Esprit méditerranéen par excellence, «éternel Jughurtha» comme aime à l’appeler Jean Amrouche, chez qui l’ire et le délire peuvent succéder à un grand éclat de rire.Souvent loin du clair-obscur qui signifie tantôt sagesse et pondération, tantôt confusion spécieuse ou flou artistique fort suspect, la parole algérienne joue l’extrême, quitte à mêler les langues et les langages, le jargon d’un métier et l’idiome d’une contrée.Il en résulte un succulent syncrétisme linguistique par lequel une nouvelle polysémie donne des dimensions inouïes au sens premier d’un mot ou d’une expression. La flexibilité et la souplesse qui sous-tendent un tel mécanisme à mi-chemin entre la liberté ludique et la rigidité technique sont développés par des ressorts sociaux mus par la nécessité de nommer et de dire des situations et des objets que le développement et l’actualité ont parachutés dans notre vie domestique et notre aire culturelle.Les mots et les locutions produits par la société dans un moment de son existence sont, dans la majorité des cas, révélateurs de comportements et d’attitudes propres à la période considérée. Ils nous indiquent une mentalité et un état d’esprit fonctionnant en réaction à une réalité n’ayant pas toujours l’avantage de la lisibilité. Les mots choisis pour nommer, vanter, brocarder, louer, narguer ou simplement pour désigner, portent assurément l’empreinte des conditions de leur utilisation et de la mentalité ambiante. De plus, les différentes influences culturelles qui travaillent l’esprit algérien, ajoutées à la perte de repères dans un pays qui vit les changements à la «vitesse de la lumière», tout en faisant du surplace, donnent nécessairement un corpus langagier des plus étranges, y compris dans la vie domestique. En effet, quand Lahda signifie «lait en poudre», on va jusqu’à dire «j’ai acheté un paquet de Lahda portant le nom de Nespray». Nos enfants ne demandent-ils pas à l’épicier de leur donner l’Omo Isis qui sont, deux marques de lessive séparées par presque quarante ans d’âge ?Dans l’exercice qui va suivre, il sera plus question d’un petit divertissement esquissant le souhait d’un travail approfondi par les spécialistes qu’un traité de sémiologie ou de sociolinguistique.Le vocabulaire dont nous extrayons quelques spécimens est fait de substantifs, d’adjectifs ou de verbes servant ou ayant servi à exprimer un objet, une pratique, une idée ou un concept au cours des dernières quinze années de la vie algérienne. Ce sont des néologismes propres à un métier ou une corporation, des barbarismes confectionnés à la hâte pour désigner un objet ou une situation, comme ils peuvent aussi prendre les formes de locutions toutes faites servant de «prêt-à-porter» en matière d’idées et de conception. Certains mots dépassent la pensée que nous voulons exprimer parce qu’ils sont empruntés au paysage culturel français, d’autres sont détournés de leur sens et parfois de leur morphologie d’origine. Le répertoire qui va suivre, nécessairement lacunaire ou inconsciemment sélectif, est appelé à être enrichi ou remanié par d’éventuelles études plus ciblées.
L’abécédaire de l’aventure algérienneAADL : La transcription en arabe de cette Agence donne le mot Adl, ce qui signifie justice. Vue sous cet angle, la respectable institution peut être prise pour une association caritative ou un organisme philanthrope qui distribue des logements.Aârch : Organisation séculaire de la société ayant refait irruption en 2001 suite à l’assassinat de Guermah Massinissa. Pour les uns (les concernés), c’est une renaissance, pour les autres (qui se désennuient à bayer aux corneilles), c’est un archaïsme.Algérie : Un nom malmené par les propres enfants du pays dans une réaction de dépit menant à la haine de soi. Le complexe du colonisé fait que tout ce qui est Algérien est déprécié dans une espèce de dérision qui fait mal. Lorsqu’on se résigne à la bureaucratie ou à la médiocrité, on soupire : Eh oui ! C’est l’Algérie ! «Tu es en Algérie !», signifie «tu dois admettre ce qui t’arrive ; il ne faut pas trop chercher à comprendre». Lorsque quelqu’un revendique ses droits par des moyens légaux et réglementaires, on lui fait l’observation : «Tu ne vis pas en Algérie, toi».Devenue synonyme d’arbitraire, de grande prison et de cour de roi Pétaud, l’Algérie n’est même pas ménagée quand on découvre sur son territoire un coin de beauté, propre et attirant : «On dirait qu’on n’est pas en Algérie !».Alliance présidentielle : Conglomérat réunissant les matériaux de l’ère primaire et de l’ère quaternaire supposé servir de socle à l’institutionnalisation de la démocratie. Mais, les indus-élus de Kabylie et la femme-élue du cœur- constituent un sujet de discorde qui a élu domicile dans le foyer de l’Alliance.Amechrass : On y découvrit les vertus du non-dialogue après avoir applaudi les mérites du dialogue à Raffour.Amnistie générale : Le droit de propriété intellectuelle voudrait que le mérite du concept revienne à la mouvance islamiste qui a lancé ce ballon-sonde à la veille du référendum sur la Concorde civile. Le Président Bouteflika, se l’approprie sans en avertir les limites. La presse s’en saisit et en fait un objet de dissertations mystiques et de sel attique.Aucuns (d’) : «D’aucuns» est devenu le mot passe-partout pour certains journalistes frileux ou qui n’assument pas tout à fait leurs assertions. Quant on veut donner son opinion sur un événement et que l’on manque terriblement d’assurance, on se réfugie dans les lieux communs de la formule bateau «d’aucuns pensent…»Autonomie (de la Kabylie) : Idéal pour certains, chimère pour d’autres, le concept reste nébuleux pour tout le monde. Un confrère qui n’adhère apparemment pas à la thèse des autonomistes nous avoue qu’il ont le mérite d’exister.Baril : En caracolant sur les vertigineux sommets des 40 à 42 dollars, le baril de pétrole nourrit davantage les chimères des Algériens en les plongeant dans une mystique de rente et de farniente. Dans nos errements rentiers, nous croyons que tout est possible, et que nous sommes les meilleurs et les plus beaux sujets sur la planète. Il nous arrive souvent de discuter du sexe, des anges, sans penser à l’inéluctable chute des anges qui nous laissera un goût d’amertume au prix probablement inférieur aux 19 dollars fixé comme référence par notre loi de finances.Barricades : Moyen idéal de se faire entendre auprès des autorités. La RN 5 en a une expérience éloquente. L’esprit d’émulation a gagné aussi les routes secondaires et les chemins vicinaux.Biper : Ce verbe, récent en français, est conjugué en arabe dialectal et en kabyle. «Bbip-iyid» : donne-moi le signal bip sur mon portable. A de nouvelles fonctions ou de nouveaux organes, des néologismes qui nous tirent d’affaires.Bipartite : Instrument de négociation sociale entre l’Exécutif et la Centrale syndicale, la bipartite est toujours attendue avec intérêt par le monde du travail. Cette fois, Ouyahia annonce qu’il n’y a ni vainqueur ni vaincu. C’est probablement la preuve que la complicité l’a emporté sur la division du travail au sein de cette bipartite.Café : (payer son café à quelqu’un) : lui verser un pot-de-vin contre service rendu illégalement et, parfois, dans le cadre de la loi.Chantiers : projets engagés par le gouvernement sous la conduite du président. Pour les uns, c’est un espoir de renouveau basé sur l’esprit des réformes, pour les autres, il s’agit des éternelles promesses utopiques rejoignant les calendes grecques.Chnaoua (chinois) : Comment ne pas nommer les enfants de Confucius maintenant qu’on les rencontre dans tous les boulevards de la capitale et sur les échafaudages des chantiers de l’AADL ? Au moment de la grippe aviaire qui a frappé l’Asie, les travailleurs chinois nous ont tellement manqué. Le directeur de l’AADL explique que l’une des raisons du retard de la livraison des logements est justement cette maladie asiatique qui avait retenu les travailleurs chinois chez eux. Après avoir subrepticement fait écouler des cigarettes pékinoises à Aïn Oussara depuis les années 1980 et ouvert un restaurant du terroir en plein cœur d’Alger, les Chinois installent un magasin de vêtements Alain Peyrefitte qui avait écrit en 1973 «Quant la Chine s’éveillera»Citoyen (mouvement citoyen) : Concept ou catégorie politique élitiste pour dire l’organisation des Aârchs.Code pénal-bis : Code de l’information.Cohabitation : Maladie honteuse qui consistait, pour les partis vainqueurs des législatives du 29 décembre 1991 et le président de la République de l’époque, à vouloir cohabiter avec l’ex-Fis, qui avait raflé 188 sièges au premier tour.Conclave : De mauvaises langues et des esprits maladivement malintentionnés ont qualifié Abrika de Chrétien. Mais, ce n’est pas cette raison qui a présidé au choix du terme «conclave», pour parler des réunions ou assemblées des Aârchs. Il semblerait que c’est par paresse intellectuelle que certains ont recouru à ce mot utilisé par la presse dans son sens figuré. Cédant à l’air du temps, d’autres ont «appuyé sur le champignon» d’une nouvelle sémantique pour introduire et consacrer un autre substantif un peu plus croustillant, conclaviste.Criminels, mercenaires et traîtres : Triptyque par lequel l’ancien président Liamine Zeroual désignait les terroristes.Criquets pèlerins : Un malheur ne venant jamais seul, il a fallu que le criquet atterrit une année après le séisme et les inondations. Inscrit dans la mémoire populaire (aâm ladjrad, l’année du criquet), le criquet pèlerin est supposé subir beaucoup de barrage au cours de son avancée vers le nord (Niger, Mauritanie, Maroc), avant de terminer son pèlerinage en Algérie. Mais la faiblesse des moyens de lutte des pays cités, fait que le pèlerinage se fait en toute quiétude jusqu’aux confins d’Aflou, Boualem et Naâma.Croissance (taux de) : Il est de 6,7% pour l’année 2004. Outre l’ésortérisme et l’hermétisme de ce concept des sciences économiques pour le commun des Algériens qui fait qu’ils ne peuvent pas lui donner un sens ou un prolongement sur le terrain, aucun organisme indépendant ne peut confirmer ou infirmer ce taux. Et quand on entend le CNES lui-même se plaindre de la carence des chiffres fiables et l’ONS déplore le manque de moyens pour recueillir et traiter les statistiques, alors…Démocratie (pôle) : Les luttes homériques de leadership ont fait du pôle démocratique une vue de l’esprit.Dessalement (de l’eau de mer) : Avant-dernière trouvaille des pouvoirs publics pour remédier au déficit en eau potable. La dernière étant l’importation de l’eau par bateau-citerne à partir de Marseille. Nous n’avons pris conscience du ridicule de la situation qu’après trois hivers pluvieux qui ont permis un remplissage respectable des barrages. Mais les stations monobloc de dessalement sont maintenues et commenceront à fournir de l’eau sous peu.Dialogue : Vertu civilisationnelle pour certains, abdication pour les autres, mais les vrais motivations de ces appréciations sont impénétrables pour le commun des Kabyles (Version augumentée).Dix pour cent : Taux de perception de pots-de-vin sur les marchés tel que colporté par la vox populi. La gangrène a pris son départ des champs pétroliers du Sud avant de gagner les communes et les directions techniques du nord.El Kseur : Désormais, il ne suffira plus de dire que c’est une ville de la Vallée de la Soummam située à 20 km de Bgayet. Elle a acquis le statut de ville du Pacte kabyle illustré par la plate-forme qui prend son nom. Quel que soit le sort réservé à cette charge de revendications, El Kseur restera pour la postérité le lieu qui a réuni et amplifié les cris indicibles de Béni Douala suite à l’assassinat de Massinissa et la voix rageusement dégoupillée des jeunes écoliers d’Amizour arrêtés arbitrairement par les gendarmes.Emeute : Les marches et les manifestations publiques tournent souvent à l’émeute si bien que les communiqués des organisateurs appelant à une marche mentionnent le caractère pacifique de la marche, ce qui ne la prémunit en rien contre les dérives et autres manipulations. Ali Dilem, avec sa succulente gouaille, a immortalisé ce terme dans une caricature où une personne demande une autre «imoute fi leqbauyel».Emeutier : Jeune manifestant que la répression transforme en communard, ripostant avec les moyens de bord, à commencer par les pierres jusqu’à en arriver aux cocktails Molotov. On ne devient émeutier qu’en participant régulièrement aux émeutes se produisant dans sa région ou dans les régions voisines. Pour certains jeunes, c’est devenu un véritable métier, dont ils maîtrisent les ressorts et les techniques. Dans une pétition qui a circulé pour demander la libération des détenus du Printemps noir, un jeune après avoir écrit son nom sur la feuille, avait signé emeutier.Emir : Grade acquis par les chefs terroristes le plus sanguinaires après avoir exterminé des familles, des militaires et mêmes des «frères» d’arme.Enquête (commission de) : Quant on veut noyer un problème, on lui crée une commission. Cela se disait au temps du parti unique au vu de l’inflation des commissions qui furent créées pendant les années 1980. Quant aux enquêtes, elles ont fini par blaser le plus optimistes et le plus benoît des citoyens grave accident de train à Boumedfaâ, en 1982, qui avait fait plus de 120 morts, jusqu’au crach de l’avion militaire il y a quelques mois à Béni Mered, en passant par le dérapage du bus Constantine-Oran à Eulma en décembre 1987, l’assassinat de Boudiaf le 29 juin 1992, la fraude électorale de 1997 (législatives), le crash de l’avion Air Algérie à Tamanrasset, il y a un peu plus d’une année… On connaît les résultats d’avance: Il n’y a pas de coupables.Fraude : Froufrou habituellement entendu dans les bureaux de vote et qui jure par l’incantation sacrée «qui perd gagne !». La hantise de la fraude gagne les candidats et joue un rôle de repoussoir chez les électeurs. Malgré les assurances et les déclarations des autorités, chat échaudé craint l’eau froide.Hogra : Léviathan algérien, ogre indéfinissable, pieuvre étouffante et insatiable tenant la société algérienne entre ses mâchoires. Le mot est intégré dans le lexique des comptes-rendus de la presse mondiale et finira, sans doute, par figurer dans les manuels de science po et les modules de sociologie.Indus-élus : Concept aârchiste s’appliquant à une espèce rare d’élus arrivés au pouvoir local parfois avec moins d’une dizaine de voix. Le terme est repris par les pouvoirs publics pour servir de monnaie d’échange dans le dialogue entamé avec les Aârch.Infructuosité : Voici un terme tout à fait algérien qui remplit les pages de publicité dans les journaux mais que beaucoup de lecteurs, gagné par l’esprit de curiosité, ne trouvent pas dans leurs dictionnaires. Ni le Robert, ni la Larousse n’ont eu l’heur d’introduire ce mot dans leurs pages. Un avis d’appel d’offres qui n’a pas abouti est tout simplement frappé d’infructuosité. Comme il existe un Français Canadien (canadianisme), un français belge (belgicisme), il existerait aussi un Français Algérien (algérianisme).Inondations : Les éboulements des hauteurs de Bab El Oued, ayant arraché terres et maisons sont appelés chez nous des inondations comme si cela se passait dans le plat pays de Bel Abbès ou de Sétif. Et puis quand la providence tient lieu d’explication, on est tout bonnement inondé par l’irrationnel.Kamar Istinaï (satellite) : A force de répéter machinalement ce terme au début de chaque bulletin météo, la présentatrice fait perdre un peu de crédibilité aux prévisions météo. Le doute s’installe sérieusement quand on abuse de «bihawlçilah», et «inchallah».Khalifa : Au début, on ne parlait pas de l’empire Khalifa mais d’une réussite sociale dans la nouvelle Algérie qui commençait à respirer le libéralisme. Notre Crésus national, par un renversement des alliances et un travail de maîtres chanteurs bien aguerris, sera révélé sous son vrai visage de porte-parole et de prête-nom d’une mafia abritée dans les loges de la nomenklatura. Lorsque l’idée d’une commission d’enquête surgit à Paris, un confrère bien inspiré intitula sa chronique : «Enquête à Paris, sueurs à Alger».Littérature de l’urgence : Syntagme auquel ont recouru une partie de la presse et une certaine élite exilée en France depuis le début des années 1990, pour présenter la nouvelle tendance littéraire des auteurs qui ont voulu exprimer le désarroi et le drame de la société algérienne à l’ère du terrorisme islamiste. Il semble cependant que le concept cache une certaine volonté de faire l’impasse sur la qualité intrinsèque de ces écrits. Incontestablement, il ya des œuvres de valeur dans cette masse de créations qui ne se limitent d’ailleurs pas à la littérature, on y trouve du cinéma, de la photographie, de la peinture, de la chanson…Mahchoucha : Fusil à canon scié utilisé par les subalternes des émirs. Sa découpe est savamment réalisée pour les besoins d’adaptation au terrain. Avec un canon tronqué, le fusil de chasse devient facilement transportable et se dissimule aisément sous le kamis, en plus du fait que, d’après les connaisseurs, l’arme fait moins de bruit au tir.Manipulation : Comme l’Arlésienne, on en parle partout, mais on ne la voit nulle part. Qui manipule qui ? Tout le monde la condamne, mais peu d’acteurs peuvent s’en passer. Néanmoins, n’est manipulé que celui qui est manipulable. L’ignorance et l’école sinistrée ont assurément fait le lit de la manip et de l’agit. prop.Marche : Marche ou bien décline ton identité ! Disait Aït Menguellet. C’est le choix cornélien auquel sont réduits les Algériens depuis au moins quatorze ans. Les grands moyens de la revendication sociale suivent cette gradation : grève, marche, barricades, émeutes, incarcération, grève de la faim en milieu carcéral, émissaires envoyés dans les prisons pour négocier une «sortie honorable» pour les gouvernants surtout, et enfin libération des détenus, en attendant le prochain cycle infernal.Numérique : Terme popularisé en Algérie, le pays le plus parabolé du monde par rapport à la taille de sa population, pour désigner le dé-modulateur numérique de la télévision. Il arrive même d’entendre des jeunes dire : «Hier, j’ai vu un film sur le numérique». Dans une chanson raï sortie récemment, son auteur compare sa bien-aimée à une habba numérique ! Pas moins.Partisan : Comme adjectif, ce mot a acquis en français une valeur souvent péjorative pour signifier «attaché à un esprit de chapelle, de clan…»Chez nous, il est innocemment utilisé dans le sens neutre de «qui appartient à un parti politique». C’est ainsi que là où, sous d’autres cieux, on parle de presse d’opinion, en Algérie on parle de «presse partisane», sans aucune connotation négative. Faut-il faire la moue devant cette appropriation spécifique ou plutôt s’en réjouir ?Pneu : Véritable instrument de guerre ou de guérilla, le pneumatique a acquis ses lettres de noblesse pendant le Printemps noir de 2001, en Kabylie.Un pneu enflammé, c’est une barrière psychologique qui saute en plus du sentiment de foule qui insuffle assurance et invulnérabilité. La méthode a eu un début de «démocratisation» en investissant les routes et venelles de toutes les villes et bourgades d’Algérie. Même Djanet en a obtenu une licence d’utilisation.Pont : Avant-fête ou l’Algérien chôme. Ne comportant ni arches, ni culées, ni tablier, le viaduc en question est le fruit amer de l’imagination rentière.Rappel (pour) : «Pour rappel» est une formule routinière utilisée par réflexe involontaire par certains journalistes pour expliquer le contexte d’un événement par un retour sur les circonstances qui lui ont donné naissance. Malheureusement, dans la plupart des cas, on «rappelle» une chose, dont on n’a pas parlé par le passé. C’est souvent une façon commode de se rattraper au sujet d’une information qu’on n’a pas donnée au moment opportun.?Redresseur : Dernier glissement sémantique de la péroraison algérienne pour annoncer un néo-FLN aux couleurs présidentielles. Les redresseurs du FLN ne peuvent pas être appelés les rénovateurs du parti comme c’est le cas en Europe qu ne remet pas en cause la direction du parti. A ce propos, existe-il des courants d’opinion dans nos partis ? On peut même se poser la question de savoir est-ce qu’il existe des opinions tout court à part celle du chef. Ce sera un véritable redressement des mentalités, le jour où ce sera le cas.RN 5 : La route nationale n°5 Alger-Constantine, est l’une des arènes importantes du combat citoyen. Coupée des dizaines de fois à la circulation par les émeutiers de la partie Est de Bouira au niveau d’El Esnam, El Adjiba, Bechloul, Maillot-Gare, elle est le registre de la colère et de la révolte. Les véhicules à destination de Constantine, Annaba, Tébessa… prennent des détours pénibles en passant par le vaste massif des Bibans sur des chemins plus proches de la piste que de la route goudronnée jusqu’à El M’hir (wilaya de BBA). Pour d’autres renseignements voir les mots «barricade», «pneu», «émeute» et «emeutier».Saint Augustin : Après le semblant d’intérêt accordé au père numide de l’Eglise chrétienne, le dessinateur Ali Dilem improvisa une scène où conversaient deux Algériens dont l’un est visiblement, surpris par la consonance du nom évoqué. Il demande à son camarade : «Ce Saint-Augustin est-il un musulman ?». L’autre lui répond : «non, c’est un saint !».Scellée et non négociable : Ce caractère, conféré à la plate-forme d’El Kseur, a fait son bonheur et son malheur à la fois. Déclarée comme sacrée, la PFK est propulsée au-devant de la scène, et le pouvoir n’avait d’autre choix que de la recevoir telle quelle. Ce même caractère sacré a également fait éviter des révisions, certes déchirantes de la plate-forme, mais aussi nécessaires et salutaires.Séisme : Comme les inondations, le séisme est vécu non pas en tant que calamité naturelle mais en tant que “châtiment divin” par une population désemparée, qui se sent coupable d’impiété et de dévergondage. Les imams et les officiels algériens ont, eux aussi, tenu des propos de cet acabit généralement pour fuir leurs responsabilités.Le dernier séisme de Boumerdès a appris à des Algériens analphabètes le mot “réplique” et le “calcul” de l’échelle Richter. Ils ont aussi appris que l’Algérie du Nord repose sur une faille tectonique, autant dire un volcan. Ils se sont enfin rendus compte que leurs habitations n’étaient pas construites selon les normes techniques requises.Soleil : “Rien de nouveau sous le soleil”, tel est le constat d’Aït Menguellet qui s’appuie sur la déclaration de l’Ecclésiaste qui dit aussi : “Vanité des vanités, tout est vanité !”. Le dernier album du chanteur kabyle illustre de façon magistrale le sort “scellé” de l’humanité. En dehors des passions, tout capital est sujet à caution. Cela suppose et implique beaucoup de modestie et d’humilité.Unique : Terme spécifiquement algérien pour désigner l’unique chaîne de télévision du pays, qui est un organe public. Média lourd par excellence, la télévision a courroucé tous les courants politiques qui ne font pas partie du sérail, y compris ceux qui étaient hier aux commandes de l’Etat et qui avaient fermé cette télévision aux autres Algériens. La presse écrite arabophone brocarde notre TV en l’appelant El Yatima, l’Orpheline.Week-end universel : Sera-ce la seule fenêtre d’accès à l’universalité ? Sera-t-on “universels” ou universalités dès qu’on se repose samedi et dimanche ? Conscients de la limite conceptuelle du syntagme, les aârchs nous proposent un marché concomitant avec Yennayer, jour de l’an berbère. Certaines mauvaises langues parlent plutôt d’une autre transaction : les deux premiers acquis contre l’acceptation de l’amnistie générale.
Amar Naït Messaoud