À quelques jours de l'Aïd-El-Adha, les familles kabyles procèdent aux derniers préparatifs inhérents à cette fête religieuse, mettant l'accent sur l'achat des habits neufs pour les enfants ainsi que le mouton dont le prix est jugé excessivement cher cette année, selon des citoyens approchés par nos soins.
L’Aid tamukrant ou fête d’immolation des moutons c’est dans quelques jours. Mais combien coûte déjà un mouton ? Telle est la question sempiternelle que la plupart des citoyens se posent en fouillant le fond de leurs poches. Les vendeurs de moutons déambulent dans quasiment toute la localité à la recherche de potentiels acheteurs. Et c’est toujours les mêmes acteurs, vendeurs et revendeurs, clients et intermédiaires. Chacun joue sa partition dans cette dynamique du marché. La négociation s’annonce toujours difficile, d’autant plus que les acheteurs se font rares, et les plus téméraires ne cèdent pas facilement à la tentation. Néanmoins, les deux parties arrivent souvent à accorder leurs violons pour conclure la vente. Par ailleurs, le prix du mouton reste toujours inaccessible pour les petites bourses. Dans la localité de Chemini, les rares maquignons ayant élu domicile au cœur du chef-lieu de la commune sont confinés dans un espace infinitésimal, à la bordure de la principale ruelle traversant la localité de bout en bout. Une vingtaine de têtes du cheptel ovin est proposée aux habitants par un vendeur habituel, allant du moyen au plus grand mouton. En l’absence du marché hebdomadaire, les autorités locales ont acquiescé d’organiser ce marché improvisé afin de permettre aux maquignons de la région de vendre leurs bêtes. Les éléments de la sûreté de daïra ont sommé les vendeurs de ne pas occuper les abords de la principale artère, dès lors, la circulation ne risque pas de se congestionner par un flux de potentiels acheteurs. L’arrivée de la fête du sacrifice est synonyme de bonnes affaires pour des fellahs de la région, ayant comme unique ressource leurs maigres cheptels. En dépit de leur situation de précarité économique, les pères de famille font des pieds et des mains pour se procurer l’indispensable mouton avant le jour de la fête. Et pourtant, les prix des moutons ont grimpé dans les principaux marchés de la wilaya de Vgayet que nous avons sillonnés. Le constat est le même partout (Tazmalt, Akbou, Ouzellaguen, Sidi-Aïch, Amizour…). Malgré l’abondance des moutons dans les parcs animaliers, leurs prix font grincer les dents des clients. En effet, la valeur des béliers a grimpé à des niveaux de plus en plus inaccessibles pour les petites bourses. De plus, cette fête tombe «à point nommé» avec la rentrée des classes. De nombreux pères de famille rencontrés sur les marchés à bétail ou en ville jugent que les prix sont assez élevés et accusent les vendeurs de moutons d’être de mauvaise foi. Ces derniers boutent en touche et expliquent la cherté des moutons par la cherté de l’aliment de bétail. Leurs prix s’envolent à quelques jours de l’Aïd-El-Kebir au grand dam des familles aux revenus modestes. La fourchette des prix proposés varie entre 30 000 et 70 000 DA, une somme jugée dispendieuse aux yeux de quelques acheteurs que nous avons rencontrés sur les différents marchés de la région. «On ne peut s’offrir le luxe d’acheter un mouton à 50 000 DA, et même si des bêtes sont cédées à 30 000 DA, on n’aura rien à se mettre sous la dent avec un agnelet pareil», ironise Ahmed, père de famille. Bon nombre de consommateurs hésitent à s’engager dans l’achat d’un mouton, qui peut s’avérer un sacrifice de leur budget avant d’être un sacrifie pour l’Aïd El-Adha.
Les prix exorbitants du cheptel ovin dépassent tout entendement cette année, mais les maquignons rétorquent par d’autres arguments, entre autres la sécheresse ayant amplement affecté les récoltes cette saison, idem pour le prix de leur alimentation qui ne cesse d’augmenter crescendo. Pour le citoyen lambda, une virée au marché est souvent synonyme de casse-tête chinois. Entre bonne foi, égayement de la progéniture et le maigre budget, les fidèles sont contraints de résoudre une équation à plusieurs variantes. Au rythme où vont les prix du cheptel ovin, mirobolants et invraisemblables à la fois, beaucoup de familles vont être saignées à blanc cette année encore, au risque de déroger à ce rite religieux, gardé jalousement comme à la prunelle de leurs yeux.
D’aucuns sont unanimes à dire que cette fête sera un véritable calvaire au cas où les prix affichés restent à l’état actuel. Les ménages vont être saignés à blanc une fois de plus, et vont devoir faire les frais de ces mirobolants prix du mouton au risque de déroger à cette tradition religieuse. Et beaucoup de pères de famille sont encore indécis.
Ils ne savent pas s’il faut attendre les derniers jours avant la fête religieuse pour acheter leurs moutons, espérant que les prix baissent un peu, ou bien se hasarder à acheter aux prix actuels, de peur que la flambée s’accentue.
Bachir Djaider