Fait-on vraiment de la recherche scientifique dans nos universités, et la prime instituée à cet effet, est-elle vraiment méritée par tous ? Pour le docteur Redouane Ghernaout, professeur en hydraulique et mécanique des fluides à Boumerdès et membre élu de l’APW, que nous avons rencontré avant-hier, au siège de la wilaya, ces deux questions appellent des réponses claires : la recherche existe, mais elle est loin de revêtir le caractère scientifique sous lequel elle se présente assez souvent dans nos universités. Selon cet universitaire natif de Bouira, des milliers de sujets attirent les équipes de chercheurs algériens. Or que publient la plupart d’entre eux au terme de longues années de recherche ? De simples rapports en guise de travaux. Et c’est sur la base de ces rapports que la prime de recherche serait attribuée. Où se situerait dès lors le mérite si ces travaux ne sont pas sanctionnés par la publication dans une revue scientifique de renommée internationale ? Où serait l’encouragement de la recherche si la prime récompense le chercheur génial comme elle récompenserait le chercheur ordinaire, pour ne pas dire médiocre ? Et c’est en s’interrogeant ainsi que docteur Ghernaout arrivait à cette conclusion : la recherche scientifique dans notre pays freine des quatre fers. Seuls quelques génies solitaires publient de temps à autre les résultats de leurs travaux dans des revues spécialisés. Et leur désintéressement est tel, s’extasiait notre interlocuteur, qu’ils n’attendent de l’État ni aide ni remerciement. C’est pourquoi, en regard de la situation qui prévaut dans ce secteur, notre docteur, fort de ses connaissances du milieu universitaire et de sa propre expérience qui n’est pas moindre, propose un barème dans l’attribution de la prime de recherche. Ce barème doit tenir compte de la qualité des travaux et de l’importance du sujet traité. Ainsi, on verrait pour la récompense des «têtes chercheuses» non une prime unique fixée définitivement, mais une prime modulable selon le mérite de chacun et selon l’importance et la qualité des travaux réalisés.
Plaidoyer pour une recherche universitaire fondée sur le savoir et les compétences
Le thème de la recherche scientifique a fait en début de semaine l’objet d’une communication à l’université de Bouira. L’orateur (un autre prof d’université) qui a longtemps fait le parallèle entre l’Algérie et la Corée du Sud, l’une disposant d’énormes richesses minières et l’autre qui tire l’essentiel de ses recettes de ses universités créatrices d’énormes plus-values, est parvenu à la conclusion selon laquelle la recherche scientifique est la seule solution pour les pays comme le nôtre qui doivent leur prospérité passagère aux hydrocarbures. C’est pourquoi, pensant déjà à 2030 et au-delà c’est à dire à l’après pétrole, le conférencier a plaidé pour une recherche scientifique réelle fondée sur le savoir et les compétences et pour une «université ISO», dispensatrice de connaissances indispensables à une telle recherche. Pour ce conférencier, la vraie richesse c’est la recherche scientifique et la croissance économique dépend essentiellement de ses résultats. «Quand le taux de croissance est tombé en Chine à 8% (La bourse de Shangaï perdait 8 points en quelques heures), ce fut la panique.» Et à l’orateur de faire observer, cependant, que les pays dont le taux de croissance n’atteint pas les 7 et 8% ne peuvent se considérer comme des pays productifs. Faisant donc de la recherche scientifique la pierre angulaire du développement, il a misé sur des filières scientifiques en relation avec la technologie, seule voie ouverte à l’esprit de recherche et d’entreprise. Le pavé lancé dans la marre de l’université par le docteur Gheranout rejoint par-là celui de ce conférencier sans espoir d’y provoquer le sursaut nécessaire à une vraie révolution scientifique, tant, en effet, les anciens schémas de pensées ont la vie dure.
Aziz Bey