Avec le froid qui s’est installé ces dernières semaines, le recours à des vêtements chauds est inévitable.
Si, certains peuvent se permettre ce luxe, il n’en est pas de même pour les couches défavorisées et même dans la majorité des cas pour les couches moyennes. En cette fin du mois de janvier, nous avons fait jeudi dernier une virée au marché hebdomadaire où s’y installent les vendeurs d’habits d’occasion. Ils sont plus d’une dizaine à exposer sur leurs étals des variétés de vêtements: du sous-vêtement jusqu’aux vestes en cuir usagées en passant par les pulls, les pantalons, les vestes. Il y en a pour toutes les tailles et pour les deux sexes. Donc, comme chaque jeudi, ces fripiers vantent ces habits à la criée. Munis même de mégaphones, certains d’entre eux attirent avec leurs prix » cassés » même des fonctionnaires de l’administration et d’autres secteurs qu’on croyait jusque là bénéficiant de salaires suffisants être à l’abri. Les habitués de ce coin arrivent plus tôt que les autres. Ce sont eux d’ailleurs qui font les bonnes affaires. » En hiver, on ne choisit pas ce qu’on doit porter. L’essentiel est de se protéger du froid », nous répondra hâtivement ce fonctionnaire qui a déjà fait ses emplettes. Et de poursuivre: » pour seulement deux mille dinars, j’ai acheté de quoi mes enfants vont passer l’hiver: des vestes, des cachemires, des pulls en laine qu’on ne trouve même pas dans les magasins, en fait, tout « .Un peu plus loin, un autre client s’affairait à soutirer du ballot d’autres effets vestimentaires. » Je vous assure que depuis que la fripe est disponible, rarement, où je me permets un chemisier neuf et même un pantalon. Tout juste avec quelques billets de deux cents dinars, je me permets des vêtements certes usagés, mais ils sont plus résistants et de meilleure qualité. Aucun produit asiatique ne peut les égaler », nous confiera cet employé d’une administration locale. Comme ce citoyen, ils sont nombreux à s’habiller chez ces fripiers. Dans notre tournée, nous avons rencontré aussi des retraités. » Ce veston que vous voyez coûte plus de cinq mille dinars ailleurs. Ici, je l’ai négocié jusqu’à huit cents dinars. En tout cas, vive la fripe », s’amusera à nous dire un autre client qui nous avouera que tout ce qu’il portait sur lui comme vêtements, il les a acquis dans cet endroit que certains appellent communément » place de la fripe ». En tout cas, tout le monde y trouve son compte. Car, de leur côté les marchands ne regrettent pas de se lancer dans ce commerce. » Tout d’abord, notre fournisseur nous livre tout en ballots. Personne ne sait ce qu’ils contiennent. C’est en les ouvrant qu’on découvre la marchandise. Puis, intervient le tri. Le prix est ensuite fixé par rapport à l’état de chaque habit. La marchandise est parfois épuisée au cours de deux ou trois marchés. Je fais Tizi-Gheniff, Boghni et Draâ El-Mizan. La négociation ne se fait pas souvent car on fixe le prix de vente à l’avance. Comment négocier pour une veste comme celle-ci fixée à deux cents dinars? Alors que réellement, elle coûte beaucoup plus », tentera de nous convaincre un marchand avec lequel nous avions engagé une discussion justement sur la manière suivie pour vendre ces ballots de vêtements. Notre interlocuteur nous confiera, par ailleurs, que les invendus sont souvent bradés à des prix très bas. » L’essentiel pour moi est que cette marchandise soit écoulée durant la saison car il faut savoir que dans un mois au plus tard, elle n’attirera plus personne », conclura la même personne. Juste à côté ce sont ceux qui vendent des chaussures d’occasion. A ce niveau là c’est aussi la même chose. Toutes les pointures sont disponibles. Mais, ce qu’il faut reconnaître est que ce sont ces marchands qui vendent le plus, comparativement aux effets vestimentaires neufs. C’est dire que l’érosion du pouvoir d’achat touche presque toutes les franges de la société. » Une paire de chaussure achetée ici à mille dinars vous tiendra tout l’hiver et même l’hiver prochain. Et puis, ce sont des marques étrangères. Dieu merci que nous avons enfin cet embarras du choix », suffira de nous dire un autre client. Cela étant, en dépit, peut-être de quelques désagréments que pourraient engendrer ces vêtements d’occasion à leurs porteurs, il vaut mieux recourir à ce marché que de sortir nu en ces temps où le père de famille ne sait à quel saint se vouer avec la cherté de la vie qui persiste et qui guette tout un chacun.
Amar Ouramdane

