Un combat, un homme, un héritage

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La population de Kabylie et les enfants du Djurdjura ont su perpétuer la mémoire de leur homme en héritant de ses plus beaux idéaux et en continuant le travail qu’il a amorcé avec tant d’amour et de dévouement. Consacrant sa jeunesse à combattre pour l’indépendance du pays et sa retraite au service des plus démunis, Ali Zamoum, qui demeure un repère pour de nombreux militants, a fondé le 5 septembre 1996, dans une période des plus sombres de l’histoire de l’Algérie indépendante, l’association socio-caritative « Tagmats », un mot lourd de sens dans un pays livré aux déchirements les plus atroces. Fidèles au serment qu’ils ont prêté à Ali Zamoum comme l’a fait lui-même un certain 1er Novembre devant la déclaration éponyme, les membres de l’association Tagmats, auxquels se sont jointes des figures emblématiques de la région, ont relevé le défi d’apaiser les souffrances des malades et de leur rendre le sourire, faisant ainsi de ce groupe l’un des plus actifs au niveau national.

Tagmats, 12 ans de dur labeur et beaucoup de larmes séchées

Célébrant le 12e anniversaire de la création de Tagmats commémorant le 4e anniversaire de son président fondateur Ali Zamoum, une cérémonie rassemblant les membres de l’association, les médecins et les pharmaciens apportant une grande assistance en matière de prise en charge des malades sans ressources et l’ensemble des bienfaiteurs, sans lesquels l’association n’aurait pu réaliser de tels exploits. Cette rencontre qui instituera à coup sûr une dynamique d’action sociale digne des valeurs et principes de nos aînés et créera un cadre d’expression de la fraternité et de la solidarité permettra d’initier des opérations d’aide et d’entraide envers ceux défavorisés et qui se trouvent dans le besoin. S’étalant sur deux journées, les 28 et 29 août, plusieurs activités marqueront cette célébration, à commencer par un recueillement au carré des martyrs de Tizi n’Tleta avec le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe où repose Dda Ali. Une action de solidarité sera menée à l’hôpital de Draa El Mizan qui, rappelons-le, a eu droit à plusieurs dons de l’association et un prix de mérite institué il y a deux années, pour récompenser une personnalité qui a marqué l’année par sa générosité. Le prix Ali Zamoum 2008 sera décerné à un bienfaiteur de l’Algérois qui a ouvert son cœur et les portes de sa maison aux démunis. Il est à signaler que l’association Tagmats se bat au quotidien et a entrepris plusieurs actions au profit des pauvres et des malades telles la réception de plusieurs centaines de lunettes de vue en provenance de France par l’intermédiaire de Tagmats Europe Algérie avec une priorité pour les écoliers, circoncision collectives et individuelles d’enfants, collecte d’argent pour les femmes nécessiteuses de la région et distribution de médicaments et de matériels médicaux et transport de malades par ambulance offerte par le CHU de Grenoble par l’intermédiaire des Médecins du Monde. Un projet cher à Dda Ali qui s’est démené pour sa réalisation et a pu enfin voir le jour à travers la construction d’un dispensaire à Helouane, un hameau reculé au pied du Djurdjura. Le coup de starter des travaux donné en 2006 par la veuve Zamoum a été fort en émotion et a constitué une très belle preuve de fidélité de ses enfants qui ont mené à bien son projet.

De l’action militaire

Né le 29 octobre à Boghni, Ali Zamoum a été dès son jeune âge en contact très étroit avec les militants du mouvement national, dont son frère aîné Mohamed alias le colonel Si Salah. Doté d’un patriotisme inégalable, il est passé de simple sympathisant à militant, chef de cellule, chef de groupe puis chef de kasma de la région au sein du PPA MTLD. Responsable d’une des six régions que comptait la Kabylie, Ali Zamoum homme de confiance de Krim Belkacem, reçoit de ce dernier la déclaration du 1er Novembre dont il a eu la charge de la reproduire en plusieurs exemplaires. Alors âgé de 21 ans seulement, Ali Zamoum s’acquitta de sa tâche et assura comme prévu le tirage et l’expédition du document vers les destinations indiquées. Arrêté au maquis et condamné à trois reprises par le tribunal militaire d’Alger et incarcéré dans plusieurs prisons d’Algérie et de France il partagea la cellule de nombreux condamnés à mort à l’instar de Ahmed Zahana auquel il était très lié et qui fut guillotiné le 9 juin 1956 à la prison de Serkadji. Occupant après l’Indépendance le poste de responsable militaire à Bordj Ménaiel, il ne tarda pas à le quitter pour se consacrer à des actions civiles.

…à l’action civile et sociale

Estimant que le serment du 1er Novembre est accompli et mettant les armes de côté après la libération du pays du joug colonial, Ali Zamoum, le militant à l’énergie débordante ne se mettra pas au repos et servira encore son pays en assurant plusieurs fonctions au sein de l’administration centrale. Il a été nommé directeur du centre d’éducation surveillée de Birkhadem puis a pris de la première maison d’enfants « le château Holden. » Il fut désigné également préfet de Tizi Ouzou, directeur du complexe textile de Draâ Ben Khedda, directeur de l’Institut des hydrocarbures de Boumerdes et enfin directeur de la formation au ministère du Travail et des Affaires sociales. A la retraite, Dda Ali fera son retour au village natal, et demeurer proche du petit peuple et à l’écoute de ses semblables. Il tentera de rendre hommage à ses frères de combat en préservant leur mémoire de l’oubli. Dans cette optique, il a alors entrepris des recherches et a rédigé des biographies plus ou moins approfondies pour certains d’entre eux, a effectué des démarches administratives auprès des autorités afin de rétablir les vrais moudjahidine dans leurs droits et il est même allé jusqu’à solliciter les services concernés de baptiser les infrastructures au nom de ces maquisards. Toujours dans cette volonté de dépoussiérer l’histoire de la Guerre d’Algérie, Ali Zamoum a initié et contribué à la réalisation de monuments et stèles d’anciens compagnons d’armes et animé des conférences traitant du mouvement national à la demande de plusieurs associations culturelles ou de jeunes. Encouragé par Kateb Yacine, il a écrit un livre intitulé Tamurt Imazighen. Mémoires d’un survivant 1940-1962. Ne pouvant s’empêcher de répondre au cri du cœur et à l’appel de détresse des démunis et des malades,il s’inscrira dans l’action sociale et créera en 1996 avec un groupe d’amis une association à vocation sociale et humanitaire et contactera plusieurs de ses connaissances installées en France en leur proposant de créer également une association caritative à Paris. Ce qui se réalisera en février 1998 sous l’appellation Tagmats Solidarité Europe. Quatre ans après sa disparition, l’âme de Dda Ali plane toujours sur Tagmats et étend ses ailes protectrices pour guider ses enfants à redonner le sourire aux milliers de malades. L’image du fondateur de Tagmats, au volant de sa fourgonnette, sillonnant les ruelles des villages les plus reculés de la Kabylie, demeure encore vivace dans les esprits, désormais marqués à jamais. En dépit de son absence physique, la seule évocation de Ali Zamoum, témoignent les membres de l’association, agit tel un passe-partout qui réussit à attendrir les cœurs les plus endurcis et à ouvrir les porte-monnaies des plus réticents… merci Dda Ali !

H. Hayet

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