Fruits et légumes sans goût ni saveur

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«Goût d’hier et qualité d’aujourd’hui», tel est le slogan (et encore d’emprunt) utilisé à tout-va par ceux exerçant dans le créneau des fruits et légumes pour promouvoir leur marchandise.

Des spécialistes qui s’ingénient dans l’achalandage alléchant pour provoquer la gourmandise…visuelle, ce qui ne peut être qualifié que d’un malin «trompe-l’œil» qui provoque cette boulimie visuelle, notamment en ce mois de Ramadhan. En effet, partout à travers les marchés des fruits et légumes de la daïra de M’Chedallah, rares sont les fruits et légumes qui conservent encore quelques traces du goût de jadis.

Ce goût des fruits cultivés avec amour par des paysans dans les campagnes de Saharidj et Aghbalou à la manière traditionnelle, soit sans serres ni engrais chimiques, se contentant d’engraisser leurs vergers avec du bon fumier d’animaux.

Le «dégoût», au sens exact du terme, des fruits et légumes y compris les légumes secs qui sont cultivés dans les fermes, s’explique par l’utilisation de techniques modernes, telles que le traitement des semences à base de produits chimiques antirouille, sous prétexte de les protéger contre les insectes et la moisissure, notamment contre les fourmis. En outre, la majorité de ces matières agricoles sont cultivées sous serres, soit sous un climat artificiel, en plus de l’utilisation des engrais chimiques, le tout couronné par des insecticides fabriqués en laboratoires pour les protéger des parasites. Et ce n’est pas tout ; une fois mûrs, ces fruits et légumes séjournent longtemps dans des chambres froides qui achèvent d’éliminer toute trace de goût ou de saveur. Ils arrivent sur les étals du marchand et la table du consommateur fades, fétides et…sans goût. Même les viandes rouges ou blanches subissent les retombées de ce conditionnement et de cette transformation radicale du goût et de la forme.

On remarque des taureaux engraissés artificiellement à base de vaccins fortifiants en plus des aliments fabriqués en usine et dont même l’insémination se fait de manière artificielle, un traitement qui s’apparente à…des soins intensifs. Le poids de ces taureaux franchit souvent la barre des 500 kg en moins de six mois. Leur viande n’a aucun goût comparativement à ceux vivant librement dans les pâturages du versant sud du Djurdjura, se nourrissant de manière naturelle à l’air libre et non enfermés dans des étables passées chaque matin aux désinfectants et autres produits chimiques pour réduire les odeurs et éliminer les parasites volants et rampants attirés par l’odeur des animaux. Le constat est valable pour la volaille aussi.

Les succulentes poules multicolores de la basse-cour (ayazidh leqvayel) de jadis, élevé et entouré de petits soins par nos grand-mères, comparées à celles des actuels poulaillers à … «tenue» unique (blanche pour la chair et rouge pour les pondeuses) n’ont aucune ressemblance en matière de goût. Ce phénomène du changement de saveur et de forme est beaucoup plus remarquable dans certaines variétés de ces produits agricoles par le simple fait que leurs semences sont importées, comme c’est le cas pour la pomme de terre et le blé (dur et tendre). Une simple comparaison entre le concentré de tomate local et celui importé est édifiante au même titre que la confiture d’abricot.

En Kabylie, et plus particulièrement dans la wilaya de Bouira, les figues, l’huile d’olive et les figues de barbarie sont les trois produits agricoles du terroir cultivés à grande échelle qui échappent encore à cette dévalorisation, malgré certaines retombées négatives de la pollution galopante. Ces trois produits de large consommation conservent encore presque toute leur saveur millénaire ainsi que leurs effets thérapeutiques du fait d’être épargnés par ces traitements chimiques modernes et n’avoir subi aucune «amélioration technologique» jusqu’à présent. Un de ces produits agricoles, en l’occurrence la figue, ravit la vedette aux autres fruits de saison en ce Ramadhan. Dans les marchés de la région, ce fruit se trouve abondamment et est fortement demandé. Espérons seulement que ces produits du terroir soient cultivés aussi longtemps que possible et surtout à l’abri du traitement aux produits chimiques.

Oulaid S.

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