Des responsabilités à établir

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L’une des premières grandes infrastructures réalisées par l’Algérie en ce début du 21e siècle, à savoir l’autoroute Est-Ouest, a beaucoup fait parler d’elle, et ce n’est pas toujours pour en dire du bien. Pourtant, les Algériens attendaient avec grande impatience un tel ouvrage, après que le réseau routier réalisé sous l’ère Chadli- généralement autour de la capitale, et qu’on appelait abusivement autoroutes- eut montré ses limites pour une population qui a atteint 30,5 millions d’habitants au début de ce nouveau siècle. Avec de grandes infrastructures comme les deux plus grands barrages d’Algérie- Ben Haroun, avec 1 milliard de M3 de capacité et  Koudiat Acerdoune, avec 640 millions de M3-, les stations de dessalement d’eau de mer, les grands transferts et d’autres ouvrages encore, les Algériens ont espéré que les retards enregistrés pendant la décennie noire dans les services publics et le développement économique allaient être comblés et oubliés. Ce qui fut fait en partie, à la différence près que certains de ces projets ont souffert de malfaçons, d’erreurs techniques, de réévaluations et de surcoûts, en plus des pratiques de corruption. Les erreurs techniques et les insuffisances en matière de maturation des études se donnent naturellement à voir avec plus de visibilité et de possibilités de critique venant des experts, des médias et même de simples utilisateurs quant il s’agit de routes ou de réseaux hydrauliques défectueux qui peinent à imbiber les robinets malgré le remplissage des barrages, comme c’est le cas en cette exceptionnelle saison 2015. S’agissant particulièrement de l’autoroute Est-Ouest, les travaux de réfection dont elle fait l’objet se sont transformés en véritable cauchemar pour tout le monde. Sur plus de 30 km, de Kadiria à Bouira, l’on n’ose même pas parler, au moment présent, de simple route. Les données géotechniques du sol et les malfaçons des entreprises de réalisation ont fait leur funeste « travail » (glissements de terrain, graves fissurations, cratère, failles,…), il leur est greffé des chantiers de réparation qui s’inscrivent apparemment dans…l’éternité faisant vivre aux automobilistes, aux camionneurs et aux transporteurs publics un calvaire. L’autoroute se transforme en un simple chemin communal dès que l’on aborde un chantier. Ce dernier contraint la circulation à se mettre d’un seul côté. Et quelle circulation? Tous les véhicules venant de l’Est, depuis la frontière tunisienne jusqu’à Bouira, et depuis Illizi/Ouragla, jusqu’à cette même ville. Autrement dit, des centaines de milliers de véhicules par jour. Des familles, prises au piège de la circulation sur les pentes de Djebahia, se sont mises à pleurer et à chercher un refuge quelque part après avoir été clouées sur le même point pendant quatre heures. Et, paradoxe qui ne fait pas rire, pour cette autoroute, les utilisateurs payeront le péage en 2016. Le calvaire des utilisateurs dure depuis mai 2013, lorsque les travaux de réfection ont été confiés à l’entreprise de réalisation. Aucun schéma alternatif de circulation n’a été conçu pour éviter ce capharnaüm qui est à l’origine de la souffrance des voyageurs, d’accidents de la circulation et de surcoûts économiques pour les entreprises. Le ministre des Travaux Publics a eu à dénoncer sur place, la semaine passée, les retards mis dans l’achèvement des travaux. « Avec cette allure, vous n’allez pas avancer », s’était écrié ministre, en s’adressant aux responsables du projet. Le même ministre a abordé la semaine passée, au cours d’une émission de la Télévision nationale, un problème de fond qui, en réalité nous renvoie aux premières années de l’étude du tracé. En effet, il a reconnu que le terrain par où passe le tracé de l’autoroute au niveau de Lakhdaria est connu pour son instabilité. Cette révélation d’un officiel ne manque pas de faire planer des interrogations sur le sérieux des études qui ont fait le choix en question. Car, en réalité le problème est profond. C’est la géodynamique du sol qui est en question et non une simple inadaptation de la construction de la route par rapport aux poids lourds qui sont souvent en surpoids. Certes, les gros tonnages ont « labouré » l’autoroute dès les premiers mois de sa livraison, en y sculptant rapidement des ornières bitumées et en y créant des excavations en extension infinie. Cependant, les traces des mouvements naturels du sol sont visibles un peu partout, et particulièrement dans l’une des parties les plus sensibles, pas loin du pont géant de Oued R’kham, là où plus de la moitié de la route a été transportée plus bas, créant une sorte de faille géologique au milieu de la chaussée. Si les entreprises de réalisation sont aujourd’hui pointées du doigt, singulièrement à l’occasion du procès organisé ces derniers jours pour cette affaire, il serait sans doute lacunaire de ne pas s’intéresser aux études préalables ayant porté sur le choix du tracé les sondages géotechniques et les études d’exécution. L’allusion du ministre est claire lorsqu’il déclare sur les lieux que « les études de tout ce projet [de réfection] avaient été finalisées de façon à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent jamais ». 

Amar Naït Messaoud

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