Les délires d'un dangereux révisionnisme

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Après avoir fustigé nié et agressé l’amazighité de l’Algérie à différentes occasions sur des supports médiatiques qui ne s’ouvrent que pour ces délires, revoilà l’inénarrable Othmane Saâdi chevaucher la cause révisionniste de l’histoire de la guerre de Libération. C’est sans doute une continuité logique, celle consistant à piétiner et ternir l’histoire du pays depuis les premières traces de l’homme nord-africain jusqu’à la révolution de novembre 1954. Peut-être, aux yeux du président de l’association algérienne de la défense de la langue arabe, un travail partiel de dénigrement et de destruction ne serait pas crédible. 

Exploitant la visite, au cours de la semaine passée, du Premier ministre vietnamien, Nguyên Tan Dungen, en Algérie, Saâdi, dans une tribune signée sur le quotidien Echourouk du 3 juin dernier, fait l’éloge de l’hôte de l’Algérie parce qu’il s’est exprimé… en vietnamien, sans s’arrêter sur le contenu de sa déclaration. L’auteur de la tribune fait le parallèle avec les ministres et hauts responsables algériens qui ont tendance à s’exprimer, dans des rencontres ou forums internationaux en français. Le partisan du « tout arabisation », qui dit « essayer de mener un combat intellectuel basé sur les faits et des vérités historiques que le colonialisme a cherché à travestir ou tout simplement à éliminer de notre mémoire et de la mémoire humaine », comme il l’a déclaré à un journal électronique juste après sa déclaration incendiaire portant sur « Constantine arabe depuis l’Antiquité », s’enfonce sur la pente glissante d’un révisionnisme avéré portant sur un maillon crucial de l’histoire algérienne récente, celle liée à la guerre de Libération. Il commence par dire, contrairement à toute vérité historique, que la guerre a été faite « en arabe » au cours des trois premières années. L’on sait pourtant que le seul domaine où la langue écrite intervenait en tant véhicule du message idéologique de la révolution (textes officiels des instances du FLN, déclaration du 1er novembre, actes du congrès de la Soummam, déclarations, « propagande »,…), cela s’est fait dans la langue française, langue du colonisateur certes, mais aussi langue d’enseignement dont les premiers révolutionnaires algériens se sont servis pour faire valoir les droits de l’Homme dont se targuait la France et la devise de « liberté égalité fraternité » qui n’avait pas son prolongement sur le terrain des colonies. Autrement dit, ils se sont servis du français moyens de contestation de l’ordre établi et de rébellion. Kateb Yacine disait dans une interview : « Je me suis servi du français pour dire aux Français que je ne suis pas Français ». Othmane Saâdi ne s’arrête pas au fantasme d’une langue arabe qui serait connue, maîtrisée et utilisée à grande échelle par les révolutionnaires algériens. Il s’aventure dans un révisionnisme dangereux que ne permettent que l’État délabré des institutions actuelles et le recul de l’autorité de l’État. En effet, il accuse les lycéens et étudiants qui ont décidé de quitter les bancs de l’école, le 19 mai 1956, d’être des agents de la France, envoyés non pour infiltrer l’ALN et en casser la dynamique, comme le prétendaient certaines suggestions confuses sur ce qui fut la Bleuite, mais pour donner une orientation francophone à la future Algérie indépendante. D’après Saâdi, ces « déscolarisés » ont rejoint le gouvernement provisoire (GPRA) au Caire « pour constituer le premier noyau de l’État algérien francophone ». Ces anciens lycéens et étudiants, qui avaient sacrifié leur études pour l’Algérie- disant que, « avec des diplômes, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres »-, sont aujourd’hui traînés dans la boue, accusés de haute trahison par quelqu’un qui fut un étudiant, rentier du FLN au Caire, obnubilé par l’idéologie baathiste au point de tirer sur tout ce qui bouge, tout ce qui fait la moelle de l’Algérie et son authenticité et tout ce qui respire la diversité l’ouverture et la modernité. Cette fois, écrasé par le complexe des tard-venus – comme les appelle Mostefa Lachref-, et des tireurs au flanc fainéants de la nation, il s’en prend à un segment crucial et un symbole précieux de la lutte des Algériens pour leur indépendance. Après tous les reniements historiques dont il s’est rendu coupable, il verse cette fois-ci dans un révisionnisme qui a les faveurs de tous ceux qui cherchent à mettre à genoux l’Algérie. La sénilité qui, à l’occasion, pourraient « excuser » les dérives de ce personnage, n’est pas seule en cause dans ce type de comportement qui remonte aux années soixante-dix du siècle dernier.

Amar Naït Messaoud 

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