L’agence BADR d’Akbou est épisodiquement prise d’assaut par une marée de clients, en majorité des retraités, venus encaisser leurs soldes. En effet, dès les premières lueurs du jour, une file indienne commence à se former devant l’entrée principale de l’agence. Et quand sonne enfin l’heure de l’ouverture des guichets, l’esplanade de la banque est déjà littéralement assiégée par la foule compacte des usagers. «Chaque fin de mois ressemble à un parcours d’obstacles, qu’il faut franchir pour toucher son maigre pécule», maugrée un retraité d’Ighram. «L’attente dure depuis plus de deux heures, et je ne suis pas près d’atteindre le guichet», ajoute-t-il, sur une pointe de dépit. Et à un autre retraité du village Tifrit de faire chorus : «nous avons appris, quand on prend le chemin de la banque, de s’armer de patience et de faire preuve de retenue pour éluder les disputes inutiles», dira-t-il, un tantinet stoïque. Il arrive souvent, nous rapporte-t-on, que cette curée aux allures de foire d’empoigne vire à l’aigre. Des usagers irascibles et piaffants d’impatience en arrivent à des prises de becs et à des échanges d’amabilités, apprend-on. «Quand on se lève à l’aube et quand s’astreint à un poireau languissant, on a forcément les nerfs à fleur de peau», dira un sexagénaire de Chellata. Un autre retraité d’Akbou souligne que devoir attendre de longues heures, exposé aux vicissitudes du climat, est une véritable épreuve, à fortiori quand on est âgé et invalide. «Cette situation insoutenable dure depuis des lustres, ce qui ne semble pas déranger outre mesure les responsables de la banque», fulmine notre interlocuteur. Sollicité pour donner son point de vue sur cette situation qui, faut-il le souligner, se donne à voir à chaque fin de mois, un agent bancaire tente d’en minimiser l’importance. «Il n’y a pas de quoi en faire un plat, et la banque n’en est, en tous cas, aucunement responsable», se défend-il. Pour notre banquier, c’est surtout la persistance de reflexes éculés chez nombre d’usagers qui en est la cause : «quand des centaines de personnes se pressent aux guichets dès le virement des pensions, ça coince fatalement», explique-t-il.
N. M.