L'urgence d'une stratégie de riposte à la hauteur des défis

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L’Algérie est en train de procéder graduellement à l’évaluation de l’impact des changements climatiques sur l’environnement en général et le secteur agricole en particulier, à travers la dégradation de la valeur agrologique des sols induite par l’érosion et à travers aussi l’élévation des températures moyennes. À l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement le 5 juin dernier, nous écrivions dans ces mêmes colonnes que le souci écologique n’est pas encore assez représenté dans les sphères décisionnelles et que les cérémonies festives se répètent indéfiniment chaque année pour prendre un aspect routinier loin de toute efficacité. Mais, en réalité le temps presse. Les changements climatiques dont il est question- qui se cristallisent dans le rehaussement des températures et l’extrême irrégularité des précipitations dans le temps et dans l’espace- se greffent en Algérie sur une situation déjà peu reluisante, où l’homme, par ses agissements, a gravement porté atteinte au milieu dans lequel il vit. Étant au début de la saison estivale, l’on ne peut s’empêcher de penser tout de suite au premier phénomène qui a rasé la forêt et les maquis algériens, à savoir le feu. Les grands incendies durent depuis pratiquement une vingtaine d’année. Le coup de grâce fut sans doute donné à la saison 2014, où toute l’Algérie fut à feu de l’est à l’ouest, et… à sang, puisque le terrorisme avait déjà étêté l’élite intellectuelle et commençait à s’en prendre aux citoyens et agents de sécurité. Les difficultés d’intervention pour éteindre les incendies étaient principalement liées à cette conjoncture difficile. Après plusieurs années de feu, les peuplements forestiers ont perdu jusqu’aux semenciers qui pouvaient faire régénérer les forêts. Le peu de régénération qui a pu s’élever risque d’être, à son tour, définitivement effacée de la carte avec les nouveaux feux de forêts. Même les arbres fruitiers n’ont pas été épargnés par le massacre, y compris aux alentours des villages. L’on se souvient des belles oliveraies des hauteurs de Toudja et Oued Ghir qui étaient partis en fumée au début des années 1990. À la même occasion, il y avait une dizaine de personnes mortes suite à leur intervention dans la lutte contre l’incendie. Le déboisement sous toutes ses formes a gravement dégarni les versants de montagnes et de collines, laissant apparaître des affleurements rocheux, des bancs caillouteux, des marnes bleues, des schistes,…etc. Le processus d’érosion est enclenché dès les premiers orages de fin août, emportant alluvions, cailloux, parfois des roches ou blocs erratiques, qui se déposeront dans la plaine ou la vallée. Lorsque en aval, il y ouvrage hydraulique, comme les barrages d’eau de Taksebt, Tilesdit, Koudiat Acerdoune, c’est un dépôt qui se forme au fond de l’ouvrage, occupant le volume initialement pris par l’eau. Ainsi, la durée de vie des barrages est étroitement liée au degré d’érosion qui affecte son bassin versant. Cette érodabilité augmente au fur et à mesure du processus de déboisement ou des mouvements de terres lorsqu’il y a des infrastructures qui sont prévues sur le bassin versant (pistes, routes autoroutes). Outre la durée de vie des ouvrages hydrauliques, l’érosion des bassins versants fait également courir de gros risques pour les installations techniques (appareils, pompes, tuyauterie,…). Les entretiens, dans ce cas, peuvent revenir trop chers par rapport aux premières prévisions. Plus de treize millions d’hectares sont touchés par l’érosion, dont quatre millions de manière « grave », a noté hier, Samir Grimes, cadre au ministère des Ressources en eau et de l’environnement, à l’occasion de la deuxième conférence internationale sur l’énergie et l’environnement, en précisant que l’Algérie perd annuellement près de 400.000 ha de terres à cause du phénomène d’érosion. La perte, dans ce cas de figure, se caractérise par l’amenuisement de la fertilité des sols, qui peut aller jusqu’à leur stérilisation. Aux incendies de forêts et maquis, s’ajoute la pression pastorale qui s’exerce sur les grands espaces des Hauts Plateaux et sur les versants des montagnes du Tell, amenant le sol à réduire au plus bas son offre fourragère. L’action irréfléchie de l’homme dans son rapport avec l’écosystème, la mauvaise gestion des ressources, le non respect des principes du Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT), sont autant de facteurs qui renforcent et aggravent les incidences des changements climatiques sur l’écosystème algérien. Les mesures classiques mises en œuvre par les pouvoirs publics depuis les années soixante-dix, à savoir les reboisements, les repeuplements, l’installation des ouvrages de corrections torrentielles, ont été complétées par des actions contenues dans les projets de développement rural. Mais, cela reste largement insuffisant. La législation algérienne en la matière est souvent dépassée. Les convoitises sur le foncier ont, dans certaines régions, fait obstacle aux actions de reboisement. Une législation plus coercitive pourrait faire récupérer à l’État les espaces passés sous le contrôle de riverains ou de barons locaux, afin de mieux les protéger contre l’érosion. Le travail de sensibilisation demeure, lui également, incomplet. L’école, la presse, la radio, la télévision devraient être impliquées totalement dans cette grande œuvre de sauvegarde des terres contre l’érosion.

Amar Naït Messaoud

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