Lors de notre passage, dimanche dernier, jour de pluie, à la gare routière de la ville de Seddouk, le ras-le-bol des transporteurs et des usagers se lisait sur leurs visages, montrant combien ils sont dans la tourmente.
La cause ? Prenant leur mal en patience depuis environ une dizaine d’années, le rêve chimérique de voir un jour cette gadoue, recouvrant toute la surface de la gare routière au moment des pluies, disparaître s’est avéré illusoire. Las d’attendre, ils ne savent plus à quel saint se vouer pour sensibiliser les autorités locales à la bitumer ou du moins à la bétonner afin que cesse un tel bourbier, qui se répète chaque fois que des gouttes de pluies tombent du ciel, d’autant plus qu’un projet dans ce sens lui a été accordé depuis déjà des années. Bencheikh, un transporteur de voyageurs assurant la navette Seddouk- Béjaïa que nous avons consulté n’a pas caché son désarroi en nous signalant qu’il en a marre de cette boue qui lui occasionne un travail supplémentaire en lavant son bus pour le débarrasser de celle « s’accrochant » sur le plancher à chaque navette effectuée. « Les usagers salissent le plancher de mon bus que je nettoie à chaque fois. Si l’on s’en tient à cela, chaque fin de journée, je rentre à la maison avec des vêtements salis que je dois remettre au lavage. On ne sait pas quand ce calvaire finira, car nous souffrons d’une situation qui dure depuis des années », a déclaré notre interlocuteur à qui emboîte le pas un passager qui, lui aussi, ne décolère pas en racontant cette misère au quotidien qu’il vit en empruntant cette gare routière matin et soir. « J’habite Seddouk et je travaille à Béjaïa. Quand je vais à mon travail au temps des pluies, mes camarades me disent d’où je ramène toute cette boue collée à mes souliers que je dois nettoyer à chaque fois pour ne pas salir mon bureau. Le soir, même topo, ma femme me questionne aussi en me disant s’il n’y a pas moyen de mettre un terme à cette gadoue que je traine dans mes souliers. Difficile de leur faire comprendre que je ne suis responsable en rien d’une telle situation », a souligné l’intervenant. Pour bien comprendre le mystère qui entoure cette gare routière, nous avons consulté un citoyen, plusieurs fois élu à l’APC de Seddouk, qui nous a donné de plus amples informations. « Le hangar inexploité que vous voyez là a été construit durant le début des années 70 par l’APC de l’époque qui a voulu créer, en ce lieu, un poulailler communal car, à cette époque, il n’y avait pas ces habitations qui l’entourent. Aujourd’hui, ce poulailler au centre ville n’a plus sa raison d’être », a révélé cet élu qui a continué dans le même ordre d’idées en informant comment a été créée cette gare routière. « En 2006, cet endroit a été récupéré par l’APC d’alors chez un privé. Comme il était une énorme décharge sauvage avec un grand amas de déchets provenant des déblaiements des démolitions de maisons ou des terrassements et des ordures ménagères, l’APC de l’époque a organisé deux volontariats. Le premier pour araser la montagne de gravats s’étalant sur toute la surface, faisant ressortir une plate forme, d’où est venue l’ingénieuse idée de création d’une gare routière pour rassembler à un même endroit tous les bus de la commune desservant diverses destinations. Le deuxième volontariat a consisté une couche de TVO en faisant appel à des transporteurs privés. Cela montre parfois à quel point on peut réaliser parfois des miracles quand il y a seulement volonté et honnêteté des hommes », renchérit notre interlocuteur, qui a fait savoir aussi que cette APC, pour réaliser le projet de construction de cette gare routière, a fait appel à des promoteurs privés devant le manque de ressources de la commune pour le financer. « Deux promoteurs nous ont présenté chacun une maquette du projet avec conditions qu’il réaliserait pour le compte de la commune le bitumage de la surface et la construction des bureaux administratifs au rez-de-chaussée et qu’il construirait pour lui des locaux et logements en surélévation. Le mandat de l’époque était de 15 mois et le projet a été laissé pour l’APC suivante, c’est-à-dire celle de 2007/2012 », a ajouté notre interlocuteur. Cet élu semble bien suivre ce projet puisqu’il nous dira que l’APC de 2007/2012 a prêté toute l’attention voulue à cette gare routière. « L’APC de 2007/2012 a accordé trois projets. Le premier d’un montant de 4.440.000,00 de dinars destiné pour le bitumage de toute la surface, le second de 900.000n00 dinars pour la pose d’abribus et le troisième de 3.750.000,00 dinars pour le bitumage du chemin menant du lotissement n°3 à cette gare routière. L’APC a réalisé tout récemment des abribus qui commencent déjà à se dégrader, dont l’un d’eux a été déjà endommagé avec une grande vitre arrachée ou volée qui n’est pas encore réparée », abonda notre interlocuteur, qui a continué son récit en citant des édifices proches de la gare routière connaissant le même sort d’abandon. « Il n’y a pas que cette gare routière qui est livrée à elle-même. Levez les yeux pour voir dans quel état se trouve cette horloge située en face et au centre de ce rond-point et que l’APC de 2007/2012 a installée pour indiquer l’heure aux usagers de cette gare routière. Cela fait belle lurette qu’elle est en panne et elle n’est toujours pas réparée. Même le jet d’eau situé à côté d’elle n’est pas épargné. Deux lampes cassées depuis des lustres ne sont pas encore remplacées et donnent une image d’une ville misérable, perdant au fil des jours son look d’antan. Une ville qui charme autrefois avec des orangers alignés sur le long des trottoirs et dégageant des senteurs chatouillant les narines. La liste des manques que recèle la ville de Seddouk est loin d’être exhaustive. Des insuffisances qui empoisonnent le quotidien des habitants de cette cité a encore souligné cet élu qui se demande si la ville de Seddouk sortira de cette toile de la précarité qui la tient prisonnière.
L. Beddar

