Booster le tourisme, c’est ce à quoi doivent penser les pouvoirs publics. Et ce n’est pas seulement en érigeant des hôtels de luxe étoilés, mais en songeant à améliorer un tant soit peu le réseau routier et aménager aussi des espaces simples où des visiteurs pourront se reposer en quiétude.
La neige tombée en abondance sur le majestueux Djurdjura n’a pas laissé indifférents même des citoyens des autres wilayas, venant braver la peur et redonner son ambiance au site de Tala Guilef. En effet, le week-end prolongé avec les fêtes (jour de l’an et Mawlid Ennabaoui) et gâté par la météo (des journées printanières), même avec des températures très basses, a été justement l’occasion pour les amoureux de la montagne de renouer avec cette belle nature luxuriante. Jamais, depuis l’avènement du terrorisme et son corollaire, il y avait autant de monde que durant les trois derniers jours (du premier au trois janvier). Des files de voitures de plusieurs wilayas du pays n’ont pas cessé d’arpenter cette distance de plus d’une vingtaine de kilomètres de Boghni jusqu’aux cimes du Djurdjura. 15, 16, 09, 35, 19 et bien d’autres plaques minéralogiques sont passées par là. D’ailleurs, les habitants de la ville ont été surpris par ces embouteillages venus asphyxier d’avantage leur localité. «On n’est pas dérangé ; au contraire, cela nous donne beaucoup d’espoir de revoir comme avant des touristes venir dans la région. Vraiment, cela me fait plaisir de voir ces voitures s’arrêter devant les magasins et les restaurants. C’est un bon indice pour l’avenir. Il suffit seulement d’accompagner ce retour avec du sourire et de prestations de service à la hauteur de la ville, qui, jadis, ne désemplissait jamais. Je n’oublierai pas d’appeler nos autorités à prendre des initiatives qui encourageront les touristes à y revenir», nous lancera ce sexagénaire, nostalgique des années 70 et 80. Au fur et à mesure où nous «grimpons» cette route de montagne quoique dégradée à certains endroits, nous admirons non seulement cette beauté éclatante, mais aussi nous sentions que les chaînes de la peur sont définitivement brisées, car, de part et d’autre de la route, des familles s’arrêtent pour prendre des photos, pour savourer ce décor fait d’une végétation exceptionnelle même si nous sommes encore en hiver : lentisques, ronces et autres plantes spécifiques à la région nous accueillent et nous tendent leurs branches enneigées et éclatantes de blancheur. Ces trois jours ont redonné son ambiance au site. Notre accompagnateur, un féru défenseur de la nature, nous ordonne, après quelques centaines de mètres sur ce tronçon, de nous arrêter un moment pour ramasser quelques canettes de bière qui jonchent les fossés. «Nous manquons toujours de civisme. Même si quelqu’un consomme sa dose de bière, il faut qu’il mette ses canettes dans un sachet et les dépose ensuite dans des endroits prévus à cet effet», fulmine M. Abdelkader Hamzaoui, car c’est de lui qu’il s’agit. Et de poursuivre : «cela me fait chaud au cœur de voir tout ce monde redonner sa vie d’antan au site. Durant des années, seuls quelques aventuriers se permettaient de venir ici. C’était vraiment lugubre. Aujourd’hui, Dieu merci, Tala Guilef est enfin ressuscitée. Je suis aux anges ». Notre accompagnateur saisit notre présence pour lancer un appel. «J’appelle les personnes qui viennent se détendre ici de garder les lieux propres. Les autorités de la commune doivent, elles aussi, intervenir en mettant en place des panneaux de sensibilisation et de la sauvegarde de ce lieu d’une part, et de placer des bacs à ordures ainsi que des corbeilles pour inciter les passants à y jeter leurs ordures. Agissons main dans la main afin de donner une bonne image de notre région et de rassurer les touristes et les visiteurs en leur réservant l’accueil voulu pour que notre région ait son aura d’antan», tels sont les propos de cet écologiste hors pair. Peu avant d’arriver à l’hôtel «El Arz», toujours fermé depuis qu’il a été incendié en 1994 par des terroristes, mais en voie de restauration selon la direction du tourisme, les singes viennent s’asseoir non loin des familles installées sur les bords de la route. «On dirait que même les bêtes sont surprises de cette ambiance qui leur a manqué durant des années», dira un jeune homme qui leur lançait des cacahuètes. Et cela n’a pas manqué de faire réagir notre accompagnateur. «Là aussi, je dois placer un mot. Déjà le singe magot est en voie de disparition. Beaucoup de sujets sont soit capturés soit atteints de maladies, telles le diabète, car on leur donne une alimentation à laquelle ils ne sont pas habitués. Encore une fois, protégeons cette espèce. Ne leur donnons pas de la nourriture parce que la nature les nourrit», insistera M. Abdelkader Hamzaoui. Du côté des personnes approchées, nous avons eu des déclarations qui éludent d’un avenir meilleur pour ce site touristique. «Je viens exactement de Blida. Certes, je connais la région de Chréa, mais pour cette fois-ci, j’ai juré de venir jusqu’à Tala Guilef en dépit de ce qu’on a dit au lendemain de l’assassinat du Français Hervé Gourdel. C’est une partie de notre pays, il est de notre devoir de la connaître. Je suis vraiment surpris par ces paysages et le comportement de toutes les personnes rencontrées ici. Vous avez un site merveilleux, mais je crois qu’il est délaissé non seulement à cause du terrorisme, car je remarque que rien n’est fait pour attirer les touristes. Il faut que les autorités de la commune et de la région pensent à améliorer un peu la situation. De Boghni jusqu’ici, il n’y a ni restaurant, ni toilette publique, ni vulcanisateur. En fait, il n’y a rien. Même la route est dégradée et je vois qu’il n’y a pas de plaques de signalisation routière», nous dira ce visiteur venu de Ouled Yaiche. Comme cet interlocuteur, ils ont été nombreux à nous montrer leur satisfaction en dépit de ces quelques manques. Cela étant, Tala Guilef reprend son souffle en attendant que les améliorations souhaitées voient leur jour et que les autorités aient une oreille attentive à tous ces appels et à toutes ces suggestions.
Amar Ouramdane