La belle et le Rebelle

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Il y avait des larmes et des soupirs dans la salle, quand l’animateur Arezki Azouz prononça le nom du plus grand artiste kabyle, Lounès Matoub. Dès le début du spectacle, il a été annoncé qu’une grande surprise attendait le public et les auteurs. Mais, personne n’avait imaginé que Nouara allait chanter en direct sur scène avec Lounès Matoub. En l’absence physique de Lounès, c’est sa sœur Malika qui a été appelée à partager le plateau et les larmes avec Nouara. “Que Dieu punisse ceux qui l’ont trahi”, dit Nouara, la gorge nouée. Elle baissa légèrement la tête car ne pouvant plus retenir ses larmes. Pendant quelques secondes, un silence sépulcral régna dans la salle. Même l’animateur, pourtant prolixe, ne trouva pas une panacée pour reprendre le fil de l’émission. Dans la salle aussi, où étaient entassé plus de trois cents personnes, l’évocation du nom de Matoub a plongé tout le monde dans la mélancolie. Nouara finit par reprendre la parole : “Les paroles de Matoub me nourrissait. J’ai beaucoup de souvenirs avec lui. Il est impossible de les raconter tous”. Tout en essuyant ses larmes, Nouara poursuivit son témoignage : “Quand on m’a annoncé la nouvelle de son assassinat, je n’y ai pas cru. J’ai beaucoup pleuré. Jusqu’à ce jour, je ne me suis pas recueilli sur sa tombe. Je ne peux pas la voir. Jusqu’à aujourd’hui, quand mon téléphone sonne, j’ai toujours l’impression que c’est Lounès”. Nouara rappela qu’un jour, Matoub lui avait confié que s’il lui arrivait de parler pendant vingt heures au téléphone, dix-huit étaient consacrées à Nouara.Malika Matoub fut invitée à dire quelque chose : “C’est très difficile de mourir quand on n’a pas tenu ses enfants dans ses bras”. Et d’ajouter : “Quand Nouara et Lounès se rencontraint, ce sont leurs cœurs qui se parlaient. Chacun ressentait ce que l’autre ressentait”. L’intervention est entrecoupée de hoquets. Malika demande à Nouara de fredonner le célèbre poème chanté par Matoub, “Imettawen iw” (mes larmes). Il n’a pas été aisé à Nouara de chanter ce texte de Ben Mohamed que Matoub a immortalisé avec sa voix unique. Mais il fallait le faire. Malika saisit cette occasion pour évoquer l’anniversaire de Matoub. S’il n’avait pas été lâchement assassiné par les monstres qui éteignent les étoiles, il aurait célébré son cinquantième anniversaire le 25 janvier prochain. Sa sœur annonça que tout ce qu’il a laissé, notamment ses instruments de musique appartiendront désormais au patrimoine culturel. “A chaque fois que nous étions ensemble en voiture, il me demandait de chanter. Il aimait beaucoup la chanson “Aya nekkar Elahsan”, ajouta Nouara.Le moment le plus fort et le plus émouvant : Nouara se lève et se dirige vers le micro. Elle chante en compagnie de Matoub (en play-back) la chanson réalisée en duo en 1992, “Ayema sebr ur tsru”. L’instant le plus pathétique est celui où la voix de Matoub perça les baffles. Bien qu’absent physiquement, la voix de Lounès Matoub est celle qui a résonné le plus dans la salle.

Aomar Mohellebi

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