Mohand Ouyidir Aït Amrane, une vie, un parcours

Partager

Pas un Kabyle ne devrait oublier les symboles éternels de la Kabylie. Ce sont ces hommes et femmes qui ont tout donné à cette région du pays, sans pour autant attendre de contreparties.

Parmi ces symboles dont l’Algérie, et en particulier la Kabylie, est fière, il y a le grand militant de la première heure de la cause amazighe, Mohand Ouyidir Aït Amrane, rendu célèbre avec ce poème qu’il composa le 23 janvier 1945, alors qu’il était lycéen à Ben Aknoun, lequel restera un hymne chanté par des générations successives. Il s’agit du sacré et inégalable « Ekker a mmi-s umazigh! » (Lève-toi, fils d’Amazigh !). Un poème plein d’émotions, et un rappel des origines. Massinissa, Yugurten et Dihya, ces rois et reine du peuple Berbère à travers les époques, sont fièrement évoqués par Dda Mohand Ouyidir. L’hymne « survole » les territoires de la Berbérie de Rio de Oro (Maroc) aux oasis de Siwa (Egypte). « Ekker a mmi-s umazigh » fait dresser les cheveux, et surtout fait jaillir ce sentiment de fierté celui d’appartenir à l’ethnie amazighe. Les lecteurs jugeront du degré de maturité et de patriotisme inébranlable de Mohand Ouyidir Aït Amrane, alors qu’il n’était que lycéen, lorsqu’il a composé ce poème qui deviendra, par la suite, un hymne qu’entonneront les scouts musulmans durant la guerre de libération et après l’indépendance. «Ekker a mmi-s umazigh» est chanté aussi, par une pléiade d’artistes kabyles de renom, comme le groupe féminin Djurdjura et Aït Menguellet, et cela sans oublier ces multitudes de chorales de toute la Kabylie qui ont repris à gorge déployée ce chant patriotique:

Ekker a mmi-s umazigh

Itij nnegh yuli-d,

Atas ayag’ ur tezrigh,

A gma nnuba nnegh tezzid.

Azzel in-as i Massinissa :

Tamurt-is tuki-d ass-a,

Win ur nebghad iqeddem,

Argaz sseg-negh yif izem.

In-as, in-as i-Yugurta :

Arraw-is ur tettun ara,

Ttar ines at-id-rren,

Isem-is a-t-id-sekfen.

I Lkahina Icawiyen

A tin i seddan irgazen

In-as ddin igh d-egga

Di laâmer ur-ten-tett’ara.

S umeslay nnegh an-ili,

Azekka ad yif idelli,

Tamazight atgem atternu,

D-asalas bwemteddu.

Seg durar id d-tekka tigh ri,

S-amennugh nebda tikli,

Tura,tur’ulac akukru,

An-errez wala an-eknu.

Tamurt n Lezzayer aâzizen

Fell-am an-efk idammen,

Igenni-m yeffegh it usigna

Itij-im d lhuriya.

A lbaz n tiggureg yufgen,

Siwed-as slam i watmaten,

Si terga Zeggaght ar Siwa,

D-assif idamen a tarwa.

Un militantisme précoce

Mohand Ouyidir Aït Amrane a commencé à militer, très jeune, pour la langue et la culture amazighes. C’est dire le degré de précocité et de prise de conscience chez ce militant de la cause amazighe et nationale aussi, car Dda Mohand Ouyidir fut aussi un militant du mouvement national au sein du PPA-MTLD, où il connaîtra la purge avec d’autres éléments accusés de berbérisme. Il connut la prison pour avoir défendu son pays. Mohand Ouyidir est né le 22 mars 1924 au village Tikidount (Ouacifs). Sa famille immigre dans l’ouest du pays, où il fréquentera l’école primaire à Tiaret. Arrivé au lycée de Ben Aknoun d’Alger, dans la suite de ses études, Dda Mohand Ouyidir faisait partie du fameux groupe du lycée de Ben Aknoun avec Hocine Aït Ahmed, Ouali Bennaï, Omar Oussedik, Saïd Chibane, Laïmèche Ali et Amar Ould Hamouda. Après l’indépendance, il est élu, en septembre 1962, comme député à l’assemblée constituante, puis il occupera le poste de préfet (wali) de Chlef, entre autres fonctions. En 1965, il se retire de la vie politique pour se consacrer à l’enseignement.

Il sera à la tête du HCA, première institution officielle amazighe

Comme tout militant persévérant et infatigable des causes justes, Dda Mohand Ouyidir a dû attendre 1995 pour voir son parcours, ainsi que celui d’autres militants de la même cause, couronné par la création d’une institution qui s’occupera, cahin-caha, de la question amazighe, au terme d’une douloureuse grève du cartable initiée par les militants du MCB durant l’année scolaire de 1994/1995. Mohand Ouyidir présidera pendant 9 années le HCA, et donnera le meilleur de lui-même pour servir la langue et la culture amazighes, en dépit des obstacles dressés contre lui. Cependant, même si le HCA n’a pas fait l’unanimité chez les militants amazighs, il n’en demeurait pas moins que la plupart pensait que « cet acquis n’était pas rien comparé au désert institutionnel qui entourait la culture berbère ». Dans la foulée, grâce au HCA, tamazight est enseignée dans plusieurs régions du pays, et des milliers d’enseignants de cette langue millénaire ont été formés.

L’enseignement de la langue de Massinissa était dispensé clandestinement durant les années 1970 et 1980, avant de sortir au grand jour. Dda Mohand Ouyidir meurt le 30 octobre 2004, à Oran, et sera inhumé à Tiaret à côté de son père, laissant derrière lui un legs inestimable.

Syphax Y.

Partager