à travers cet entretien, le réalisateur Younes Boudaoud évoque son tout dernier film Loundja Dh'Aaldja, son parcours et ses autres projets dans le futur.
La Dépêche de Kabylie : Ces derniers temps, vous vous êtes remis sur la scène dans votre monde du cinéma avec ce nouveau film dont vous avez récemment animé la projection de l’avant-première à Tizi-Ouzou. Pour ceux qui ont raté la séance et l’information, de quoi s’agit-il exactement?
Younès Boudaoud: Le titre du film c’est « Loundja Dh’Aaldja » (blonde et brune). C’est l’histoire de deux filles qui ont réussi à décrocher un visa d’études pour la France. A leur arrivée sur place, à Paris, l’une devait être hébergée chez son cousin et l’autre chez sa sœur. Et fatalement, l’influence des deux familles prendra vite le dessus sur les deux étudiantes qui se retrouveront, malgré elles, poussées à sceller des unions qui n’allaient pas forcément constituer le meilleur pour leur avenir. L’une sera harcelée par sa sœur, qui tentera de la faire marier à un proche de la famille pour régulariser ses papiers, et l’autre, qui à l’occasion rejoignait un ancien amour (un jeune étudiant, ancien camarade de fac, parti avant elle), fera vite de lâcher ce dernier en quête d’une autre tentation présentant une meilleure assurance pour son avenir. En gros, le but des deux jeunes étudiantes a vite fait de prendre la tangente face à la réalité de la situation. Et l’histoire connaîtra plusieurs rebondissements avec des liaisons qui se font et se défont… Du suspense et du traitement du racisme il y en a également dans ce long-métrage où l’une des deux étudiantes se retrouvera en liaison avec un Français de souche, malgré le refus des parents des deux tourtereaux d’admettre et d’accepter cette liaison. Dans l’affaire, des deux côtés, on mettra en exergue une fierté excessive pour rejeter la liaison pourtant forte et sincère entre les deux amoureux. Voilà mais pour rassurer tout le monde, nous avons voulu pour ce film une fin toutefois heureuse, puisque Loundja et Aaldja finiront par réaliser leurs rêves à chacune d’elle, après avoir finalement pris leurs destins en main.
Il paraît que le tournage a eu lieu dans sa totalité en France ?
Tout à fait, le tournage a été effectué en France, un peu partout à travers Paris où les événements se déroulaient à commencer par Orly, Parc La villette, dans le 19ème arrondissement, le 10ème, sur les quais de la Seine, à l’Ourcq, Bobigny, Bagnolet, au parc de Montreuil, à Jaque Bonsergent, enfin à plusieurs places dans la grande ville de Paris.
Et vous n’avez pas eu de soucis pour avoir les autorisations nécessaires ?
Non, non, aucun. Juste une semaine après avoir introduit une demande au niveau de la préfecture (de police) de Paris, nous avons eu le feu vert pour commencer le travail et on nous a même signifié que nous pouvions aussi filmer de nuit, jusqu’à 22 heures. Pour ce qui est des jardins et parcs publics, il fallait solliciter les mairies ou les privés qui en ont la gérance. Et là non plus, nous n’avons eu aucun problème pour avoir les autorisations. Et à l’occasion, je remercie toutes ces parties qui nous ont facilité le tournage. Que ce soit pour les mairies concernées, ou encore le gérant privé du parc La villette. Comme je n’omettrai pas de saluer la disponibilité et la générosité de l’administration de l’aéroport d’Orly qui nous a gracieusement autorisés à filmer.
Revenons maintenant au choix des comédiens. On a remarqué que ce sont des têtes presque toutes nouvelles dans le monde du cinéma amazigh, en dehors peut-être de la jeune Loukab qui fut distinguée, dans un passé récent, du titre de Miss Kabylie. Comment avez-vous procédé au recrutement des acteurs ?
Pour le choix des acteurs, je vous avoue que la sélection a été en gros faite via les réseaux sociaux. C’était mon choix de procéder de la sorte. J’ai pris tout mon temps pour découvrir les profils et mûrir les personnalités. Je considère que c’est mieux que de trancher lors d’un casting qui se résume à une apparition, une démonstration furtive qui pourrait s’avérer trompeuse. Ca m’a pris un an, mais au bout je ne regrette pas mes choix. Je dirai que sur les quinze comédiens et comédiennes, à 80%, le choix de l’attribution des rôles a été adéquat. Pour un test amateur je considère que le résultat est encourageant.
Et c’est vous même qui avez assuré la réalisation ?
Pas seul cette fois, puisque j’ai associé un grand nom dans ce domaine, en l’occurrence M. Hanini, un réalisateur de renom en Jordanie, d’origine palestinienne. En France, il est en poste à France 24. L’équipe technique qui a assuré le tournage a été entièrement sous sa responsabilité et le travail a été plus que concluant.
C’est aussi son scénario ?
Non, le scénario est mien, je suis quand même plus avisé sur la vie sociale des nôtres que le film traite. L’histoire est le scénario sont ma propre production même si j’ai eu à consulter certains proches pour avis. C’est toujours bien de s’enrichir des avis et idées des autres.
Combien de temps vous a pris la production de ce film ?
Ca nous a pris exactement 27 jours de tournage. Puis après, il a fallu passer au montage et autres ajustements techniques. Au bout, ça a donné ce que ça a donné et j’en suis particulièrement content. D’ailleurs, lors de la 11ème édition du Festival Sud Nord évolution, organisé à Lille dernièrement, où nous avons présenté le film, nous avons eu tout de même trois prix dont ceux de la qualité de l’image et de la meilleure interprétation féminine. Je vous signale que nous n’étions quand même pas seuls et que plusieurs films de réalisateurs français, marocains, italiens, tunisiens, et algériens entre autres étaient également en compétition et ces distinctions nous honorent et nous confortent dans nos choix et le travail accompli, même si nous sommes conscients que beaucoup reste à faire pour hisser plus haut encore le cinéma amazigh. Nous ne perdons pas de vue que nous sommes juste au commencement et que le chemin reste encore long. Néanmoins, ce genre de réussites nous rassure et nous convainc que nous sommes sur la bonne voie. Franchement, pour être honnête, je ne m’attendais à aucune consécration dans ce festival. Dans ma tête, je partais pour affirmer une présence, une participation, acquérir de l’expérience, des contacts et là nous nous sommes retrouvés avec des distinctions, je dirai que c’est la cerise sur le gâteau.
Juste pour précision, là il est question d’un film qui n’est pas encore sorti publiquement ?
Exactement, en dehors bien sûr de l’avant-première, que nous avons récemment projetée à la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou. Cela dit, j’en ai encore d’autres productions également non encore diffusées publiquement.
Lesquelles ?
Il y a déjà « Ma mère m’a dit 2 » et « Ma mère m’a dit 3 », ce sont les suites du film, je dirais culte, du cinéma amazigh « Ma mère m’a dit ». Nous les avons proposées à la télévision algérienne. Ils sont pour l’instant en commission de visionnage.
Sinon, d’autres projets pour Younes Boudaoud ?
Déjà mon souhait est de voir ces deux suites de « Ma mère m’a dit » passer à la télévision et que le large public les apprécie. Sinon comme vous le dites j’ai un projet d’un film qui traite de la difficulté que peuvent rencontrer les journalistes dans leur mission. Dans le film, il est question d’une journaliste séquestrée. J’ai aussi un projet à la manière de « Big Mama » ou « Les Malheurs d’Alfred ». Ca sera une série d’humour d’une trentaine d’épisodes de 13mn, avec les comédiens Amel Aït El Hadj et Younes Aït Saï. Elle sera intitulée « Wechtouti ». C’est un titre que j’ai tiré des œuvres du regretté Mohia qui reste ma référence.
Et pour terminer ?
J’ai un message particulier d’encouragement à tous ceux qui s’intéressent à ce monde du cinéma et qui peuvent apporter un plus pour promouvoir davantage le cinéma amazigh. Que chacun fasse de son mieux pour apporter sa pierre à l’édifice. Tout un chacun devrait se sentir concerné. Et je dirai aux jeunes amoureux de cet art de continuer à oser. J’en prends exemple de la révolution de nos ainés. Eux, ils n’ont pas attendu d’avoir des chars pour enclencher la guerre. Ils ont fait avec ce qu’ils avaient sous la main. C’est le meilleur exemple à suivre, et le meilleur est sans doute à venir pour le cinéma amazigh.
Entretien réalisé par Djaffar Chilab.