«Emmanuel Roblès a entrepris de saisir le réel en certains moments de tension, de crispations où il devient quelque chose comme sa propre essence et se voit contraint de tirer soi-même une moralité. Un réel bien particulier : celui de l’Algérie coloniale, de l’Algérie en train de se libérer du joug colonial », note Guy Degas dans la préface de ce recueil de nouvelles de 157 pages, publié il y a quelques mois chez les Editions « El Kalima ». L’auteur n’est autre qu’Emmanuel Roblès, un ami fidèle de Mouloud Feraoun, dont il réserve un clin d’œil dans l’une de ces nouvelles haletantes, intitulée « Le Rossignol de Kabylie ». Roblès retrace l’histoire d’un aède prodige en la personne de Noredine Ait Kaci. Ce dernier a été fauché par une balle venue de nulle part. Une mort aussi mystérieuse qu’absurde. « Malika et autre nouvelles d’Algérie », dont le titre est repris par celui du recueil dédié à Tahar Djaout, donne un avant-goût du talent artistique de cet auteur épris d’Algérie. Un pays qui l’a vu naître et grandir. Ce bout de femme de Malika, femme de ménage chez Mme la juge, ne badine pas avec la dignité sa dignité. Pour avoir été blessée dans son amour-propre, elle exige de son employée des « excuses ou rien ». Elle va jusqu’à renoncer à son maigre pécule, qu’elle a pourtant gagné à la sueur de son front. Dans « La Folle » (folle amoureuse ?), Roblès brosse le portrait très atypique d’une jeune femme au cœur consumé par le feu de l’amour. Désenchantée, elle traine la dépouille de sa passion pour s’en aller… ailleurs. Dans « Toros à Oran », l’auteur fait l’apologie de la tauromachie. « Ernest Hemingway a justement écrit que la course n’est pas un sport, mais bel et bien une tragédie, car à l’issue des trois actes traditionnels qu’elle comporte, un des deux personnages doit mourir, vraiment mourir. Et qu’on ne dise pas que c’est fatalement le taureau », écrit l’auteur. « Du soleil sur les mains », « Le bal du dimanche »… sont d’autre nouvelles croustillantes à découvrir dans ce recueil fleurant bon les effluves du bled sous le joug colonial.
N. Maouche
