Beaucoup reste à faire

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Dans l'ensemble des réformes prévues et mille fois promises de l'administration publique, on tient pour un trophée de haute lutte, les quelques assouplissements introduits dans les pièces d'Etat civil et autres pièces produites par le secteur de la Justice.

L’administration, une grande machine froide, bâtie sous une forme d’engrenage institutionnel et humain, est plus étendue que quelques pièces d’Etat civil. Elle va du simple extrait d’acte de naissance jusqu’à l’encadrement des grands projets d’investissement menés par les entreprises, en passant par tous les maillons des secteurs représentés essentiellement par les directions de wilaya (commerce, transports, agriculture, hydraulique, travaux publics, domaines, énergie et mines,…).

Le nouveau ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nordine Bedoui, lors des cérémonies d’installation des nouveaux wali, a fait montre d’un grand optimisme que l’Algérie parvienne à ce qu’il appelle la gouvernance électronique. «Nous en avons les moyens», assure-t-il. Il reste juste à savoir s’il y a une sincérité politique à mener le combat sur un terrain miné par les intérêts, la rente, les lobbies, l’incompétence et la médiocrité.

Ce diagnostic ne date pas d’aujourd’hui, il a treize ans d’âge. Il a été mis dans le rapport de la commission des réformes de l’administration et des missions de l’Etat au début des années 2000. Depuis cette date, les effectifs de la fonction publique enflent chaque année, pour arriver aujourd’hui à deux millions d’employés; ce secteur perd ses compétences par la fuite de ses cadres, pour lesquels on a ouvert la brèche de la retraite anticipée, et reçoit presque un million de pré-emploi dans un statut précaire et s’enfonce dans l’absentéisme et la médiocrité de ses prestation en services publics.

Autant dire que la situation a beaucoup évolué en…pire par rapport au constat honnête et lucide de la commission présidée autrefois par Missoum S’bih. Dans le sillage des réformes annoncées depuis avril 2011, en plein avancée du Printemps arabe, des changements étaient attendus dans la marche générale de l’administration publique de façon à la rendre moins « hostile » à ceux-là mêmes qu’elle est supposée servir, à savoir les citoyens, pris aussi dans leur statut d’électeurs-contribuables.

C’est assurément là une relation que la sous-culture régnant dans cette même administration et l’analphabétisme encore tenace dans plusieurs régions du pays n’arrive pas à faire ériger en une typologie de service public répondant aux nouveaux besoins de la société et aux impératifs de la vie moderne. Dans une longue nomenclature des maux et handicaps, qui obèrent l’évolution normale de la société et des institutions vers plus de progrès, d’émancipation citoyenne et de démocratie, la bureaucratie prend une place prépondérante.

Elle a contribué à stopper les élans les plus déterminés et à pervertir les valeurs du travail les plus anciennement ancrées et partagées. De par riche histoire qui leur a donné leurs assises aussi bien en Algérie que dans d’autres pays où ils ont pris racine, les pratiques et les actes fondant la pratique bureaucratique, sont rarement « désintéressés » ou seulement dus à des formes d’incompétence ou de médiocrité. Les moments les plus fastes de la montre de la bureaucratie sont évidemment sustentés part la mamelle de la corruption et de l’appât du gain.

Les sempiternelles protestations des populations- particulièrement, la frange de la jeunesse sans travail et sans repères sociaux et culturels- que connaît la rue algérienne, depuis plus d’une décennie, outre qu’elles mettent en évidence une patente impasse sociale et économique, révèlent indéniablement au grand jour le terrible hiatus existant entre la société et l’Etat et entre responsables administratifs ou élus et les citoyens.

On sait que les tentatives de réformes en direction de l’administration publique, initiées sporadiquement depuis presque deux décennies, ont fait face à de farouches résistances où les intérêts rentiers se mêlent allègrement à l’incompétence. Ces réformes ont été vues comme le pendant obligé du pluralisme politique, syndical et associatif initié introduit juste après l’explosion d’octobre 1988.

Si l’appareil économique et le paysage politique ont subi des transformations, malheureusement souvent de façade, le secteur de l’administration publique est resté pratiquement figé; pire, il a subi des régressions terribles aussi bien sur le plan technique que sur les plans éthique et civique. Dans sa tour d’ivoire, l’administration est « imbue » de ses prérogatives, un terme suffisamment choyé pour être mis en relief; elle est engoncée dans ses visions qu’elle prend pour des certitudes.

Le verrou que constitue l’administration dans le développement du pays s’est révélé au grand jour lorsque l’Algérie, mise à rude épreuve par la crise des recettes extérieures basées quasi exclusivement sur le pétrole, a ressenti un besoin pressant de diversifier son économie. Là le premier obstacle que à l’acte d’investir, que l’on a identifié comme tel, c’est l’administration, avec sa non-maitrise des dossiers du foncier, ses lenteurs et ses « pêchés mignons » de l’addiction à la corruption.

Imparablement, la modernisation de l’économie, la promotion de la jeunesse, l’investissement dans les créneaux qui font la grande actualité dans le monde, le développement culturel du pays et le recul des aprioris idéologiques désuets, passe par la réforme radicale de l’administration publique à tous les niveaux, y compris par une décentralisation accrue de son organigramme et de ses missions.

Amar Naït Messaoud

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