Il était une fois Thala !

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Région montagneuse et rurale par excellence, le territoire de la commune de Seddouk regorgeait, jadis, de sources d’eau douce, savoureuse et minérale, sortant directement des entrailles de la terre.

Elles alimentaient les fontaines publiques. Il n’y avait pas un seul village qui ne possédait pas sa fontaine publique appelée Thala, un patrimoine typiquement kabyle que les villageois entretenaient jalousement. Cet espace public est réservé exclusivement aux femmes, notamment les jeunes filles qui trouvaient un malin plaisir pour sortir de la maison et se rendre à Thala afin de se rencontrer entre gent féminine et s’échanger des nouvelles. Elles remplissaient d’eau les jarres et les peaux de chèvres (Azaâlouk) qu’elles transportaient sur le dos. La ville de Seddouk, au temps de la colonisation, possédait quatre fontaines publiques éparpillées à travers les grands quartiers où se trouvaient aussi des édifices publics très fréquentés.  Les colons ont ramené dans une conduite à grand débit et par aspersion gravitaire, l’eau de la source d’El-Manfouka se trouvant au village de Seddouk Oufella, dans le douar d’Amdoun n’Seddouk, au piémont de la montagne d’Achtoug à quelques 1 000 mètres d’altitude. À partir des années 80, la population de la ville à augmenté considérablement et cette eau de la fontaine d’El-Manfouka ne suffisait plus pour subvenir au besoin en eau des citadins, voilà pourquoi les autorités de l’époque l’ont laissée pour les quatre villages d’Amdoun n’Seddouk. La ville était alimentée ensuite par des forages réalisés à Takriets. Il y a quelques années, les forages ont été abandonnés et ce, depuis l’avènement du barrage de Tichy Haft dont la commune de Seddouk a bénéficié du transfert de son eau qui coule actuellement dans les foyers. La plus importante de ces fontaines était implantée au centre-ville. Elle est située à proximité d’une église, d’un abattoir et non loin de la mosquée. Elle est dotée d’un grand bassin assez large pour l’abreuvement des bêtes, elle se remplissait par une eau coulant de plusieurs robinets. Les hommes aussi trouvaient un malin plaisir de se désaltérer en se lavant les mains et en humectant le gosier. Après l’indépendance, elle a été démolie pour la construction du siège actuel de la poste. La deuxième fontaine plus au moins importante se trouvait à côté du marché et de la caserne militaire. Elle «accomplissait» les mêmes fonctions que la première. Dotée d’un petit bassin et alimentée avec un seul robinet, elle a survécu même si son eau a tari. Ce sont les poissonniers qui occupaient le lieu jusqu’à sa disparition après les années 90, elle fut emportée par la démolition de la maison d’à côté. La troisième fontaine, la plus petite, a été implantée dans un coin près du kiosque des Bélamri. Située à côté de l’école primaire et un peu loin de la brigade de la gendarmerie, elle était dotée d’un robinet pour boire mais point de bassin. Ces trois fontaines publiques qui étaient des éléments prépondérants et indissociables du patrimoine et de l’histoire de la ville de Seddouk ont totalement disparu. Elles étaient victimes de l’insouciance des êtres humains qui les ont décimées au grand dam des habitants nostalgiques qui ne gardent d’elles que des souvenirs lointains, nostalgie oblige. Il faut dire aussi que la modernité y est pour quelque chose dans leur disparition, depuis que l’eau a été branchée dans les foyers. Seule la grande fontaine a été immortalisée par une photo en couleurs noir et blanc qui circule actuellement sur facebook. Il reste le cas de la fontaine d’Adha, située à proximité de la RN74, à quelques encablures de la ville de Seddouk. Elle servait jusqu’il y a quelques années à alimenter les citadins aux moments des pénuries d’eau. Jerricans, bidons et bouteilles dans la male de la voiture, sur le dos du mulet, dans la brouette ou dans les mains, les gens se rendaient à cette fontaine pour chercher de l’eau quand elle ne coule pas momentanément des robinets. Il y a environ cinq ans, l’APC de 2007/2012 lui a consacré une somme importante pour sa rénovation. Un grand bassin fut construit, lequel est charpenté avec de la tuile rouge lui donnant l’aspect d’une fontaine moderne avec sa belle architecture. Selon le maire de l’époque, un forage a été prévu également pour son alimentation en eau H24. Aujourd’hui, elle est abandonnée à son triste sort, livrée à des herbes folles qui l’ont envahie, faisant de l’endroit une zone marécageuse où pullulent mouches et moustiques qui envahissent les maisons de la citée des enseignants située à proximité. Cette fontaine offre un visage hideux aux passants à pieds ou en voiture, nombreux à passer par là quotidiennement. Les citadins aujourd’hui, pour ceux possédant des voitures, vont chercher cette eau minérale d’El-Manfouka, dans la fontaine érigée sur place. Ceux qui n’ont pas de moyens de transport se contentent de l’acheter chez des vendeurs d’eau qui sillonnent les rues de la ville à 40 dinars le jerrican de 20 litres. Les autorités locales doivent songer à réhabiliter les fontaines publiques de la ville de Seddouk, car elles seront d’une grande utilité même de nos jours. C’est le reflet d’une ville en pleine décadence, à la recherche des hommes capables de lui rendre son lustre d’antan. Autrement dit, Seddouk perd de son look au fil des jours.

L. Beddar

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