Le chancre de l’informel se développe de manière aussi implacable qu’insidieuse dans la wilaya de Béjaïa. Un véritable fléau en somme qui étend son emprise pour affecter quasiment toutes les branches d’activités. De l’industrie de transformation aux services, en passant par l’agroalimentaire, les cosmétiques et l’agriculture, aucun secteur n’échappe à ce phénomène tentaculaire. De par sa nature occulte et opaque, il est pour le moins malaisé d’appréhender les contours de cette activité parallèle, mettant en jeu des sommes faramineuses et faisant travailler des milliers de personnes. Il n’en est pas moins vrai, cependant, qu’il menace l’économie légale dans ses fondements. Les transactions commerciales sans facturation, devenues plutôt la règle que l’exception, induisent à elles seules un manque à gagner incommensurable pour le service des impôts, en raison de l’évasion fiscale. La course à l’argent facile et à l’enrichissement illicite fait tourner la tête à bien des personnes et gagne tous les strates de la société. Même des entreprises activant en toute légalité nous rapporte-t-on, ne s’embarrassent d’aucun scrupule pour tordre le cou à loi, particulièrement celle régissant la relation de travail. À ce titre, l’existence d’une pléthore de travailleurs non déclarés à l’assurance relève d’un secret de polichinelle. « La seule obsession de ces patrons indélicats est de faire un maximum de profit, en foulant au pied les droits les plus élémentaires du salarié et en ignorant les préjudices causés aux organismes de sécurité sociale », nous confie le gérant d’une SARL établie à la ZAC de Taharacht (Akbou). Un autre investisseur d’El Kseur avoue que son outil de travail est sérieusement mis à mal par une concurrence déloyale exercée par des operateurs sans scrupules. « Notre activité productive est submergée par les pratiques spéculatives qui n’obéissent qu’à la logique du gain », alerte-t-il, en conjecturant de sombres lendemains. Pour sa part, le propriétaire d’une unité versée dans l’agroalimentaire dira que l’ouverture tous azimut du marché local aux produits étrangers est l’une des causes de l’essoufflement de l’appareil de production. « Notre marché doit cesser d’être le réceptacle de produits en toc, importés à moindre frais. Persister dans cette voie suicidaire, c’est acculer les investisseurs à la ruine et provoquer la mise à mort de notre économie », avertit-il. Interrogés sur ce sujet, des operateurs de la région ont tenu à sonner le tocsin, en insistant sur l’urgence de freiner toutes les pratiques spéculatives et déloyales. L’enjeu est de taille car, selon eux, toute complaisance risquerait de plomber la relance économique et de décourager toute velléité d’investissement à venir.
N. Maouche

