Plaidoyer pour un dépistage précoce

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L’autisme n’est pas tout à fait une maladie mais une différence, voilà une conclusion donnée par des psychologues et des psychiatres intervenant lors d’une conférence organisée, avant-hier, au centre culturel Malek Bouguermouh d’Amizour, par l’association « El Amel » d’aide aux enfants autistes, dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de l’autisme.

Les conférenciers ont axé surtout leur intervention sur la nécessité d’un dépistage précoce pour que la prise en charge et la mise en adaptation soient débutées à cet âge et préparer ainsi l’enfant à sa scolarité et l’aider à retrouver sa place dans la société. Mais force est de constater que le diagnostic se fait souvent à un stade tardif dans notre pays, précisa le docteur Ait Ouarab, spécialiste en psychiatrie à l’EPSP d’El Kseur. «Le dépistage et le diagnostic de l’autisme se fait généralement à l’âge de 3 ans, quelques fois même à l’âge scolaire, au moment où cela se fait ailleurs bien avant, puisqu’il y a des signes précoces d’autisme que l’on constate déjà à 2 ou 3 mois, comme ceux du retard du langage, le regard non orienté vers sa maman, etc», expliqua le psychiatre en ajoutant que l’autiste est physiquement faible, ne répond pas aux stimulations, et stéréotypé ne joue pas comme les autres enfants et surtout manque de contact avec son entourage. Cela  dit, l’autiste que l’on appelle nommément «enfant chiffon» manifeste donc des signes faciles à constater par les parents à cet âge précoce, et le tableau complet de l’autisme s’affiche à l’âge de 3 ans. Le conférencier estime qu’à cet âge, le diagnostic est pluridisciplinaire, puisque cela demande l’avis d’un pédopsychiatre, de psychologue et d’orthophoniste, mais aussi de la grande famille, à savoir les parents et l’entourage direct. De leur côté et lors de leur intervention, des psychologues insistent sur le rôle de cette grande famille, et soulignent surtout que l’on ne peut confirmer l’autisme dès le premier diagnostic, puisque cela nécessite plusieurs tests, avis et suivis des évolutions de l’enfant souffrant pour arriver à confirmer que cela s’agit bel et bien d’autisme.

Et sachant que l’autisme s’associe à quelques troubles comme les épilepsies et les troubles mentaux, les conférenciers ne cessent de rappeler que ce déficit ne possède pas de causes directes hormis bien sûr des perturbations au niveau du cerveau, qui présente une organisation et une structure neuronales spécifiques, donnant par conséquent un traitement perceptif exacerbé et un univers mental différent.

Cela explique et à première vue que la prise en charge d’un enfant autiste est complexe et compliquée, surtout qu’il y a un manque flagrant en structures d’accueil adéquates à ce type d’enfants non malades mais différents des autres, mais aussi en spécialistes comme les psycho-pédiatres. Dans la wilaya de Béjaïa, l’on a recensé selon les associations des autistes, quelque 1 800 autistes, et à Amizour, une vingtaine d’enfants est recensée par l’association « El Amel » à sa création en 2014, mais nombreux sont ceux qui vivent et souffrent dans l’anonymat, car ce trouble reste un tabou. L’association organisatrice, par le biais de son président Azzedine Belaid, estime que cette première sortie est une opportunité aux familles d’enfants souffrant d’autisme de briser le mur du silence pour sortir de l’anonymat et ne plus avoir une gène à parler de leurs enfants présentant des signes d’autismes. «Parler de son enfant autiste est déjà un début d’une prise en charge et d’une orientation à une vie meilleure et normale de l’enfant », dira notre interlocuteur, en invitant les parents à se joindre à l’association pour conjuguer les efforts pour le bien de ces innocents.

Il faut rappeler que des familles sont venues en force assister à cette journée d’information, ce qui signifie que le message de cette association, qui lutte en solo dans cette région et avec ses propres moyens, est bien reçu. Par ailleurs, le programme de cette journée est bien riche en expositions, projections, dépliants et conférences. Une occasion  pour les parents d’autistes d’améliorer les conditions d’adaptation de leurs enfants pour une vie meilleure. Les associations d’aides aux autistes, à l’image d’El Amel, restent à vrai dire les seules à s’en occuper comme elles le peuvent de cette frange d’enfants. Par ailleurs, plusieurs questions restent à poser, notamment concernant le fonctionnement du cerveau de l’autiste, les bases génétiques et neurobiologiques de l’autisme, comment les autistes interagissent-ils en société ? Répondre à ces questions permettrait de comprendre leur différence, et de les aider à se frayer une place dans la société.

Nadir Touati

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