Quelle place pour le monde associatif?

Partager

Certaines des organisations associatives, activant dans le monde de la culture, de l’environnement, de l’éducation à la santé d’aide aux malades et d’assistance aux franges les plus fragiles de la société redonnent de l’espoir dans un pays happé par la hantise du « boulitique », mais loin de pouvoir asseoir de véritables traditions politiques à même de consacrer les principes nobles de la démocratie. Ces associations, qui représentent malheureusement une goutte dans l’océan des 93 000 associations agréées à l’échelle nationale et à l’échelle locale, ne sont pas freinées par la brume de la situation politique du pays, et n’ont pas prétexté le manque de collaboration ou de subvention de la part des pouvoirs publics pour activer sur le terrain. Tout l’honneur leur revient d’avoir rendu le sourire à des malades du cancer par exemple, d’avoir diffusé des idées et attiré l’attention sur la préservation du site du mausolée des rois numides d’Imedghassen, qui a bénéficié d’un financement de l’Union européenne pour sa restauration, d’avoir initié un travail de grande ampleur sur les routes et sites de Kabylie afin de les nettoyer de certaines décharges sauvages, principalement celles constituées de milliers de bouteilles de bière, d’avoir ouvert le débat sur les droits des consommateurs, quasiment ignoré jusqu’ici, enfin, c’est tout à l’honneur de certains collectifs ou de regroupements informels, d’avoir ouvert le débat sur l’officialisation de Tamazight, initié des protestations contre le chômage, notamment au Sud du pays et d’avoir, toujours dans le même espace géographique, imposé un thème dans le débat public, celui de l’exploitation du gaz de schiste. Il est vrai que les bonnes volontés et les meilleures intentions ne sont pas immunisées contre les « infiltrations » et les manipulations politiques. On a eu le loisir de vérifier aussi bien au Nord qu’au Sud du pays, que cela concerne Tamazight ou le gaz de schiste. Mais, cela ne devrait pas faire baisser les bras de ceux qui se sont proposés, dès le départ, à travailler bénévolement pour le bien public. En tout cas, le contraste est saisissant entre, d’une part, cette volonté et ces intentions, quel que soit le degré de risque de « dévoiement » politique qu’elles encourent, et, d’autre part, la stagnation politique constatée depuis plusieurs mois. Cette stagnation est surtout déplorée lorsqu’elle vient d’une classe qui se dit d’opposition et qui n’arrive pas à jeter des passerelles solides avec les populations. En effet, l’on a droit, depuis plusieurs mois, à une sorte de « cénacles » qui traitent du sexe des anges, engoncés dans leurs certitudes, mais coupés de la réalité du terrain. La seule menace d’investir la rue ne prête pas à conséquence dans une Algérie rongée par des problèmes sociaux et économiques réels. Autrement dit, aucune crédibilité ne peut être accordée à un mouvement ou parti qui se couperait des préoccupations des Algériens. Et ces dernières sont nombreuses et variées, particulièrement en cette conjoncture faite de contraction des recettes extérieures du pays. Tout honte bue, un des animateurs de cette opposition regroupée dans une coordination déclare que l’ « opposition se trouve dans une position confortable après la chute du prix du pétrole ». Le cynisme et l’esprit revanchard de tels comportements nous éloignent malheureusement des perspectives d’une accumulation culturelle et de lutte de terrain qui gagneraient des espaces de démocratie au fur et à mesure de l’évolution de la société. Une évolution qui exige l’accompagnement de la société civile, même si cette dernière est, elle-même, embryonnaire, limitée à quelques associations armées de conviction et de bonne volonté. En tout cas, il y a lieu de se méfier des appellations à l’emporte-pièce, qualifiant n’importe quel regroupement clientéliste de « société civile ». C’est là un concept noble, forgé dans les pays développés, dans une histoire de luttes syndicales et politiques, et dans une période de grandes transformations techniques ayant induit les révolutions industrielles. « Une poignée d’abeilles vaut mieux qu’un essaim de mouches », dit le dicton kabyle. C’est nourries par cette conviction militante, et par le grand dessein de faire avancer la société dans des combats bien ciblés et identifiés autour de thématiques précises, que les associations pourront, à terme, jouer le rôle d’intermédiation sociale qui est attendue d’elles, y compris dans la « démocratie participative » à laquelle appelle le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, mais sans y mettre les outils pratiques indispensables.

Amar Naït Messaoud

Partager