La métrologie légale, un outil nommé désir

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Compte tenu des multiples infractions enregistrées au niveau du marché des produits de consommation, les inspecteurs du contrôle de la qualité des produits alimentaires et de la lutte contre la fraude sont connus des commerçants qui appréhendent leur passage. 

Mais, le comble de l’ironie est que peu de gens savent l’existence de services métrologiques, chargés d’intervenir par voie réglementaire sur les instruments de mesure tels que les balances. Au demeurant, l’office national de métrologie légale (ONML) est l’un des organismes qui veillent au respect des règles d’entretien des appareils de mesure. Toutefois, la wilaya de Béjaïa est loin de satisfaire cette exigence, en sus primordiale pour la protection du consommateur, et par ricochet préserver la loyauté des échanges commerciaux. 

L’absence de sorties sur le terrain, que se doit d’effectuer l’office précité ne fait qu’accentuer le sentiment d’arnaque à chaque virée chez le commerçant du coin ou au marché hebdomadaire. L’usage de vieilles balances, anachroniques et souvent défectueuses, est pratiquement un secret de polichinelle. Pour mener à bout notre enquête, nous nous sommes rendus au marché hebdomadaire d’Akbou à dessein de nous enquérir davantage sur cette pratique déloyale. Les dizaines de carreaux réservés de facto aux marchands de fruits et légumes constituent un panel idéal pour mieux cerner le phénomène étudié. Ce faisant passer pour un potentiel acheteur, le vendeur ne tarit pas d’éloges pour la marchandise écoulée, feignant dans l’art du marchandage tout en scrutant les passants, censés être une bonne clientèle. Dans le même sillage, ce qui nous intéresse le plus est la fiabilité des appareils de mesures utilisés par les marchands. La pesée des produits maraichers se fait en un clin d’œil sans que le client ne s’aperçoive si le poids indiqué est à l’abri de tout soupçon. Interrogé sur la crédibilité de leur balance, aucun commerçant n’a remis en cause son appareil de mesure. Pis, ces derniers se dédouanent de toutes pratiques illégales, jugeant immorale de notre part d’avoir douté ne serait-ce une seconde de sa sincérité.  

Afin d’étayer notre argumentation quant à la désuétude de ces appareils au-delà d’une certaine durée, la réglementation mise en vigueur par le gouvernement oblige les commerçants à changer leurs appareils une fois la défectuosité avérée. Aussi étrange que cela puisse paraître, le contrôle métrologique paraît aux antipodes de leurs soucis, d’autant plus que les commerçants que nous avons interrogés ignorent complètement l’existence d’une brigade chargée du contrôle desdits appareils de mesure. Toutefois, personne ne peut blâmer ces derniers du moment qu’aucune inspection du genre n’a eu lieu dans les marchés hebdomadaires que nous avons visités. Idem, pour les épiciers autres commerçants que nous avons sollicités pour les besoins de notre enquête.  Les commerçants ne se sentent nullement inquiétés par les agents du service de métrologie relevant de la Direction des mines et de l’industrie de la wilaya qui sont aux abonnés absents pour des raisons indéterminées. Cette carence encourage certains vendeurs malhonnêtes à abuser de la confiance de leur clientèle qui n’ose pas réagir face à des cas flagrants.

L’ONML a pour mission d’être le principal acteur dans la protection de l’économie nationale à travers le contrôle de l’ensemble des instruments de mesure utilisés dans le cadre des opérations et transactions commerciales. Toutefois, le contrôle des instruments de pesage dans certains pays comme la France est attesté par une vignette verte apposée sur la balance afin qu’elle soit visible du consommateur. Dans le même registre, toute balance utilisée à des fins commerciales doit présenter une vignette verte en cours de validité. Dans le cas contraire, une vignette rouge remplace celle-ci, synonyme de non-conformité. Quant à la validité desdits appareils de mesure, deux types de vignettes (1 an et 2 ans) sont mises à la disposition des commerçants. Les vignettes de validité 2 ans sont posées uniquement sur les balances mesurant un poids égal ou inférieur à 30 kg, et qui sont utilisées pour des transactions commerciales en vente directe avec le public. Concernant les vignettes de validité 1 an, celles-ci sont posées sur tous les instruments de pesage comme celles utilisées dans le domaine médical, dans l’industrie, ainsi que les instruments de pesage supérieurs à 30 kg. Cependant, la fiabilité des balances est tributaire d’un meilleur positionnement de celles-ci, lesquelles doivent être installées de façon stable et, si elles sont destinées à la vente directe au consommateur, elles doivent être positionnées de telle manière à ce que le client puisse lire aisément le résultat de la pesée et, le cas échéant, les indications de prix. Malheureusement, ce cas de figure est rarement respecté. En effet, les commerçants se contentent de positionner leurs appareils de mesure à leur guise sans se soucier du consommateur. Le hic est que même le tableau d’affichage de la balance est quasiment invisible, sans compter l’énorme couche de poussière qui s’entasse au fil des années. Toutefois, le consommateur se doit de vérifier et réclamer une meilleure visibilité du poids et du prix qu’affiche la balance. « Je me suis fait arnaquer une fois par un vendeur installé aux abords de la RN 26, du côté d’Akbou, lequel n’a nullement respecté le poids de la quantité demandée. Il m’a refilé 4,2 kg de pommes de terre au lieu de 5 kg. Le fait est avéré une fois la pesée recomptée chez un autre commerçant. Autant dire une arnaque à ciel ouvert », regrette un père de famille. 

Dans un passé récent, les balances et les poids étaient poinçonnés pour attester que les instruments étaient homologués et répondaient à la bonne application des lois et règlements. La métrologie légale constitue un outil incontournable pour la protection des consommateurs, car elle regroupe un ensemble d’exigences et de procédures de contrôle imposées par l’État pour garantir la fiabilité des instruments de mesure. La métrologie légale, qui dépend du ministère de l’Industrie, doit être réactivée afin de parvenir vaille que vaille à assurer un service notable à travers son champ d’action et mettre le holà aux dépassements et infractions, devenus monnaie courante sur le marché des produits alimentaires. 

 

Bachir Djaider

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