La lutte contre le commerce informel était un des points retenus dans la feuille de route du gouvernement, à l’automne 2012. Dans les semaines qui ont suivi l’annonce de cette mesure phare du gouvernement, une campagne d’envergure nationale, ayant impliqué plusieurs départements ministériels, dont l’Intérieur et le Commerce entre autres, a été lancée avec le concours des services de sécurité.
Les chiffres divulgués à l’époque par le département du Commerce faisaient état de 1 520 marchés informels et de 70 000 intervenants à travers le pays. L’opération a permis dans ses premiers mois l’éradication d’une centaine de points noirs. En parallèle à cette opération coup de poing, il a été décidé la réalisation de centaines de marchés de proximité pour les besoins de recasement des marchands informels. Seulement, les pouvoirs publics ont vite été rattrapés par une triste réalité : le temps. La livraison des marchés de proximité allait prendre beaucoup de temps. Certaines de ces structures se trouvent actuellement toujours en chantier.
En revanche, celles achevées ont été boudées par les intervenants de l’informel car isolées et souvent mal situées. Ce n’est pas tout. L’absence d’une ferme volonté d’en finir une bonne fois pour toute avec ce fléau a fait que ce dernier s’est aussitôt réinstallé un peu partout. Désormais, les marchands de l’informel narguent les autorités. En l’absence de solutions durables, les commerçants chassés la veille réinvestissent les lieux le lendemain.
Plan d’éradication de 2012 : Des actions, mais…
Dans la wilaya de Bouira, le phénomène du commerce informel a posé et pose toujours un problème. Des points noirs, il en existe des dizaines de sites à travers le territoire de la wilaya aussi bien en milieu urbain qu’en dehors. Au lendemain du lancement de l’opération dite d’éradication de l’informel, les services du commerce de Bouira avaient recensé près de 38 sites.
Au niveau de ces sites, les intervenants, au nombre de 1 438, activaient dans la vente au détail de fruits et légumes, d’habillement et autres accessoires de téléphones portables. A l’issue de l’opération, il a été fait état de l’éradication de 31 sites : 8 dans la commune de Bouira, 5 à Sour El Ghozlane, 3 à Aïn Bessem et 3 autres à Lakhdaria. Sept (7) sites seulement restaient à éradiquer. Et c’était à l’époque en bonne voie. Sur le plan du recasement, les données fournies par la DCP en janvier 2013 faisaient état de l’intégration de 110 intervenants dans le circuit légal dans la commune de Lakhdaria.
Par ailleurs, des mesures incitatives ont été prises par les services concernés pour mettre en conformité l’activité des marchands informels. Il était question de carte d’une durée d’une année délivrée par l’APC aux intervenants avant de prétendre à la délivrance d’un registre du commerce. La réhabilitation de certaines structures abandonnées était envisagée comme mesure d’accompagnement. Le marchés de Draâ El Bordj, de la cité Zerrouki dans la ville de Bouira, celui d’Amara Belkacem de Sour El Ghozlane, ou encore celui de l’ex EDIPAL de Aïn Bessem étaient ciblés par l’opération de réhabilitation.
Toujours dans le plan visant à résorber le commerce informel entrepris en 2012, il a été décidé de la réhabilitation et réalisation des espaces commerciaux de proximité pour un montant de 82 millions de dinars. Au total, 8 marchés étaient envisagés au titre de l’exercice 2011-2012. En outre, un projet portant la réalisation de 5 marchés de proximité a été retenu au titre de l’exercice 2014 pour un montant de 100 millions de dinars.
Il s’agit de 3 marchés au chef-lieu de wilaya, 1 à Sour El Ghozlane et 1 à Lakhdaria. Les travaux de réalisation ont été lancés en 2014 et sont toujours en cours. Il est aussi question de la réhabilitation de deux anciens marchés à Aïn Bessem et Lakhdaria. Un autre projet similaire est en voie de lancement au niveau du nouveau pôle urbain des 1 422 logements de la ville de Bouira pour un montant de 230 millions de dinars. A terme, ces projets pourront offrir plus d’espaces commerciaux répondant aux normes.
Mais ces espaces suffiront-ils pour absorber les centaines d’intervenants exerçant principalement sur les routes ? Les intervenants voudront-ils rejoindre ces espaces ? Toutes ces questions restent à présent en suspens.
Pouvoirs publics-marchands informels : le bras de fer
Presque trois années se sont écoulées depuis la campagne d’éradication entreprise à l’automne 2012. Sur le terrain, on a l’impression que la situation n’a pas changé d’un iota. Il y a toujours autant de sites dédiés à l’informel. A l’exception peut-être des grands centres urbains, à l’image de la ville de Bouira où la majorité des points noirs ont été bel et bien éradiqués, sur les principaux axes routiers traversant la wilaya (RN 5 et 18), les sites dédiés au commerce informel subsistent toujours.
D’autres intervenants sont même venus grossir les rangs de dizaines déjà existants. Sur la RN18 par exemple, les deux points noirs, ceux sis à Nessis et à Said Abid en l’occurrence, ne sont pas près de disparaitre. Dans les deux endroits, c’est un véritable marché à ciel ouvert qui est implanté. La circulation y est constamment congestionnée et les bouchons sont légions. Sur les lieux, des dizaines de camionnettes squattent à longueur de journée les bas-côtés de la chaussée. Les fruits et légumes sont commercialisés dans des conditions déplorables.
Les marchandises sont souvent exposées au soleil et au contact de la poussière et autres gaz d’échappement. Les automobilistes de passage, nombreux à s’approvisionner dans ces endroits, ne sont guère préoccupés par la qualité de la marchandise. Plusieurs descentes ont été effectuées par les services de sécurité sur les lieux. La dernière opération coup de poing remonte au mois de juin dernier. Une dizaine de baraques de fortune ont été démolies au village agricole de Said Abid, sous une forte escorte des forces anti-émeute de la Gendarmerie nationale. Des actions similaires sont constamment opérées au niveau du site de Oueled Bellil, sur la RN5. Mais à chaque fois, les marchands de l’informel réinvestissement les lieux.
Cela s’apparente au jeu du chat et de la souris. Sur un autre axe routier, celui de la RN15 entre M’Chedallah et Chorfa, deux grands sites de l’informel sont érigés aux abords de la route. Celui de Chorfa est de loin le plus important. Une centaine d’intervenants y ont élu domicile et proposent fruits, légumes et volaille à la vente. Sur ce tronçon de la RN15 aménagé depuis plus d’une année en boulevard, les bouchons sont monstrueux tellement le nombre d’intervenants est important.
Par le passé l’APC de Chorfa avait réussi à recaser certains marchands exerçant au niveau du site, mais beaucoup d’autres ont refusé l’offre des services municipaux. Le comble c’est que les intervenants au niveau de ce site ont été rarement inquiétés par les services concernés par la lutte contre l’informel. Cette façon de faire a ouvert la voie à d’autres intervenants venus squattés le trottoir. Il faut dire aussi que la municipalité ne dispose pas d’assez d’espaces commerciaux à offrir à ces marchands.
Actuellement, c’est le statu quo. D’un côté on a à faire à des marchands, souvent des pères de familles mais exerçant en toute illégalité et souvent dans des conditions inacceptables, et de l’autre des pouvoirs publics en manque de solutions palliatives. Dans ce bras de fer, à un moment ou à un autre, l’Etat doit reprendre les choses en main car il y va de sa crédibilité.
D. M.