Portrait d’une femme exemple

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à la veille de la célébration de la journée internationale de la femme, nous sommes allés à la rencontre d’une centenaire au village d’Ighzer Nechvel.

Accompagnés d’un de ses petits-fils, aujourd’hui, quinquagénaire, nous avons pris le chemin de ce petit village niché au pied du majestueux Djurdjura recouvert d’un joli manteau blanc. C’est donc à Ath Kouffi que nous rencontrâmes cette vieille pleine de vie et d’enthousiasme en dépit de ses cent ans qu’elle vient de commencer car elle est inscrite sur les registres d’état civil présumée 1915. Eu égard à cette époque coloniale, quand on n’inscrivait pas les nouveaux nés sur les registres, elle aurait peut être plus d’un siècle d’âge. Il s’agit de Saâdi Fatima Naâmar Omar. Na Fatima ou encore comme l’appellent affectueusement «  Jida Foufi »  ses trois enfants et sa quarantaine de petits enfants ou encore tous les villageois, est l’une de ces femmes kabyles qui ont bravé tous les affres de la vie rudimentaire que menaient les habitants de cette région montagneuse notamment durant la période coloniale qui les avaient martyrisées. Fatima Naâmar Omar a vécu les deux guerres mondiales, mais surtout la guerre de libération nationale pour laquelle toute la région a consenti tant de sacrifices au point où les villages s’étaient vidés de leurs valeureux enfants. Quand elle se mettait à raconter  ce que les femmes kabyles avaient enduré personne ne pouvait retenir ses larmes. Ce qui fait d’elle une légende vivante est qu’elle ne pouvait parler d’une bataille sans recourir à de petits poèmes dédiés aux Moudjahidine. Si Na Fatima ne cesse de glorifier tous les martyrs, elle n’oublie pas d’évoquer les séquelles de cette guerre aussi bien physiques que morales qui la rongent toujours. En dépit du poids des ans, elle se rappela du coup de l’année 1959 quand le village d’Ath Kouffi avait été entièrement rasé par l’armée coloniale. «  Ecoutez mon fils, c’est un jour inoubliable. On n’entendait que des obus. Aucune habitation ne résista aux bombardements. Nous l’avions tous quitté et nous étions alors déportés vers d’autres villages tels Ath Imghour. Nous étions donc sans toit. C’était grâce à la solidarité des habitants des villages qui nous avaient accueillis que nous étions restés jusqu’à la fin de la guerre pour y revenir. Notre village est l’un des villages qui a tant donné pour cette indépendance. Au total, nous avons 480 martyrs », se rappela notre interlocutrice qui jouit encore d’une mémoire comme le dit l’expression «  d’éléphant »  qui bien sûr ferait pâlir de jalousie nos jeunes d’aujourd’hui. En raison de son intelligence et de son style affiné on ne se lasse jamais de l’écouter parler de cette période, de tel Moudjahid ou encore de la rudesse de la vie en ces années de braises au pied de ce Djurdjura, bastion de la compagnie dite du Djurdjura qui donnait du fil à retordre aux forces armées coloniales. Elle ne rata pas cette occasion de nous dire quelques mots sur ces femmes courageuses laissées par leurs époux partis émigrer en France à la recherche du pain. Na Fatima, est aussi l’une de ces femmes de l’autre époque, pleine de générosité et de douceur. D’ailleurs, elle réussit à conquérir toutes les personnes qui l’approchent dans certaines occasions à l’exemple des célébrations des fêtes nationales (déclenchement de la guerre de libération nationale, fête de l’indépendance, journée du chahid). La centenaire d’Ighzer Nchevel ne rate pas aussi aucune occasion pour faire plaisir à ces petits enfants en leur racontant des histoires du terroir, mais aussi en leur faisant goûter les plats traditionnels qu’elle préparait avec ses propres mains. Ses prières, elle ne les oublie jamais. Pieuse, elle est constamment propre et elle prend toujours soin d’elle-même. En fait, même si elle a cent ans, elle est toujours coquette. Ce qui lui fait dire qu’elle aime toujours être aussi présentable que possible devant ses hôtes.  Certes, Na Fatima a, comme ses consœurs algériennes, aidé la révolution, aujourd’hui, elle ne reçoit aucune aide de la part de l’Etat. Oubliée dans son village, elle ne subsiste que grâce à la maigre pitance laissée par son défunt époux qui avait galéré dans les mines françaises. Tout de même, Fatima Naâmar Omar, la centenaire d’Ighzer Nechvel, a cette foi en Dieu et s’estime toute heureuse au milieu de ses quarante petits enfants qui l’entourent. D’ailleurs, nous dira-t-elle, El Hamdoulah (Dieu merci), notre pays est libre et je ne demande rien de plus. Avant de la quitter, Na Fatima a tenu à nous remercier de lui avoir rendu visite pour cette occasion et salue toute l’équipe et la rédaction de La Dépêche de Kabylie qui lui a ouvert ses colonnes et l’évoquer en cette journée célébrée par les femmes du monde entier. Longue vie grand-mère, lui dirent ses petits enfants qui l’entouraient en cette occasion. «  On a encore besoin de toi », soufflera le plus petit d’entre eux.

Amar Ouramdane

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