Il y a des visites dont on parle des semaines durant, avant et après, et celle d’Amine Zaoui, fixée pour le 31 janvier, en fait partie.
Voilà des jours et des jours qu’on évoque sa venue à la Maison de la culture de Bouira. L’homme est connu de la presse et du grand public. Sa réputation d’écrivain est bien établie tant en Algérie, où ses romans s’arrachent comme des petits pains, qu’à l’étranger où il est traduit dans une quinzaine de langues. D’une immense culture, mais d’une simplicité proverbiale qui met ses interlocuteurs les plus modestes à l’aise, il ne parle jamais de lui ni de ses livres. En revanche, comme on peut le voir à l’émission qu’il anime régulièrement sur El Djazairia, ce spécialiste des langues et de la littérature comparée, ce conférencier de génie, ce romancier et cet essayiste de renom n’a pas son pareil pour parler des livres des autres. Très à l’aise dans les deux langues, ne traduisait-il pas vers arabe «Habel», de Mohamed Dib, et «A quoi rêvent les loups», de Yasmina Khadra avec le succès que l’on sait ? L’auteur de tant de romans et d’essais sera, donc, chez nous dans une dizaine de jours. Et, d’ailleurs, l’on se prépare à l’accueillir avec tous les honneurs dus à son rang, ainsi qu’avec toutes les questions que l’on imagine et que rend inévitable le contexte littéraire du moment. Quand ce ne serait que pour lui poser celle qui a trait à la Soumission de Michel Ouellebecq, ce ne serait pas sans intérêt. On sait que si les deux histoires sont diamétralement opposées, le prix Goncourt prédisant à la France sa mise sous la coupe réglée des islamistes à la faveur d’élections de 2022, et le chroniqueur de Liberté évoquant la condition de la femme arabe. Il reste que les deux livres, autant par les titres si proches que par la charge symbolique qu’ils véhiculent, se touchent par bien des bouts. Il serait, en effet, du plus haut intérêt de savoir ce que l’auteur de Soumission doit à l’auteur de La soumission, et de profiter de ce que l’hôte d’une soirée de la Maison de la culture de Bouira soit un distingué spécialiste de littérature comparée pour lui demander ce qu’il pense de l’influence que les romanciers francophones exercent durablement sur les auteurs français. Enfin, il ne serait pas négligeable non plus de connaître son point de vue sur l’attribution subjective de ce prix fondé par les frères éponymes et qui récompense, chaque année, un nouveau produit romanesque, mais assez rarement le mérite. Évidemment, il sera aussi attendu sur d’autres questions comme la liberté d’expression et les limites de celles-ci afin que puissent s’exercer sans contraintes et sans stigmatisation les autres libertés. Naturellement, l’évolution du roman dans la littérature maghrébine et des projets du conférencier tant en sa qualité d’essayiste qu’en sa qualité de romancier seront au coeur des débats que ne manquera pas de provoquer cette conférence sur l’oeuvre et la vie de l’écrivain à la lumière de l’actualité littéraire. Considérant cette visite comme un grand honneur pour la wilaya et un événement considérable pouvant profiter grandement aux jeunes talents désireux d’acquérir de nouvelles expériences dans le domaine littéraire, le directeur de la culture a salué l’auteur de «La vierge impure», un roman édité en 2009 chez Fayard, comme une «grande figure de la littérature arabe et francophone».
Aziz Bey.