Lundi 20h45 mn. Le barrage fixé au niveau du carrefour de la sortie-Ouest de Bouira reprend du service. Le bouillonnement automobile y va crescendo jusqu’à une heure tardive de la nuit. Passage obligé des noctambules en provenance essentiellement des villages des Aït Laziz mais aussi des daïras de Kadiria et de Lakhdaria, le barrage en question est devenu, depuis quelques temps, notamment depuis l’avènement de l’hypermarché, un véritable « nœud gordien ».
À propos de l’hypermarché ouvrons une parenthèse pour souligner que depuis son ouverture, les populations des wilayas limitrophes (Médéa, M’sila, BBA, Boumerdès…) y viennent y faire leurs emplettes. Après quelques bonnes minutes de stagnation et de sueurs au niveau du croisement brouillant, la circulation devient relativement fluide. On est sans aucun doute surpris par le fait qu’une demi-heure après le f’tour, le bitume de la RN5 soit déjà pris d’assaut. En fait, les premiers à pointer au niveau du carrefour sont les accrocs des jeux de dominos qui, en un rien de temps expédient leur chorba, y accourent réserver leur table. 22 heures, les artères du vieux centre sont indiscutablement les plus aérées, les plus fluides à la circulation. Chaque Ramadhan, le comité des fêtes de la ville, en partenariat avec l’institut régional de musique, organise des soirées chaâbies à ciel ouvert. La scène est implantée sur la véranda de l’institut de musique faisant face au nouveau théâtre régional qui tarde à finir ses travaux et ouvrir ses portes à la culture qui, depuis quelques années, flirte avec l’inculture. Nous nous enfonçons dans le vieux bâti de la ville, monstruosité architecturale qui résiste au renouveau. La place des Martyrs est bondée de monde. L’espace est tout particulièrement affectionné par les At Meddour. Ils y viennent savourer du thé et du café sur la plateforme de la place. Direction pont Sayeh, le deuxième pont qui assure la jonction avec Bouira sud. Là aussi, ouvrons une parenthèse pour regretter qu’il n’y ait que deux passerelles entre les deux parties de la ville séparée par la voie ferrée. Chose qui, bien évidemment, rend davantage compliquée la circulation automobile. Le pont Sayeh, derrière, nous abordons le boulevard Zighout Youcef, l’artère vraisemblablement la plus fréquentée. Trouver un petit espace pour y garer son véhicule est problématique. Nous y arrivons quand même avec l’aide de l’un des «parkingueurs» qui y «sévissent». À pratiquement mi-chemin de Ramadhan et en prévision de la fête de l’Aïd, les boutiques d’habillement sont déjà prises d’assaut. Un peu plus loin, pas loin du siège de la wilaya, la Maison de la culture cède son esplanade aux manèges et autres toboggans. Les chérubins y trouvent leur compte. L’esplanade est tout particulièrement effervescente. La Maison de la culture, elle, marque une halte conjoncturelle et nous sert de «l’artiste local». Peut-être avec un peu de chance, une tête d’affiche dans les jours à venir.
C’est déjà l’Aïd
En attendant, les Bouiris, notamment les familles, regrettent le «bon vieux temps» où, drivée par l’ancien directeur Omar Reghal, la Maison de la culture était un véritable temple de la chose culturelle. Et cela ne se limitait pas à la seule circonstance ramadhanesque et ne se résumait pas à la seule activité «zdeg rdeg». De l’autre côté du siège de la wilaya, toujours au niveau du boulevard Zighout Youcef, le bitume est interdit à la circulation automobile, après le f’tour. Cette partie du boulevard devient piétonnière, un mois durant. Cette mesure est dictée par des considérations sécuritaires, mais aussi par le souci de dégager un espace aéré à la circulation piétonne. À propos de sécurité il est heureux de constater qu’aucun méfait intégriste n’a été enregistré depuis 2012. Pour rappel, c’est à cet endroit qu’au mois de Ramadhan 2012, un attentat terroriste a coûté la vie à un brigadier de la BMPJ. Et c’est aussi au même endroit où, au Ramadhan de la même année, l’on avait enregistré des alertes à la bombe. Ce climat de sécurité encourage les familles à sortir prendre l’air frais et des glaces sur les terrasses de la piétonnière. Plus loin, aux environs de l’Ecotec, quartier populaire et populeux de la partie ouest de la ville, l’ambiance est relativement calme. Quelques cafés y déroulent leurs jeux de cartes et de dominos. Un grand café faisant face à la direction de l’Éducation y accueille, nous explique-t-on, les affairistes. Le café en question est baptisé par le génie linguistique de la rue «qahwet rrih» (le café du vent). La connotation en arabe algérien est claire : on y vend et on y achète du vent. Ce café du vent nous rappelle un autre café baptisé lui, le «café du coin». Ce dernier était implanté au centre-ville, à côté de l’ancien siège de la direction de l’éducation. Les mauvaises langues suggèrent que tout problème avec la direction de l’éducation, et de quelle nature qu’il soit, se règle au café du coin. Nous contournons la ville en passant par le complexe sportive et la cité dite «Les Allemands», pour reprendre la RN5 en empruntant la direction Est. Il est 23 heures passées. Nous sommes à la périphérie de la ville.
La vie nocturne poussée jusqu’à une heure tardive
Nous arrivons à la Maison de l’environnement. L’espace est verdoyant. Les familles dégustent des boissons servies par le kiosque de la maison, pendant que les enfants courent dans tous les sens en toute sécurité. L’endroit est nettement oxygéné. Deux énormes jets d’eaux rafraichissent davantage l’atmosphère. Un petit théâtre à ciel ouvert attend que l’on exploite. Un grand espace sécurisé offre une variété de jeux aux enfants qui, tout joyeux, passent du sable à la glisse et à la balançoire en une vitesse effrénée. Pas de bruit, pas de gaz des pots d’échappements. Une détente zen. De grands projets sont retenus pour cette Maison de l’environnement dirigée par le jeune Saïd Mameri. Pas loin de minuit, Bouira commence à baisser rideaux. Le barrage fixe de tout à l’heure redevient pour quelques temps, le temps que tous rentrent chez eux, gordien.
S.O.A.

