La RN15 en décrépitude

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Rouverte depuis une dizaine de jours au niveau du col de Tirourda (voir notre édition du 11 avril dernier), et cela après plusieurs mois de blocage par la neige, la route nationale n°15, reliant les wilayas de Bouira et Béjaïa à Tizi-Ouzou, est complètement défigurée par les fortes intempéries enregistrées au cours des mois de janvier et février.

La partie relevant de la wilaya de Bouira est la plus affectée par les glissements et les éboulements, et cela depuis le piémont (villages de Tiksighidène et Selloum) jusqu’à Ivahlal, Ighil Azem et sur les hauteurs de Aïn Zebda, en haute altitude. Jamais cette partie, longue d’une vingtaine de kilomètres, n’a subi autant de détériorations, lui faisant perdre carrément son caractère de route nationale. En plus de la neige qui constitue jusqu’à cette semaine des amoncellements de 4 mètres de hauteur en bas du col de Tirourda, la route a surtout souffert des fortes pluies de février. Sur trois endroits, en moins de huit kilomètres à partir de la commune de Chorfa, la chaussée est réduite presque à un sentier, admettant à peine la largeur d’une voiture. Plus de la moitié de la chaussée se retrouve dans le ravin, emportée par la masse d’eau. En dépassant la source de Aïn Zebda en direction de Tirourda, c’est un gigantesque éboulement qui obstrue toute la largeur de la route; elle qui n’a été traversée en son milieu que par un camionneur téméraire, laissant d’énormes ornières dangereuses pour un simple véhicule léger. Naturellement, sur tous ces tronçons rétrécis d’une façon considérable, aucun croisement n’est possible. Il faut attendre que la menue voie se dégage pour pouvoir entamer son aventure. Sur les hauteurs, au niveau de la cédraie surplombant la commune d’Aghbalou, les amoncellements de neige sont toujours là ne permettant le passage, parfois sur une centaine de mètres, que d’un seul véhicule. Si deux véhicules s’engagent en même temps dans les deux sens, les manœuvres de marche arrière sont ardues et dangereuses, en raison du relief très accidenté et de risques d’enlisement dans la neige. Au vu de son importance stratégique -elle dessert toute la haute Kabylie en direction de l’Est du Sud algériens (des centaines de camions transportent par cette voie la sable de Bousaâda, le ciment de Sour El Ghozlane, le granulat de Oued El Berdi et le bétail du marché de Bouira)-, la RN 15 est censée bénéficier d’un traitement particulier, celui réservé sous d’autres cieux, aux routes de montagne. En d’autres termes, au lieu des réfections interminables qui consomment inutilement d’énormes budgets, cette route devrait être dotée d’ouvrages et canalisations de drainage sur tout son itinéraire montagneux de façon à canaliser les eaux excédentaires sur la rivière Aghbalou. Non seulement les affaissements et les glissements de terrain diminueront, mais on pourra également utiliser cette manne d’eau dans une retenue ou mini-barrage avant la jonction avec la Soummam. Le danger des mouvements du sol ne pèse pas uniquement sur la route, mais également sur un grand nombre de constructions qui la longent, aussi bien à Tiksighidène, Selloum ou Takerboust. Mais, à l’état actuel, la RN 15, dans son itinéraire de montagne qui s’étale sur une quarantaine de kilomètres, est loin de mériter son niveau de classification de « nationale »; cette dernière lui a été accordée pendant la colonisation, lorsque les travaux d’entretien (fossés, passages busés, déneigement) étaient une préoccupation permanente de l’administration. Ce fut le cas jusqu’au milieu des années 1970. Au cours des deux dernières années, cette route a fait l’objet de maintes réfections, lesquelles étaient toutes focalisées sur la partie superficielle (tapis et élargissement de certains tronçons), alors que le cœur du problème est ailleurs, c’est-à-dire dans la couche de base qu’il faudrait renforcer avec des galets ou de grosses pierres sur une épaisseur acceptable, et dans la circulation des eaux souterraines qu’il y a lieu de capter et de drainer. Dans quelle région d’Algérie une route, même de niveau « chemin communal », demeure fermée pendant deux ou trois mois en raison de la neige ou des éboulements?

 N.M.Taous

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