Les heures tendues de la gouvernance locale

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La gestion locale, particulièrement dans les communes de la Kabylie, ne cesse de défrayer la chronique par une actualité tendue et bouillonnante et des événements qui rendent la vie des citoyens chaque jour un peu plus insupportable. La formule de la coupure des routes est devenue une formule « magique » aux yeux de nombreux administrés pour faire entendre leur voix, si bien qu’elle est presque rentrée dans les mœurs. Mais, la vie ne faisant pas de cadeau, chacun viendra son tour en matière de désagréments, voire de drame, si par malheur ce jour-là il aura à évacuer un malade d’urgence ou à honorer un rendez-vous attendu comme la chance de sa vie. Avec la répétition et l’extension de ces méthodes de revendication, il n’est pas exclu que la situation dégénère et oppose une partie de la population à une autre. Est-ce cela qui est recherché par des parties occultes qui ont tendance à encourager ce genre de pratique? La wilaya de Béjaïa a battu tous les records en la matière. Ses deux grandes fenêtres ou voies d’accès vers le reste de l’Algérie, à savoir la RN 26 (vers Bouira et Alger) et la RN 9 (vers Sétif et Jijel) connaissent leurs plus durs moments depuis l’été dernier. Et cela se répète de façon quasi régulière, en pénalisant les populations et les opérateurs économiques de la région qui sont déjà à la recherche de nouvelles voies de desserte à travers les projets de la pénétrante autoroutière et de la voie ferrée modernisée (Beni Mansour-Béjaïa). L’asphyxie actuelle de l’économie locale et des services publics destinée aux citoyens est intenable. C’est tout le cadre de vie et les perspectives économiques qui en prennent un coup. Comme partout ailleurs, les villageois et les habitants des villes de cette wilaya ont leurs problèmes, ceux du développement, des services publics et du cadre de vie. Le gaz de ville, l’eau potable, les réseaux d’assainissement, l’emploi et tant d’autres préoccupations sont le lot quotidien de centaines de milliers d’habitants de cette wilaya et de la wilaya de Tizi-Ouzou, du fait principalement du relief accidenté de la densité de la population et d’autres facteurs encore. Les contrecoups de ce malaise social ont atterri jusqu’à l’Assemblée populaire de la wilaya de Béjaïa, créant aussi un autre malaise institutionnel desquels les jeux, mais aussi les enjeux, politiques ne sont pas vraiment loin. C’est sans doute instruit par toutes ces « mésaventures » et voyant la coupe pleine, qu’une trentaine de présidents d’assemblées populaires communales viennent de créer l’Association des maires de la wilaya de Béjaïa. Pour faire face aux pressions de toutes sortes, aussi bien celles pouvant provenir de l’administration de wilaya que de lobbys d’affaires, les maires entendent se solidariser et créer un tissu de liens censé renforcer leur position et leur statuts d’élus. La charge et l’honneur de présider le bureau exécutif provisoire de cette association reviennent au maire d’Ouzellaguen, M. Rachid Beldjoudi. Pour les prochains jours, il est attendu une assemblée générale qui élira le bureau exécutif et qui rédigera la plate-forme d’actions et de revendications des maires composant cette association. En plus des problèmes que l’on peut qualifier de « spécifiques », ceux des localités et des populations de la wilaya, il y a des questions fondamentales dans lesquelles se retrouvent l’ensemble des édiles municipaux du pays. Il ne peut en être autrement dans un pays étouffé par un système administratif trop centralisé. Dans une pyramide de responsabilités, conçue de façon uniforme et supposée infaillible, la voix et la marge du premier magistrat de la commune se trouvent perdues dans les dédales des centres de décision, de même que son action est amortie et dévoyée par un faisceaux de facteurs dans lesquels figurent des textes obsolètes, y compris le nouveau code communal de 2012, et de pesantes interférences institutionnelles et extra-institutionnelles. Imparablement, cette adverse fortune de l’action du maire finit par neutraliser son impact sur le cadre de vie du citoyen et du développement de la commune. Depuis au moins deux ans, la question de la mission du contrôleur financier revient comme un leitmotiv, du fait que presque tous les présidents d’APC d’Algérie se plaignent des procédures quasi dissuasives qu’il met en branle dans l’engagement de la dépense publique ordonnés par les maires. On se retrouve avec des refus que les maires qualifient d’injustifiés, et des retards immenses dans la mise en œuvre des plans de développement communaux (PCD). Les populations ne sont pas censées comprendre que ces retards sont dus aux procédures du contrôleur financier. Le maire subit le courroux de la population dès qu’un engagement de sa part n’est pas concrétisé sur le terrain. Il est le « mur des lamentations » de tous ceux qui sont exclus de la liste des logements sociaux, de la liste de l’habita rural, des bienfaits du gaz de ville, des commodités d’une ville saine et propre,…etc. Toutes les études d’experts, tous les appels de plusieurs hommes politiques, de responsables administratifs et d’association, tendant à faire passer l’idée d’une autre organisation de l’administration algérienne (territoires, institutions, mission) dans le sens de plus de décentralisation des centres de décision et de plus de prérogatives aux élus locaux, sont demeurés sans suite. Même les recommandations du Conseil national économique et social (CNES), lors de ses assises de décembre 2011 sur le développement local, n’ont pas encore connu un début de concrétisation. Les dernières orientations du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales sur la « démocratie participative » ne trouvent pas, non plus, de canaux ou de supports réglementaires pour leur mise en œuvre. Reste l’initiative des maires de Béjaïa de se constituer en association. Peut-être, sera-t-elle à même de ressusciter et de hisser vers d’autres ambitions la « Charte intercommunale » de huit communes de la wilaya de Tizi-Ouzou, signée en 2007 et étouffée dans l’œuf.

Amar Naït Messaoud 

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