Pèlerinage à Azrou n’Thor

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Y a-t-il meilleure occasion pour un visiteur qui veut passer un week-end en altitude sur les cimes du Djurdjura, que celle d’« Assensi » au sacré mont « Azrou n’Thor » en ce mois d’août ?

à 1 900 mètres d’altitude, le visiteur pourrait courir deux lièvres à la fois: profiter du paysage paradisiaque du parc naturel du Djurdjura, où se côtoient la faune et la flore de différentes espèces, et en goûtant aux délices de dame nature, notamment l’eau fraîche de ses sources, ses fruits de saison, comme les figues, les raisins, les poires, les pommes et d’autres fruits comme les figues de barbarie que le touriste en provenance de Bouira pourrait cueillir de ses propres mains sur les accotements de la RN 15.

Il pourra aussi traverser le col de Tirourda, à 1 750 mètres d’altitude, tout en longeant le dos de la montagne sur une distance d’environ 06 kilomètres pour atteindre le site que se partagent les villages Zoubga et Aït Adellah, relevant de la commune d’Illiltène et Aït Atsou, de la commune d’Iferhounène, à 70 kms au sud-est de la wilaya de Tizi-Ouzou, pour assister au rituel qu’organisent ces derniers le premier jour du week-end (vendredi) et d’y goûter au délicieux couscous de la région, garni de viande d’ovin, de caprin ou de bovin, préparé par les soins des femmes des villages organisateurs.

A cet effet, afin de satisfaire tout ce beau monde convié à partager ensemble le déjeuner offert gracieusement par le village organisateur, en l’occurrence Aït Adellah, suivant les us et coutumes ancestrales, 19 bêtes (15 moutons, 02 boucs et 01 bœuf) dont ont fait don des personnes généreuses, mais également ceux et celles qui ont fait des vœux l’année passé sur ce lieu sacré et dont le souhait a été exaucé furent sacrifiées la veille et coupées en 3 400 rations de viande. «02 autres bœufs seront sacrifiés le lendemain pour Timechret du village», dira Hand Ouali Ali, président du comité dudit village.

Un site paradisiaque

Une tente a été dressée au pied du sommet du rocher du zénith, à l’intérieur de laquelle se trouve un «Agraw», composé de religieux, prêchant des louanges en implorant le tout Puissant à exaucer les souhaits de ceux et celles qui viennent effectuer un pèlerinage sur ce lieu béni par Dieu, où a été posée une caisse où les personnes en quête de guérison, d’un… mari ou d’enfants y déposent leurs dons, et ce, avant d’escalader le chemin escarpé pour ceux possédant la force et le courage de grimper jusqu’au mont du rocher qui domine la grande et la petite Kabylie.

De là-haut, on admire les paysages des étendues de la vallée de la Soummam, les Bibans, portes de Bordj Bou-Arreridj, les plaines de Sétif, de Bouira et autres villes et villages de l’Est et du Sud de l’Algérie, mais aussi, tout en aspirant la senteur des plantes médicinales à l’état sauvage, tels le chih, el djeïda, tiz atranin et felgou, ramenées jusqu’à vos narines pour remplir ainsi vos poumons de l’air du majestueux Djurdjura et repartir les batteries chargées comme un moteur d’automobile refait à neuf, pour ainsi dire.

Par ailleurs, les milliers de visiteurs, selon les immatriculations constatées, vendredi dernier donc, jour de notre virée sur les lieux, sur les bus et les véhicules, sont venus d’Alger, de Boumerdès, de Blida, de Biskra, de Tébessa, de Tipasa, d’Oran, de Djelfa, de Sétif, de Batna, de Tiaret et autres résidents de la région venus spécialement de France pour assister à cet événement, sans citer ceux qui ont fait le déplacement des quatre coins de la Kabylie.

Ces derniers pourront acheter sur les lieux des objets artisanaux de la région, à l’exemple de bijoux en argent, des tapis, des ustensiles en bois ou en argile, de la vannerie, mais aussi de la nourriture, comme la galette, les beignets, «Tamthount», de l’huile d’olive et même du miel d’abeilles pur de Kabylie. Cependant, pour comprendre l’origine de cette tradition séculaire, nous avons demandé à Da Méziane Ben Atsou, un vieillard âgé de 96 ans, de nous éclairer sur l’appellation du site «Assensi bwazrou n’thor».

«Assensi bwazrou n’thor», des vieux en parlent

Ce dernier nous apprendra que ce rocher du zénith (Azrou n’Thor, comme son nom le souligne) indique le repère de la 2ème sur les 5 prières de la journée chez les musulmans, soit celle de la mi-journée, qui se pratiquait au moment où le soleil atteignit le rocher, étant donné qu’à l’époque, le seul indicateur du temps n’était rien d’autre que la lumière de cet astre de feu, où un saint religieux invisible (El makhfi), guidé par le soleil faisait la prière du dohr à l’intérieur de ce rocher», a-t-il souligné.

D’ailleurs, pour confirmer ses dires, il nous montra du doigt «Azrou El Asser» (3ème prière de l’après-midi) qui se trouve à quelques mètres à vol d’oiseau en face du premier. Quant à la dégringolade de la couscoussière du haut du rocher jusque dans le vallon, sans que le couscous ne se déverse, Da Méziane dira : «pour nous, c’est une légende séculaire, transmise de génération en génération que je ne pourrais confirmer ni infirmer».

De son côté Da Boudjema, un octogénaire, dira au sujet de la couscoussière que «celle-ci ne contenait pas de couscous, il s’agissait seulement de moqueries humoristiques entre des villageois qui s’amusaient à cette époque à qui coller la meilleure étiquette pour en faire de lui la risée du voisinage. Quant à l’ustensile, notre interlocuteur admet son existence en disant qu’ «il était en cuivre traité auquel il attribuait une robustesse d’une rare solidité», a-t-il rapporté.

D’autre part, nous avons constaté des familles abritées dans des campements de fortune au milieu des cèdres, de sapins et de pins pour rester à l’ombre et se protéger des rayons du soleil, malgré un temps clément. En revanche, si tout le monde admire la beauté du paysage, l’eau fraîche ainsi que la sociabilité et la convivialité des habitants de ces montagnes très accueillantes, néanmoins, les visiteurs déplorent le mauvais état de la piste qui mène vers le site et espèrent qu’au retour, l’année prochaine, ils la trouveraient tout au moins couverte de tuf afin de permettre un meilleur accès aux véhicules.

Par ailleurs, certains s’indignent et se demandent «Pourquoi un site aussi merveilleux que celui-là n’est pas pris en charge par le ministère du Tourisme afin d’en faire un parc d’attraction et de loisir comme ceux existant ailleurs dans le pays ou encore mieux, étant donné qu’il a toutes les caractéristiques d’un lieu d’attraction en hiver comme en été. Il va rentabiliser la commune d’Iferhounène en termes d’impôts, mais aussi résorber le chômage par la création de postes d’emplois», s’insurge une dame venue pour la 1ère fois de Béjaïa, laquelle ne cessait de louer la splendeur de ce site enchanteur.

En outre, s’il y a une chose à signaler, c’est la bonne organisation de la fête, où les organisateurs ont veillé à la tranquillité des visiteurs et à leur sécurité par l’installation de vigiles armés de fusils de chasse installés sur les contours des points stratégiques de la montagne, et même l’armée et la gendarmerie nationale n’étaient en dehors de la réussite de l’événement, en veillant à la sécurisation du site, en dressant un barrage au col de Tirourda, passage ouvrant sur Azou n’Thor. Nous avons aussi constaté la présence des pompiers sur les lieux et une ambulance 4/4 de l’EPSP d’Illiltène dégagée spécialement en cas d’évacuation d’un éventuel malade ou accidenté vers les structures sanitaires pour une prise en charge.

A. M.

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