Habituellement, la Maison de la culture Taos Amrocuhe de Béjaïa organise à chaque Ramadhan un programme d’activités culturelles et artistiques, dont la partie musicale se déroule sur l’esplanade située à proximité du bâtiment.
Cette année, les choses ont changé suite à des pressions exercées sur cette institution par des salafistes. Au premier soir de ce mois de Ramadhan, nombreux furent les citoyens habitués des festivités nocturnes ramadhanesques à se présenter à la Maison de la culture de Béjaïa. Cependant, ils furent surpris de ne voir aucun dispositif mis en place pour accueillir une quelconque festivité. Des familles entières avaient fait le déplacement, espérant pouvoir encore une fois profiter de la douceur du temps pour assister à quelque spectacle en plein air, ou à quelque représentation musicale à même d’égayer l’atmosphère de cette première soirée. Depuis quelques jours, une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux, pour empêcher l’organisation de soirées festives sur l’esplanade de la Maison de la culture de Béjaïa. Le prétexte tout trouvé est celui relatif à la proximité de la mosquée, empêchant ainsi les fidèles d’accomplir leur devoir religieux dans la sérénité. Selon eux, la sono et les hauts parleurs émettent trop de bruit, les perturbant dans leur prière. L’argument porté a fait que nombreuses furent les personnes qui ont adhéré à cette campagne, la relayant sur leurs pages et la partageant sur les réseaux sociaux. Cependant, les habitués s’inscrivent en faux par rapport à cet argument. Selon Fatima, une mère de famille venue avec ses enfants ce soir là «cela fait plusieurs années que je viens à cet endroit pour profiter des festivités ramadhanesques, mais jamais elles n’ont débuté pendant les heures de prières». Son mari qui l’accompagnait a ajouté que «les soirées ont toujours eu lieu après les heures de prières», avant qu’une autre dame n’ajoute que de toutes les façons, il est impossible de commencer avant, puisqu’il y a encore plein de choses à faire à la maison après le ftour, pour pouvoir se libérer avant au moins deux heures. Des jeunes présents sur l’esplanade sont alors intervenus pour déclarer qu’ils n’avaient rien contre les gens qui font la prière, mais que ce serait bien que ces derniers respectent ceux qui désirent faire la fête. Chacun fait ce qu’il veut, tant qu’il respecte les autres. Et la Maison de la culture ferait mieux de ne pas écouter ces gens qui veulent l’empêcher de faire son travail. Un monsieur, s’approchant de nous, est intervenu pour nous rappeler «qu’il y a encore quelques années, personne n’aurait osé toucher à la culture. La société civile semble battre en retraite depuis quelque temps. Pourquoi reste-t-elle silencieuse et abandonne-t-elle le terrain aux extrémistes ? C’est elle qui devrait réagir et se lever pour exiger la reprise des festivités sur cette esplanade. La Maison de la culture est un bien du peuple, et c’est à ce dernier de réagir et de se mettre du côté de la culture». Ramadhan ne fait que commencer, et le vide créé par la passivité des artistes et du mouvement associatif profite aux extrémistes de tous bords, pour faire reculer les libertés et affaiblir la culture de tout un peuple qui ne demande qu’à s’épanouir et se développer. Dans l’impossibilité de joindre, en ce week-end, les responsables de la culture à Béjaïa, nous attendons quand même leur réaction et celles de tous ceux qui sont jaloux de leur culture.
N. Si Yani