«Paroles d’instituteur», premier recueil de Djamel Mokhtari

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«Paroles d’instituteur» est le premier recueil de poésie de Djamel Mokhtari. Ce dernier est né le 30 août 1954 à Arris, dans les Aurès. Nous l’avons rencontré à la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, une wilaya où il compte de nombreux amis. Il est venu en compagnie d’un autre poète, en la personne d’Ahcène Mariche. Il nous fait part de son œuvre «Paroles d’instituteur», contenant 21 poèmes étalés sur 64 pages. La préface est de M. Mohamed Slimani, inspecteur de langue française dans la wilaya de Béchar : «(…) Dès les premières pages de son recueil de poésie, l’auteur soumet sa vision de l’Algérie contemporaine, et prend conscience de son appartenance à la société au monde. Il est le témoin privilégié de son temps». L’inspecteur souligne le caractère, la pensée, la position de l’auteur qui se refuse d’être un «simple spectateur de tout ce qui se passe sous ses yeux». Son engagement, il le traduit en poésie, une poésie engagée. Il le montre en puisant des faits réels, notamment des faits sociaux douloureux» dans lesquels l’auteur manie «image, hyperbole, métaphore, comparaison» selon le fait social évoqué et dénoncé dans un style simple «accessible à tous». De prime abord, la pensée de l’auteur va directement aux «tailleurs de pierre de T’kout» (page 10) qui sont victimes de cette poussière inhalée durant des années tout en quittant l’école «pour aller décorer des palais des millionnaires Pauvres tailleurs de pierre ! Qui croyaient s’enrichir … Ils ont fini six pieds sous terre Qui vit de la pierre Périra par la pierre». «Epargnez nos enfants» (p. 17) est un poème plein de rage d’un lieutenant promu commandant suite à ses actes «guerriers » tout en exécutant aveuglement les ordres venus d’en haut et qui se retrouve victime à son tour : «La guerre terminée, il rentre chez lui, le commandant Ne trouvant ni logis, ni femme, ni enfants …» L’état dans lequel il a trouvé sa ville le rend fou, errant dans les rues désertes d’une ville détruite. Une situation que vivent aujourd’hui les pays arabes. «Ephémères partis» (p.19) est à la fois une accusation et un regret des partis politiques qui n’ont pas su concrétiser les espoirs des évènements du 05 Octobre 1988, les aspirations des jeunes qui se sont soulevés. Chacun y va de sa couleur, de sa chanson et «le grand parti les regardait, les écoutait, imperturbable Il les savait éphémères» et las d’attendre, il sort de sa réserve et sonna la clochette et leur dit : «Finie l’amusette !» Et assène en leur direction : «Dieu unique, Parti unique, Langue unique, Pensée unique C’est moi la Patrie. C’est moi les partis !». «L’indifférence» (p. 27) est le plus long poème de 77 vers, dans lesquels l’auteur passe en revue les innombrables indifférences des gens qu’il rencontre dans la vie de tous les jours : (environnement, guerres, nucléaire, détournements…) et pense guérir son indifférence en allant voir un médecin. Il lui demanda : «Pouvez-vous soigner mon indifférence ? Il me regarda l’air indifférent, alluma sa pipe (…) sous l’affiche de l’inscription contre la consommation du tabac qui le laisse indifférent. «Le port d’Alger» (p. 35) ressemble à quelque chose près, à la chanson de Jacques Brel, dans le rythme «Le port d’Amsterdam » sauf qu’ici, «Dans le port d’Alger, il y a des mendiants engourdis Suppliant les affairistes dégourdis Dans le port d’Alger, on tente le tout et on perd tout». Et l’auteur conclut par une vérité amère : «Dans le port d’Alger Baissez les mains si vous voyez un joufflu, un ventru C’est peut-être un corrompu». «Les baroudeurs de nos enfants» (p. 37) fait penser à la fable de La Fontaine : Le laboureur et ses enfants. Sauf que Djamel Mokhtari renverse les vapeurs et use des actes quotidiens que subissent les Algériens mécontents qui mènent des mouvements de protestation : «Un dur baroudeur reniflant sa promotion prochaine Fit venir ses agents et leur largua sans témoins Gardez-vous ! leur dit-il, de laisser fuir ces dissidents Marchez, courez, traquez et matraquez Ne laissez nulle place Où la trique ne passe et repasse Ramenez-les, c’est votre mission Et vous aurez … une permission !» Et le baroudeur aura sa promotion ! Ce poème est suivi d’un autre, «les pneus», qui explique le précédent pour aller rendre visite aux jeunes prisonniers dans «Libre mon poème» (p. 43). Des prisonniers non de guerre, mais des émeutiers qui se soulèvent un peu partout en Algérie et pour différentes raisons, en somme toutes légitimes : 5 Octobre, 20 Avril, aux journalistes qui dénoncent jusqu’au gaz de schiste d’In Salah : «Brisez la plume et j’écrirai avec mes cils Fermez ma cellule et ma voix sortira …» Tout au long de ce poème, nous ne pouvons rester sans avoir une pensée à Matoub, le rebelle disait dans une de ses chansons : Et ma voix retentira … Et le drame est dans «L’ingratitude» (p. 46). «Un enseignant giflé par … un flic ! Des médecins matraqués, des journalistes emprisonnés sans jugement…

La «tragicomédie» (p. 58) est un cri de détresse de l’auteur. Il dénonce «les navets Egyptiens, bourrés d’hypocrisie, farcis de mensonges et teints de mépris…» La chanson de Matoub «Djurdjura appelle les Aurès» a eu finalement son écho favorable et l’appel fut très bien perçu !

Arous Touil 

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