«Je rendrai les clefs en juin, si…»

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Le président de l'association sociale des personnes handicapées et les enfants de la " Lune" "Thala Moussa" commence à désespérer devant toutes les embûches rencontrées pour faire fonctionner le centre psychopédagogique de Frikat.

Abrité par une école désaffectée au lieu-dit  » El Djemaâ N’ Kelaâ », ce dernier se trouve dans un état de délabrement avancé en dépit des quelques efforts consentis par l’APC. Dans une virée sur les lieux, nous sommes allés à la rencontre des cinq enfants qui y sont scolarisés. Ce qui nous a étonnés le plus sont bien sûr les résultats probants obtenus par les psychologues et les éducatrices. Dans une salle de cours, ils étaient cinq enfants (deux filles et trois garçons). Le décor est bien planté: un poêle à mazout qui fonctionnait dans un coin, des tables placées en forme d’un U, les vitres des fenêtres de cette salle décorées avec des dessins produits par ces enfants. En fait, un climat de prise en charge tout à fait normal en dépit des autres manques. Ce qui nous a impressionnés le plus est cette symbiose entre ces enfants et leurs éducatrices. L’une d’elles nous montrera alors les cahiers de ses élèves « handicapés ». Il faut reconnaître qu’ils ont fait des progrès extraordinaires. « Ils étaient arrivés avec des retards mentaux avérés. Certains ne pouvaient même pas se tenir sur une chaise. Ils avaient d’énormes problèmes de prononciation, d’hygiène corporelle. Peu à peu, ils ont relevé de nombreux défis. Ils savent lire, écrire et compter. Vraiment, nous sommes très contentes d’avoir réussi cette mission. Malheureusement, manquant de moyens, nombreux sont ceux qui ne viennent plus en raison du manque de transport vers les villages », nous répondra mademoiselle Mokrani Farida, en sa qualité de psychologue scolaire. Et de nous montrer le programme appliqué dans ce centre : « Nous avons des séances qui commencent toujours par leur accueil, celles de la conscience de soi, l’apprentissage des cinq sens, l’activité cognitive, les travaux manuels, le dessin, le schéma corporel, la musique et le sport. Ce sont des séquences de trente minutes entrecoupées par le goûter et le déjeuner ». De son côté mademoiselle Messaoudi Hayet, en sa qualité d’éducatrice, ne cessera pas de nous parler de sa joie de voir le comportement de ces petits innocents changer de jour en jour. « Aujourd’hui, nous les considérons comme nos enfants et nos frères. Nous faisons tout pour les satisfaire. Nous souhaitons que notre aventure ne s’arrête pas avec eux. Ce sera décevant pour nous de les abandonner. Il faudrait que ce centre soit pris en charge par les responsables concernés », dira-t-elle. Aujourd’hui, elles sont quatre personnes à s’occuper de ce centre (deux psychologues et deux éducatrices) recrutées dans le cadre du PAID. Pour en savoir plus sur l’avenir de ce centre, nous avons joint au téléphone M. Bouzidi Kaci, président de l’association Thala Moussa. « Je suis au bout de mes peines. Je ne regrette pas d’avoir ouvert ce centre, mais je vous dirais que s’il n’y a pas une solution définitive, je rendrai les clefs et il sera fermé au mois de juin à la grande déception de ces enfants et de leurs parents », nous répondra-t-il d’une voix coléreuse. Et d’enchaîner: « j’ai un grand problème avec la solidarité. Je ne reçois aucune subvention sous prétexte que je dois me conformer à la nouvelle loi. Or, notre agrément n’expirera que vers la fin du mois de juin. À chaque fois que nous sollicitons des aides, on nous sort cette conformité. Je vous dirai encore que 80% des associations n’ont pas déposé les dossiers à temps. D’ailleurs, j’interpelle le ministre de l’Intérieur pour nous donner une dérogation afin d’obtenir ces subventions. Ce sont des handicapés. Qui les prendra en charge? Sans l’aide des parents et de tous les responsables concernés par cette frange de la société nous ne pourrons jamais venir à répondre aux besoins de cette catégorie de personnes tant délaissée par les pouvoirs publics. C’est la politique de deux poids et deux mesures qui est mise en place dans certaines institutions. En tout cas, je mettrai les clefs sous le paillasson à la fin de l’année parce que je ne peux plus continuer à dépenser de ma poche. Même si nous n’avons aucun moyen, vous avez constaté vous-mêmes les résultats auxquels nous sommes parvenus; Je remercie le maire de Frikat pour sa contribution indéfectible dès qu’il est sollicité », conclura M. Bouzidi Kaci. Avant de quitter le centre, les éducatrices ont tenu, de leur côté à lancer un appel en direction de tous ceux qui sont concernés par la solidarité de regarder avec au moins un seul œil ce centre.

Amar Ouramdane

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