Dda Muh Mameri, de son vrai nom Mohamed Mameri, confirme l'adage. C'est à l'âge de cinquante-huit ans, après une carrière artistique de plus de quarante-deux ans, qu'il réalise son rêve d'enfance. Depuis avril dernier, son nom est sur toutes les lèvres, notamment ses fans, parce que son premier album est dans les bacs. C'est déjà rassurant pour lui, car les échos qui lui parviennent au quotidien lui annoncent la réussite. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, Dda Muh revient sur sa longue carrière.
La Dépêche de Kabylie: Qui est Dda Muh Mameri?
Dda Muh : Eh bien, je ne vais pas philosopher à ce sujet. Je m’appelle Mohamed Mameri. Ce sont les intimes et presque tous ceux qui me connaissent qui m’appellent Dda Muh. Je suis un quinquagénaire, père de famille et bientôt grand-père. En dépit du poids de l’âge, et ce n’est pas une tare, je continue à vivre cet art qui m’habite.
Dda Muh, à quel âge avez-vous commencé à chanter?
Quand j’avais seize ans. Ce n’est pas comme aujourd’hui, nous n’avions rien au village. Alors, en groupe, on fredonnait les chansons de nos artistes. Pour moi, celui qui me réjouissait le plus, c’était Lounis Ait Menguellet. J’ai appris toutes ses chansons d’amour de l’époque. C’était une autre époque. Nous passions des nuits entières dans les champs loin des maisons. C’était avec un bidon d’huile transformé en guitare que je chantais à mes camarades les chansons de Lounis.
Tout de même, vous n’étiez pas resté à ce stade?
Bien sûr. J’ai fait ma première émission radio en 1978 avec feu Farid Ali qui animait « Ighanayen Ouzaka ». La chance ne m’avait pas souri. Et j’ai continué à animer des fêtes familiales dans Ain Zaouia, Boumahni jusqu’à Boghni et Maâtkas.
Vous venez enfin d’éditer votre premier album qui porte le titre…
« Zrigh Ay Tedjed Assagi », « je sais qu’aujourd’hui, tu vas m’abandonner ». C’est le titre que j’ai choisi. Il y a d’autres chansons qui le méritent, mais c’est un choix.
Justement, pourquoi ce choix?
Quand quelqu’un que vous adorez vous quitte à jamais, la vie a l’air de s’arrêter. Je ne peux dire plus que cela. Chacun interprétera ce titre à sa manière et lui donnera la connotation qu’il lui sied le plus.
Dda Muh imite les autres ou a son propre style?
Je ne vous cache rien. Je n’ai pas un style à part. Le mien est comme celui de Lounis Ait Menguellet, parce que je n’ai pas pu m’en débarrasser surtout qu’il m’a imprégné dès mon jeune âge.
Revenons à l’album. Quel est le constat que vous avez fait?
Il est demandé chez tous les disquaires. C’est du moins ce que j’apprends chaque jour. C’est un album qui traite de notre société de nos valeurs ancestrales et bien sûr d’un peu d’amour (tayri). C’est un ensemble de six chansons. Je les citerai alors: aqlen nessusem barka, âdjel siwdasen slem, atnin atnin athniyen, azigh ay thedjed assagi, awid izeglen taswiât, 20 mars. Et ne me dites pas que je vais toutes les commenter parce que c’est à celui qui les écoute de leur donner le sens qu’elles portent.
Au moins, expliquez-nous l’une d’elles…
Eh bien, je ferais plaisir aux lecteurs de votre journal d’évoquer « awin izeglen taswiât ». C’est un appel à tous ceux qui ont raté des occasions de s’illustrer ou de se placer dans une échelle de valeur, pourtant tant méritée, de maintenir leur position. C’est aussi une remarque à toutes ces personnes. Elles doivent, donc, ce reconnaître. Et le 20 mars est un hommage à un être cher que j’ai perdu.
Dda Muh, on dit que l’appétit vient en mangeant. Y a-t-il un autre produit en vue?
Ce n’est pas l’appétit qui est venu mais c’étaient plutôt les circonstances qui ne m’avaient pas permis d’éditer mon premier album à l’âge de vingt ans. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Si tout va bien, mon deuxième album sortira en novembre prochain.
Et pour conclure ?
Tout d’abord, je tiens à vous remercier et remercier votre journal qui m’a ouvert ses colonnes pour m’exprimer même si je ne suis pas de la nouvelle génération. D’ailleurs, je saisis cette occasion d’interpeller tous ces jeunes chanteurs qui font de la reprise à la laisser de côté et donner encore plus d’ailes à la chanson kabyle, qui, à mon sens, est en régression. D’autre part, c’est une occasion pour moi de condamner tous ces piratages qui se font dans tous les domaines artistiques.
Entretienréalisé par Amar Ouramdane

