Les travailleurs de la cotonnière (ex-COTITEX) de Draâ Ben Khedda, qui étaient à leur troisième jour de grève,hier, dénoncent les « injustices » dont ils se disent être victimes depuis plusieurs années
Déjà à notre arrivée sur les lieux hier, les agents de sécurité ont tenté de leur faire barrage pour qu’ils n’accèdent pas au portail principal afin de nous rencontrer et nous parler de leurs préoccupations de l’heure et du pourquoi de ce mouvement de grève. Il a fallu un moment de prise de bec entre les ouvriers qui ont forcé le mur des agents de sécurité pour qu’ils parviennent, en force, vers l’entrée principale. Face à nous, ils ont voulu tous parler en même temps et il est difficile de les calmer et d’inviter ceux qui voulaient parler, l’un après l’autre. D’emblée, ils dénoncent les « injustices flagrantes » et « les menaces qu’ils reçoivent du DG de l’unité ». « Nous sommes sept unités de ce genre de textile. Les travailleurs des six unités ont déjà reçu leur prime de rendement, pourquoi pas nous ? Sommes-nous des travailleurs au même titre que les autres ou non ? », nous avancent-ils, presque en même temps pour exprimer leur ras-le-bol mais aussi leur colère qui se lit sur les visages. « Nous avons vu le SG de la Centrale syndicale, M. Sidi Saïd, en 2011, qui nous l’a avancée avec un effet rétroactif à partir de 2008 », dira-t-il. Et d’ajouter : « Elle est promise pour 2013 et en 2015, nous ne l’avons pas encore perçue. Où est-elle passée ? L’ancienne section syndicale nous a trahis. Elle a été complice avec l’administration ! » Le problème des jeunes est soulevé par les jeunes travailleurs eux-mêmes, qui voulaient tous s’exprimer : « 75% des travailleurs de l’unité sont des jeunes contractuels. Nous sommes toujours sous contrat même avec plus de cinq années d’ancienneté avec des CTA (Contrat de travail aidé) ou des CDI (contrat de travail indéterminé) du pré-emploi, qui tardent à être régularisés, en dépit des promesses qui ne cessent de se faire !» L’ouvrier Haddou Saïd soulève son cas, qui est exceptionnel et qui mérite toute l’attention. « Avec mes vingt quatre (24) ans d’ancienneté mécanicien régleur, je ne cesse de demander une promotion, c’est un droit. Comme récompense et sous les menaces, le DG m’affecte comme… balayeur. C’est normal ça ? C’est une injustice flagrante ! » crie-t-il. Un autre ouvrier nous avance que son salaire de base, après 25 ans de services, est de 13 000 DA. « Combien font-ils ailleurs ? », s’interrogera-t-il. Un autre donne quelques exemples de prime de panier en comparaison avec celle qu’ils devraient recevoir mais qui tardent à être versée. « Dans d’autres unités économiques, la prime atteint les 450 DA et chez nous, elle est de 250 DA. Pourquoi ? » se demandera-t-il. Les travailleurs, disent-ils, ont tenté de négocier avec le DG, qui leur aurait signifié : « Je n’ai pas à négocier avec vous ! » À l’intérieur de l’unité chacun se méfie de l’autre. C’est la défiance totale. Ça sent le roussi ! Les travailleurs ont beaucoup de choses à raconter et à dévoiler mais ne peuvent le faire car, dira l’un d’eux, « nous sommes menacés par ce petit baron ! » Quant à nous, nous avons demandé l’autorisation à voir le DG ou un responsable de l’unité mais l’agent de sécurité a tout bonnement avancé : « Nous avons reçu des instructions, personne ne passera et encore moins la presse pour voir quiconque de l’unité ».
Arous Touil