La production de figues en chute libre

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La culture de la figue dans la wilaya de Béjaïa file un mauvais coton. La filière est vouée à de sombres perspectives et, à plus ou moins longue échéance, c’est tout ce patrimoine ancestral qui risque de se faire la malle ! Ce n’est, hélas, pas une vue de l’esprit, ni une quelconque prophétie fantaisiste et déconnectée de la réalité du terrain. Il n’y a qu’à voir le déclin implacable des vergers, et l’évolution en constante baisse de la production pour s’en convaincre. Ceux qui ont encore souvenance des années fastes de ce fruit du terroir n’en reviennent pas, tant le contraste avec l’image de désolation que renvoient les vergers actuels est saisissante. À Seddouk, Ouzellaguen, Ighram ou encore Tazmalt, c’est le même constat d’amertume. «La situation se dégrade d’année en année. Dans les années 70, la production était si abondante qu’elle couvrait la consommation pour toute l’année. On dégageait même des excédents qu’on écoulait sur le marché ou troquait contre d’autres denrées de base. De nos jours, même la figue fraiche est devenue rare en dehors des périmètres irrigués», raconte avec un relent de dépit, un septuagénaire d’Ighzer Amokrane. Même la région de Béni Maouche, immense figueraie s’il en est, n’échappe pas à ce déclin inexorable. Les parcours arboricoles dédiés à la figue se réduisent comme une peau de chagrin. Au fil des ans, la productivité a épousé les mêmes contours descendants. À contrario, la mercuriale de ce fruit passionnel atteint des sommets historiques. Un paradoxe dans une contrée réputée pour être l’un des fiefs de la figue. «Les choses ont radicalement changé depuis quelques dizaines d’années, avec l’abandon progressif de cette filière, frappée par une véritable désaffection. En effet, de nos jours, rares sont les gens qui investissent dans les travaux de plantation, de taille et autre binage, indispensables à la pérennité et au développement du figuier», souligne un paysan du village Ath Adjissa. Un citoyen de la commune d’Ath M’likèche évoque la disette hydrique prolongée, les incendies à répétions et une maladie causée par le Capnode, comme autant de facteurs qui ont contribué à faire péricliter cette filière. D’autres voix expliquent la chute des rendements par la quasi disparition du caprifiguier, rendant aléatoire la pollinisation. C’est d’autant plus malaisé que le figuier est connu pour être un végétal qui ne fleurit jamais ! Ses fleurs étant emprisonnées à l’intérieur d’une bourse et seule l’action d’un insecte, le blastophage, en assurant la pollinisation, peut donner lieu à des fruits comestibles. La synergie et l’action conjuguée de ces facteurs invitent à conclure que la perspective de réhabilitation de la culture de la figue n’a jamais été si lointaine, et les chances de voir cette filière retrouver son lustre d’antan si compromises.

Nacer Maouche

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