Avant-hier, mardi, Abdelfatah Hamadache, le salafiste le plus en vogue ces derniers temps, a publié sur sa page facebook un appel aux allures d’une fetwa, ciblant l’écrivain et chroniqueur Kamel Daoud. L’appel est une «invite ouverte» à appliquer le houdoud (condamnation à mort) contre l’écrivain.
Le président du Front de la Sahwa libre, un parti salafiste non agréé ne s’invite pas, ne s’invitera jamais, faut pas trop rêver, dans l’univers de Meursault, Camus, Moussa et Daoud. Il n’en a pas le gabarit, voire même l’abécédaire élémentaire. Choisir, donc, entre «Mère et justice» est un dilemme intellectuellement inaccessible à un cheikh désespérément auto-bloqué dans les sous-sols de l’inculture et incurablement aveuglé par la haine fanatique. Lui, sa subversion n’est pas, loin s’en faut, d’ordre littéraire. Elle est criminelle et est «psalmodiée» à partir de perchoirs honnis par Dieu et ses Hommes. Le cheikh n’interpellera jamais les tréfonds de l’Humain comme le fait Daoud d’une manière subliminale : «La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J’aime aller vers ce Dieu, à pied s’il le faut, mais pas en voyage organisé. Je déteste les vendredis depuis l’Indépendance, je crois. Est-ce que je suis croyant? J’ai réglé la question du ciel par une évidence : parmi tous ceux qui bavardent sur ma condition – cohortes d’anges, de dieux, de diables ou de livres -, j’ai su, très jeune, que j’étais le seul à connaître la douleur, l’obligation de la mort, du travail et de la maladie. Je suis le seul à payer des factures d’électricité et à être mangé par les vers à la fin. Donc, ouste! Du coup, je déteste les religions et la soumission. A-t-on idée de courir après un père qui n’a jamais posé son pied sur terre et qui n’a jamais eu à connaître la faim ou l’effort de gagner sa vie ?» Non, le cheikh est incapable d’une telle immersion dans l’intimité. Et quand il le fait, c’est dans les abysses, et pour nous revenir avec des fetwas assassines, seule production littéraire que l’on connait aux empêcheurs de voir Dieu, comme suggéré par Daoud dans Meursault, contre-enquête : «…c’est le vendredi que je n’aime pas. C’est un jour que je passe souvent sur le balcon de mon appartement à regarder la rue, les gens, et la mosquée. Elle est si imposante que j’ai l’impression qu’elle empêche de voir Dieu.» A t-il seulement lu une ligne de Kamel Daoud ou autre Yacine ? Sûrement pas. En a-t-il seulement les prédispositions à déchiffrer le scriptural. Non, il a juste été en embuscade devant France 2 attendant, en compagnie d’un mauvais traducteur peut-être, le passage de Daoud chez Ruquier, avant de dégainer sa fetwa. Le cheikh n’en est pas à sa première. Il s’en est pris à Yennayer, au Nouvel An du calendrier grégorien, au poète Adonis, à Amara Benyounès… On aurait salué une embuscade contre l’imam pédophile de Beni Amrane, si le Cheikh avait condamné sans appel l’imam qui avait violé une fillette de huit ans, et ce faisant dédouaner la mosquée et les imams. Dans ce cas de figure, on aurait même «compris» une fetwa. Evidemment que le crime est partout dans le monde. Oui, mais partout dans le monde, le crime est puni. Partout dans le monde, le crime n’est pas invité dans les plateaux de télévision, comme le font des chaines de droits algériens en offrant des tribunes d’expression, au président de l’illégal Front de la Sahwa libre.
T.Ould amar