Les conditions de vie dans le village Tighilt Oumétchim, dans la commune de Seddouk, situé à quelques 1 000 mètres d’altitude, où nous nous sommes rendus dimanche dernier pour nous enquérir de la situation dans laquelle vivent les habitants de cette contrée rurale, sont extrêmement difficiles.
Nous roulons sur la RN 74 en montant et en zigzaguant pendant que la neige continuait encore à tomber, rendant la circulation difficile. Au bord de la route, nous apercevons une personne emmitouflée dans son burnous que nous avons invitée à monter dans la voiture. Nous l’avons interrogé et il nous a répondu qu’il habite le village Tighilt Oumétchim, lieu de notre destination qu’il nous montre du doigt de loin, tout en nous expliquant que nous ne pouvons pas nous y rendre à cause de la neige qui a obstrué la route. En regardant à travers les vitres du véhicule, nous apercevons une petite bourgade située en bas de la route à environ un kilomètre, et accessible par une autre route dont la chaussée est recouverte de neige d’une une épaisseur de 20 centimètres. Le village couvert d’un manteau blanc est d’une beauté incomparable. D’une vue imprenable, il ressemble à un éden que beaucoup d’usagers empruntant cette route souhaiteraient y passer quelques jours de détente pour le calme qui y régnait. Mais seulement, notre passager, qui s’appelle Belarbi, nous a fait savoir que cette nature qui lui a façonné un environnement sauvage des plus subtils n’est qu’un trompe l’œil. Il nous explique que leur patelin recèle un manque terrible de moyens, et les habitants n’ont que la misère et un quotidien fait de privations et de frustrations diverses. Pendant que nous continuons notre route en roulant à petite vitesse à cause de la chaussée rendue glissante par les flocons de neige qui ne cessent de tomber, nous écoutons notre interlocuteur qui égrène un chapelet des insuffisances qui empoisonnent la vie des habitants. «Aujourd’hui, je n’ai pas emmené mon fils à l’école, car la route est obstruée par la neige du fait qu’aucun engin n’a été dépêché par la commune pour déneiger la chaussée. Moi aussi, pour me déplacer à Trouna, une ville distante de quelques trois kilomètres et qui est notre centre d’intérêt, je fais de l’auto stop alors que je possède un véhicule. Cette route d’accès à notre village est dans un état piteux de par les crevasses et les nids-de-poule qu’elle renferme. Elle est difficile d’accès même en temps normal. Si l’on s’en tient à cela, les rues situées à l’intérieur du village sont aussi dans un état piteux. Nous marchons sur la gadoue en hiver et nous inhalons la poussière en été. On a demandé des sacs de ciment, du sable et du gravier pour les bétonner et notre demande est insatisfaite jusqu’à présent. Les pouvoirs publics, pour faciliter la scolarisation à nos enfants, ont construit une école primaire, qui a ouvert ses portes vers la fin des années 90. Les parents et leurs enfants étaient vraiment soulagés. Qui ne voudrait pas avoir une école près de chez lui? C’est bien le vœu de chaque parent, n’est ce pas ? Mais cette satisfaction s’est transformée en cauchemar il y a environ une dizaine d’années, quand nous avons appris que notre école serait fermée pour manque de cartes scolaires. Et rebelote, nos enfants, depuis l’année scolaire 2005/2006, sont scolarisés à l’école cheikh Belhaddad de Seddouk Ouadda à Lokri, un établissement scolaire éloigné de notre bourgade d’environ cinq kilomètres », a déclaré notre interlocuteur qui n’a pas mâché ses mots en continuant son réquisitoire contre les autorités qui les ont oubliés, selon ses dires. «Nous sommes en 2015 et nous continuons à sortir le soir avec des lampes à pile, car notre village n’est pas encore pourvu de l’éclairage public que nous n’avons pas cessé de réclamer pourtant. Tout dernièrement, nous avons une fuite d’eau de la conduite principale que nous avions signalée à l’APC.
La bonbonne de gaz au prix fort
Voyant que nos doléances tombent dans les oreilles de sourds, nous avons procédé nous-mêmes à sa réparation», renchérit notre interlocuteur qui ne va pas par le dos de la cuillère pour dire que les conditions de vie sont rudes dans leur village avec la rareté de la bouteille de gaz, laquelle se vend à 220,00 dinars quand elle est disponible. Mais il reconnaît tout de même qu’un vice-président à l’APC de Seddouk leur a rendu visite il y a un mois, lors de laquelle il a tenu une réunion avec les villageois, qui n’ont pas hésité à lui faire part de la misère noire qu’ils vivent en lui signalant tous les manques. « Il y a un mois, un vice-président qui nous a rendu visite est venu les mains vides pour recenser les manques que recèle notre village. Nous lui avons rappelé que nos élus ont cette culture d’aller vers les villageois durant les campagnes électorales pour promettre aux habitants monts et merveilles, mais une fois ils sont élus, ils oublient tout ce qu’ils ont promis et ne retournent plus chez les populations, ne serait-ce que pour les consoler avec des paroles. Des propos qui ne lui ont pas plus, car la vérité blesse. À quoi on a eu droit depuis! Une semaine après, il nous a envoyé deux bacs à ordures», a encore ajouté notre interlocuteur. Certes, Tighilt Oumétchim est un beau village de la commune de Seddouk, avec ses paysages enchanteurs, son eau potable sortie des entrailles de la terre, telle est la partie visible de l’Iceberg, mais la partie cachée n’est bien vue que par ses habitants qui endurent des souffrances multiples. «Ne ressent la braise que celui qui a le pied nu posé dessus», dit l’adage.
L. Beddar