La grève interdite par la justice, largement suivie…

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Il est 11 heures, nous arrivons à l’école primaire Takoucht, sise à proximité du tribunal. Le lieu semble déserté par les élèves et les enseignants. Seulement deux enseignantes qui ont tenu à donner des cours à quelques chérubins. Nos tentatives de pénétrer dans l’établissement étaient vaines, mais, un enseignant nous dira tout simplement : «C’est uniquement une toute petite minorité d’enseignants, ayant peur d’une ponction sur salaire qui n’a pas débrayé».Une virée aux différents établissements tous paliers confondus du chef-lieu de la wilaya, nous a révélé que la grève a été massivement suivie, notamment dans les établissements secondaires, tels que le lycée polyvalent, Fatma N’Soumer, et autre lycée El Khansa, où mis à part l’administration et les agents de sécurité tout le monde était absent. Rencontré à la direction de l’éducation un enseignant du moyen nous a déclaré : «Je ne reprendrai le boulot que lorsqu’il y aura le versement de toutes les primes». L’idée est partagée par ses collègues qui soulèvent, à l’unisson leurs préoccupations.Le même climat est constaté dans les collèges. Mis à part quelques enseignants, qu’on peut compter sur les doigts d’une seule main, la majorité a boudé l’ecole, aujourd’hui.Le taux de suivi de la grève est estimé à 95 %, par deux syndicats membres de la Coordination intersyndicale, à savoir le SATEF et l’UNPEF alors que la direction de l’éducation de Tizi Ouzou, par la voix de son nouveau directeur, M. Aissa Boussam, avance le chiffre de 51,30 %. Aux environs de 11 heures, «le taux définitif n’est pas encore arrêté, mais il se pourrait qu’il progresse ou bien qu’il régresse d’ici la fin de la journée», a déclaré à la Dépêche de Kabylie le responsable du secteur à Tizi Ouzou. «La grève illimitée du SETE a atteint 32 %», avant d’enchaîner que «ce n’est plus l’affaire de l’éducation mais c’est l’affaire de la justice puisque un jugement sur l’illégalité de l’action a été rendu, hier». Toutefois, il souligne que “des mesures administratives ont été déjà prises, telle que la ponction sur salaires à l’encontre des enseignants grévistes». Pour étayer ses propos, le DE soutient que le salaire du mois de janvier a été perçu le 4 du même mois, pour les enseignants de la wilaya de Tizi ouzou «alors que si on se réfère à la réglementation financière, ils devront le percevoir le 5 du mois de février». «Nous avons pris en considération les fêtes», indique-t-il encore. S’agissant de la prime de rendement, l’orateur annonce qu’elle est au niveau du Trésor de la wilaya, «quant aux autres arriérés de salaires et les échelons, ainsi que les heures supplémentaires, ils sont en voie de règlement». Les syndicats aux aguetsLes syndicats membres de la Coordination intersyndicale, à l’image du SATEF et de l’UNPEF n’ont pas arrêté dès les premières heures d’effectuer des virées sur l’ensemble du territoire pour évaluer l’impact de la grève, et tendre l’oreille d’un autre coté sur les débouchés de la réunion tenue à Alger par le nouvel organisme : l’intersyndicale, pour débattre de l’évolution de la situation, notamment en ce qui concerne la décision de la justice. M. Nacer Ait Saadi, membre de l’exécutif du SATEF a déclaré que «la grève a été largement suivie, au chef-lieu de la wilaya et dans toutes les localités». Il pense que la colère des enseignants s’est intensifiée lorsque la tutelle a proféré ses menaces de ponctions sur salaires et d’ester en justice les syndicats meneurs. Concernant le verdict de la Chambre administrative d’Alger, l’orateur réplique : «On s’attendait à ce genre de pratiques, mais le mot d’ordre de grève était déjà lancé et on n’avait, ni le temps, ni les moyens pour appeler les enseignants».Abordant dans le même sens, le président de l’UNPEF de Tizi Ouzou a déclaré, pour mettre en exergue la réussite de l’action entamée qu’il y a “des établissements qui ne sont pas structurés dans des syndicats, mais ils ont suivi le mot d’ordre de grève». Ce qui dénote, selon ses dires «la légitimité des actions».Contactés, certains cadres du SETE de Tizi Ouzou, affilié à l’UGTA, qui a appelé à une grève illimitée, débutée le 9 janvier, pensent que l’impact de la grève n’est que le prolongement naturel de l’adhésion des travailleurs de l’éducation à son mot d’ordre de grève jusqu’au versement des primes de scolarité et de rendement.Quoi qu’il en soit, dans cette cacophonie syndicale, ce qui est évident, c’est que les grèves se multiplient, mais ne se ressemblent pas. A ce rythme, l’équation deviendra plus délicate.

M.Ait Frawsen

…Ainsi qu’à Béjaïa

Alors que la DE annonce que le taux de suivi de la grève de l’intersyndicale par l’ensemble du personnel de l’éducation de la wilaya est de 82,57%, les responsables du SETE de Béjaïa, qui s’expriment aussi pour le compte des autres syndicats vont plus loin en déclarant que 99,99% des travailleurs de l’éducation de la wilaya, toutes catégories de personnels confondues et tous paliers confondus, ont suivi le mot d’ordre de grève des 15 et 16 janvier lancé par l’intersyndicale.Aussi, il est aisé de constater que la panoplie des mesures coercitives (retenue sur salaire, retenue sur primes de rendement, condamnation des cinq personnalités de l’intersyndicale par la Chambre administrative du tribunal d’Alger à payer chacun 20 000 DA d’amende par jour de grève, la déclaration de l’illégalité de la grève par la même Chambre administrative) mise en branle par le ministère de l’Education n’ont pas réussi à fléchir la volonté des enseignants de réclamer haut et fort à leur tutelle, l’amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles.Pour rappel, quatre points composent leur plate-forme de revendications. Il s’agit de l’augmentation des salaires, de la retraite totale à 100%, de la promulgation du statut particulier des travailleurs de l’éducation dans le cadre du statut général de la Fonction publique et du respect des libertés syndicales.Sans doute pour prévenir tout incident que risqueraient de provoquer les élèves qui seront sans surveillance du fait de la grève du personnel enseignant et administratif, la plupart des chefs d’établissements ont instruit les potaches de rester chez eux pour faire leurs devoirs les journées des 15 et 16 janvier. ce qui fait qu’à leur arrivée dans les établissements, les enseignants n’ont eu d’autres choix que celui d’émarger pour la grève.Les groupuscules d’élèves que certains ont pu observer ça et là aux abords des établissements, sont ceux qui avaient pour la matinée d’hier des professeurs remplaçants ou vacataires qui ne sont donc pas concernés par la grève.Interrogés sur l’impact négatif que ne manqueraient certainement pas de produire les ponctions de salaire sur leur budget familial, les grévistes rencontrés dans les établissements répondent invariablement qu’ils sont si mal payés qu’ils dépensent leur argent au jour le jour sans aucune prévision budgétaire. Ils ajoutent que de toute façon, si l’administration leur retient deux journées de salaire ou une semaine ou même tout le mois, ils sont déjà à terre et qu’ils ne peuvent pas descendre plus bas.A rappeler qu’aujourd’hui les syndicats CNAPEST, UNPEF et SATEF de Béjaïa ont appelé les travailleurs de l’éducation à un rassemblement massif devant le siège de la DE pour qu’en plus de la plate-forme de l’intersyndicale, exiger, l’intégration du personnel régis par le décret 89.224 et 89.225 et l’arrêt immédiat et inconditionnel par la DE des sanctions arbitraires à l’encontre des travailleurs.

B. Mouhoub

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