Cela fait maintenant neuf ans que le cimetière d’Aïn Zaouia-village vit un moment unique chaque année et plus précisément le 12 Octobre.
C’est une date gravée dans la mémoire des habitants de ce petit village, dans celle de la population de toute la région et dans celle du parti FFS. Il y a neuf ans, jour pour jour, feu Aissat Rabah, ex P/APW de Tizi-Ouzou, était tombé sous des balles assassines sur la terrasse d’un café au chef-lieu où il avait l’habitude de rencontrer ses amis et de siroter un thé. C’était en plein mois de Ramadhan quand des individus armés avaient fait irruption dans ce café préféré de ce grand homme pour l’achever froidement avec trois balles.
Aâmi Rabah comme l’appelait tout le monde était immédiatement évacué à l’hôpital Krim Belkacem avant d’être évacué au CHU Neddir Mohamed de Tizi-Ouzou. En dépit des soins intensifs qui lui avaient été prodigués, il rendra l’âme laissant sa famille, son village, sa commune et son parti. Depuis, donc, à l’occasion de cet événement douloureux, chaque année, des centaines de personnes viennent se recueillir sur sa tombe et jurer de continuer son combat pour la démocratie, la justice sociale ainsi que toutes les valeurs humaines dont il faisait siennes. Ainsi, hier, la section du parti FFS de Aïn Zaouia a marqué ce rendez-vous en réunissant au tour de la tombe d’Aâmi Rabah non seulement sa famille politique, mais aussi des militants de la démocratie et des personnes apolitiques.
En tout cas, comme il y avait toujours un consensus autour de ce grand humaniste en vie, il y a toujours au tour de lui le même consensus même mort. Hier, en plus du premier secrétaire du parti, M. Mohamed Nebbou, il y avait le P/APW de Tizi-Ouzou, des élus de la même assemblée dont M. Ahmed Hamoudi, le fédéral de la fédération de Tizi-Ouzou, M. Ali Laskri, membre de la direction collégiale du FFS, M. Didouche Hamou élu à l’APN et des maires des communes de la wilaya. Du côté de la mairie, M. Merzouk Haddadi est accompagné de son exécutif. Quant à l’administration, elle a été représentée par le secrétaire général de la wilaya. C’est dire qu’il y avait tout de même beaucoup de monde autour de la famille de ce grand homme.
Un recueillement dans la douleur
«C’est dans la douleur que nous nous recueillons aujourd’hui devant la tombe de Aâmi Rabah pour commémorer le neuvième anniversaire de son lâche assassinat. C’est une perte pour la région. Même s’ils l’ont assassiné ils doivent savoir que nous n’abdiquerons pas. C’était un homme sage et intègre. Ils ont voulu arrêter son combat. Ils se sont trompés. Nous défendrons toujours son projet et sa mémoire», dira solennellement le secrétaire de section d’Aïn Zaouia devant l’assistance peu après qu’une minute de silence eut été observée à la mémoire de l’intellectuel qu’il était. D’ailleurs, sur les visages, on pouvait lire de la tristesse mais aussi de la détermination. «Il était mon professeur de physique durant trois années au lycée Ali Mellah. Vraiment, il nous aimait comme ses enfants. J’ai plein de souvenirs de ce professeur. C’était quelqu’un qui nous aidait à résoudre nos exercices de physique-chimie même sur les trottoirs. En ce neuvième anniversaire de sa disparition cruelle, j’implore Dieu à lui accorder sa miséricorde et l’accueillir dans son Vaste Paradis», se rappellera ce cadre de l’éducation en retraite en évoquant Dda Rabah.
Des mots forts et touchants
Tour à tour, les représentants du parti prendront la parole pour, non seulement, évoquer son parcours de militant, mais aussi de maire et de proviseur. «Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? Aâmi Rabah était pour moi un ami, un père et un conseiller. Il a été P/APW et je le suis aujourd’hui. Pendant qu’il était maire, j’étais aussi maire à Ath Bouadou. Une fois qu’il est devenu P/APW, il m’a nommé comme son chef de cabinet. Quand je lui disais qu’on ne devait pas rentrer la nuit à Boghni alors que nous étions encore à la wilaya, il me forçait la main. Il me disait qu’il n’avait rien fait et qu’il n’avait peur de personne. Le jour où j’ai appris son assassinat, j’étais abattu. C’est une perte pour le parti, pour la région, pour la wilaya et pour l’Algérie. Il faut continuer sur ses traces. Nous ne devrons jamais nous taire parce qu’il a été lâchement assassiné. Nous exigerons la vérité sur sa mort», dira-t-il d’une voix sûre et claire.
Comme cet intervenant, M. Farid Bouaziz ne mâchera pas ses mots à faire comprendre à l’assistance que c’était un assassinat politique et délibéré car il est arrivé à un tournant décisif dans la vie politique du pays avec, à la clé des élections en 2007. Quelques mois avant, Aâmi Rabah fut assassiné. «Il était un homme intègre. C’était quelqu’un qui est transparent dans sa gestion. Aujourd’hui, nous sommes ici pour montrer notre détermination à continuer son combat. Nous commémorons cet assassinat dans la douleur mais aussi dans le bonheur quand on voit que le combat de Aâmi Rabah nous anime», poursuivra le fédéral. Alors que le premier secrétaire du parti, M. Mohamed Nebbou, abondera dans le même sens que ces prédécesseurs en montrant, lui aussi, la disponibilité du parti à soutenir indéfectiblement sa famille ainsi que celles de ses aînés de 1963 sans pour autant rappeler les qualités de feu Rabah Aissat. « Intègre, responsable, humaniste », insistera-t-il. Quant à M. Ali Laskri, il axera son intervention sur l’homme rassembleur.
«C’était quelqu’un qui voulait rassembler tout le monde au tour des concepts suivants la démocratie, les droits de l’homme et la justice sociale. C’était comme Ali Mecili. Je n’oublierai pas aussi de souligner sa disponibilité. On l’appelait à n’importe quelle heure. Il n’hésitait jamais à venir. On ne doit pas passer son combat sous silence. Il faudrait inviter les jeunes à le prendre comme un exemple», soulignera ce représentant de la direction collégiale du FFS. M. Merzouk Haddadi, en sa qualité de maire, tiendra à rappeler aux présents qu’Aâmi Rabah a géré l’APC entre 1997 et 2002 avec des moyens dérisoires. «C’était un gestionnaire exemplaire. Personne ne lui reprochait quelque chose parce que la transparence était son credo. En somme, personne n’oubliera Aâmi Rabah, avec son sourire aux lèvres, en dépit des problèmes auxquels faisait face la population quand il n’y avait rien dans les caisses. Il était généreux et sociable. Il s’asseyait avec tout le monde et il ne méprisait personne. C’était un grand homme», rapportera ce maire qui le prend comme exemple.
Sa famille attend toujours la vérité sur son assassinat
Neuf ans après, c’est toujours le flou qui règne sur cet assassinat. Certes, tous les intervenants sont convenus à poser la même question: «qui l’a assassiné?» et qu’ils étaient tous unanimes à demander la vérité sur son assassinat, mais, sa famille aussi attend cette lueur de vérité. «Au moment où on disait que le terrorisme était vaincu, il a été assassiné sur la terrasse d’un café. Sincèrement, nous n’avons rien compris. Je vous remercie de venir chaque année vous recueillir sur la tombe de mon père. Pour moi, je ne trouve pas de mots à parler devant sa tombe parce que sa douleur est toujours profonde. C’est un grand vide qu’il a laissé au sein de sa famille. Ce père exemplaire nous manque beaucoup», dira timidement son fils devant l’assistance qui le regardait avec compassion.
Le 13 octobre 2015, il y aura un colloque sur la vie de Rabah Aissat
C’est Farid Bouaziz, en sa qualité de fédéral de Tizi-Ouzou, qui a fait cette annonce. La fédération du FFS et l’APW de Tizi-Ouzou, ont décidé en plus de la remise du prix » Rabah Aissat » décerné chaque année le 13 octobre pour le village et la commune les plus propres, l’année prochaine, il y aura en parallèle un colloque sur la vie de ce grand militant. D’ailleurs, cette annonce a eu un grand écho au sein de l’assistance. D’ores et déjà c’est tout un travail colossal qui attend les responsables de ces deux institutions afin de réussir l’événement.
Amar Ouramdane