En présence du ministre de la Culture venu assister à l’ouverture de ce festival, le coup d’envoi de celui-ci a été donné vers vingt heures, sur le site historique de Bordj Moussa, devant une foule nombreuse, constituée de connaisseurs et d’amateurs de cinéma. La première projection a pris à contre-pied toute l’assistance. Le comité d’organisation a programmé un reportage-documentaire sur la vie d’une moudjahida d’exception, puisqu’elle a été la secrétaire de l’architecte de la Révolution, Abane Ramdane. Âgée de quatre-vingt ans, elle vivait dans des conditions modestes, mais a gardé tout son amour pour la révolution et ses héros. Ce film de Nassima Guessoum raconte l’histoire d’une autre Nassima. Nassima Hablal a beaucoup souffert dans sa vie. Elle a perdu son père à l’âge de cinq ans, puis son mari et dramatiquement son fils unique pendant le tournage du reportage. Et elle est décédée pratiquement lors des dernières séquences du tournage. Notre héroïne a connu l’essentiel des hommes de la Révolution. L’une d’entre elles, baya, témoigne face à la caméra. «J’ai été violée par une cinquantaine de soldats français». Nassima Hablal a été arrêtée en 1957 et a été condamnée à cinq années de prison. Elle aussi a été torturée. Elle se souvient des noms de ces tortionnaires, et elle les donne pour que son témoignage reste. Tout au long du film mi-documentaire mi-reportage, Nassima raconte sa vie. Elle était toujours amoureuse de la Révolution. Mais elle ne comprenait pas les raisons de sa souffrance. Alors, elle a interpellé Dieu, lui demandant des explications. Sa souffrance était réelle et visible. Malgré cela, elle aimait chanter, autant en français qu’en algérien. Le documentaire est ainsi jalonné par la voix de Nassima et ses chansons d’autrefois. L’amertume pouvait se lire sur son visage à l’évocation des douleurs qu’elle a subies tout au long de sa vie. La mort de son fils unique avait achevé tous ses espoirs. Elle avait été hospitalisée durant des mois, ayant presque perdu la vue et l’ouïe. Même le jour de l’indépendance, elle n’a pas connu de grande joie. Son mari et elle avaient beaucoup été déçus par le combat des chefs, et les luttes pour le pouvoir. Elle a vu ceux qu’elle considérait comme des frères se combattre et s’entretuer. Ce n’était pas cette indépendance qu’elle avait espérée, et sa joie ne fut pas complète alors même que le peuple se laissait aller aux grandes réjouissances. Nassima Hablal est l’une des 10 949 moudjahidates recensées. C’est d’ailleurs le titre du documentaire : 10 949 femmes. Elles ont largement contribué à l’accession de l’Algérie à son indépendance. Sans leur combat et leurs sacrifices, nous n’en serions certainement pas encore dans cette situation. Le commencement de ces journées cinématographiques par ce film a été une grande surprise, et le public a franchement été ému. À plusieurs reprises, il a applaudi les déclarations de cette grande dame, qui continuait à vivre son rêve et être amoureuse de cette Révolution, une cinquantaine d’année après l’indépendance. Pour les prochaines journées, le programme du festival s’annonce riche, puisqu’il propose une brochette de trente-trois films, tous en première projection en Algérie. En six mois, après le lancement de l’appel aux films, le comité d’organisation a reçu trois cent trente propositions, le double de l’année précédente. C’est dire que ces journées ont atteint une réputation honorable à l’international. Les projections se feront donc trois fois par jour, entre la cinémathèque de la place Gueydon et le Théâtre Régional de Béjaïa, à 14 heures, 17 heures et 20 heures. Il y aura à la fois des longs et de courts métrages. La clôture de ce festival est prévue pour le 11 septembre.
N. Si Yani