unités d’enfûtages, une dans la commune de Chorfa et une autre à Oued El Bardi, est jugée « largement suffisante» pour approvisionner toute la wilaya en gaz butane. Pour ce qui est de la première unité à savoir celle de Chorfa, il s’agit d’une mini-unité qui peut produire 8 000 bonbonnes de gaz par jour, avec un rythme normal de deux équipes. Concernant le potentiel de stockage de cette unité les responsables des énergies et des mines à l’échelle de la wilaya préciseront qu’elle peut contenir jusqu’à 100 tonnes de GPL. Concernant la destination des bonbonnes de gaz butane produites par cette unité elles couvrent essentiellement les dix (10) communes de l’Est de Bouira. Au sujet de la seconde unité de production et de stockage, celle d’Oued El Bardi (la principale), les services de la DEM indiquent qu’« elle dispose d’une grande capacité de production et de stockage. Elle produit environs 16 000 bonbonnes par jour, avec une capacité de stockage de 10 000 tonnes de GPL. Ces chiffres assez éloquents sont, toutefois, contredits par les faits. Ces derniers sont simples : la bonbonne de gaz se fait rare et chère.

Des efforts consentis mais…

Ce produit peut être facultatif, voire intitule, si l’ensemble des foyers de la wilaya était raccordé au gaz naturel. Évidemment, c’est loin d’être le cas ! La wilaya de Bouira est la mieux classée à travers toute la Kabylie, elle figure dans le top 10 des wilayas qui ont un fort taux de raccordement à ce précieux combustible. Il est de l’ordre de 65%. Ceci étant, il demeure toujours des efforts à faire. A titre d’exemple, le programme de gaz naturel du plan quinquennal 2010-2014, inscrit au profit de la wilaya de Bouira, lequel touche plusieurs zones de la wilaya, notamment Boukram, Maala, Guerrouma, Zbarbar, Souk El Khemis, El Mokrani, Ouled Rached et Ath Laaziz, connaît un retard certain. D’ailleurs, les citoyens n’ont pas hésité à faire savoir leur mécontentement, en menant des actions de rue. C’était le cas, avant-hier, des villageois d’Ouled Tadjin et d’Ouled Gacem, relevant de la commune de Sour El-Ghozlane, qui avaient manifesté devant le siège de la wilaya pour demander le raccordement de leur village au réseau de gaz naturel. La semaine passée, c’était les villageois de la commune d’Ath Laaziz qui sont montés au créneau, en fermant le siège de leur APC pour les mêmes raisons. Mais pourquoi tant de retard ? La question mérite d’être posée. Et bien, à dire vrai, la responsabilité est partagée entre certains villageois, les entreprises réalisatrices et les pouvoirs publics. Comment ? Tout d’abord, certains citoyens s’opposent à tout va ! Un seul propriétaire terrien peut bloquer un projet de raccordement de plusieurs centaines de familles. Ces situations plutôt ubuesques ont été à maintes reprises, constatées à travers les chantiers. Aussi bien à Lakhdaria, Guerrouma, Bouderbala, Aghbalou, Saharidj ou à Bechloul, certains citoyens bloquent carrément le projet pour quelques dinars de plus… Les entreprises réalisatrices pour leur part, du moins certaines d’entre-elles, «abandonnent» carrément leurs projets ! C’était le cas dans la commune de Saharidj, Aghbalou et Guerrouma. C’est du moins ce que nous a indiqué la responsable de la DEM de Bouira : «Certaines entreprises sont absolument défaillantes. On fait de notre mieux, mais quand on est face à ce genre d’imprévus, cela freine considérablement nos projets». Dans la commune d’Ain Bessam, ce ne sont pas moins de 1 136 foyers qui attendent leur raccordement, du fait que l’entreprise de transport Pakistanaise, CHAWKET and RAZA, manque de financement. Il y a aussi la «défaillance» des pouvoirs publics qu’il faudrait évoquer. Dans la commune d’Aghbalou, les lots 3, 4, 5, 6 et 7, rentrants dans le programme quinquennal 2005-2009, n’ont pas encore été achevés. Les motifs sont parfois futiles, comme des antennes étroites nécessitant aménagement de la part de l’APC, désistement de l’entreprise, ou interruption des essais techniques. Dans la commune de Bechloul, les villages de Tiliouat et M’laoua attendent toujours leurs études de faisabilité. Idem pour les localités d’Ouled Guemra, El Hamda, Tigharmine, Tassassine, Ighil Zerkouk, relevant respectivement des communes d’El Hachimia, Bir Ghbalou et El Esnam. En tout, ce ne sont pas moins de 3 346 foyers, à travers l’ensemble des communes de la wilaya, qui attendent toujours une simple étude de faisabilité. S’agissant du programme complémentaire qui devra toucher les communes d’Ain Bessam, Ain Lahdjer, Ain Laloui, Raouraoua, El Mokrani, Souk El Khemis, Haïzer, Taghzout, El Adjiba, Bechloul, El Esnam, Ahl Leqsar et bien d’autres localités, pour un montant global estimé à 1 429,50 milliards de centimes et qui ambitionne de raccorder pas moins de 8 908 foyers, est toujours en cours et risque de s’éterniser au vue des contraintes citées précédemment. Pour ce qui est du plan quinquennal 2014-2019, incluant pas moins de 5 270 foyers, il vient tout juste d’être entamé. Ceci, sans compter la seconde tranche du plan quinquennal 2009-2014 qui n’est achevé qu’à moitié et qui englobe 15 503 foyers à raccorder. Si on fait une simple opération d’addition, on se retrouve avec plus de 22 000 foyers qui restent à raccorder. Ce qui est assez considérable.

Ramdane Bourahla

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