Le calvaire des anciens nomades

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Ils ont commencé à arriver dans les années 1960 et 1970, chassés par la famine et la précarité sociale post-indépendante pour travailler dans les oliveraies des plaines d’Oughazi abandonnées par les colons, appelées «biens vacants».

Ils venaient des régions de Ouennougha, Beni Yelmane et Ben Daoud et Sidi Hadjres, de la wilaya de M’Sila, par familles entières et s’installaient au milieu des oliveraies de la manière la plus rudimentaire en aménageant des baraques à l’aide de feuilles de tôles ondulées ou des tentes usées toutes rapiécées et sales. À cause des oliviers plantés, serrés les uns contre les autres sur des centaines d’hectares, le soleil n’arrive jamais au sol, ce qui fait régner en ces lieux un taux d’humidité assez élevé des surfaces ombragées en permanence où la gelée et le verglas s’accumulent et ne fondent jamais du début à la fin de l’hiver, de jour comme de nuit, ce qui donne une idée précise concernant les températures qui règnent durant toute la saison humide et qui se répercutent négativement sur la santé des damnés sur terre. Au départ, ces nomades repartaient dans leur région d’origine à chaque fin de la saison des olives. Mais à partir des années 1990, ils commencèrent à se sédentariser et à s’installer définitivement au lieudit Amara au milieu des oliveraies à mi-chemin entre Ath Yekhlef et le chef-lieu de Daïra de M’Chedallah pour s’adonner à l’élevage ou travailler comme journaliers chez des particuliers. Ce qui ne les empêchera pas de continuer à vivre dans les mêmes conditions que celles du temps où ils menaient une vie de nomades dans les mêmes gourbis ou tentes insalubres en absence de toutes conditions d’hygiène, ni eau courante ni électricité ni encore moins les sanitaires. Un genre de bidonvilles particuliers, sachant qu’ils ont aménagé des enclos pour leurs cheptels très proches de leurs habitations de fortune, pour faciliter la surveillance, de nuit, des bêtes. Ce qui en rajoute à la saleté des lieux grouillant d’enfants en bas âge, vu que des tas de fumiers jalonnent les pourtours mélangés aux ordures ménagères pour former un lieu de prédilection pour toutes sortes d’insectes, de rongeurs et autres chiens errants, qui infestent les parages. Les mêmes campements de fortunes semblables à ceux des anciennes tribus indiennes peaux rouges sont aussi remarquables à Chorfa et à plusieurs endroits dans la daïra de Tazmalt, Wilaya de Béjaïa le long de la RN 26, soit partout où existent les anciennes fermes des colons français.

Le cas de ces malheureux qui a fini par être banalisé et fait désormais partie du décor n’émeut plus personne, à commencer par les services d’hygiène qui ne se sont jamais manifestés en ces lieux, du moins pas à notre connaissance, pour leur intimer l’ordre de s’organiser et inculquer aux occupants des gourbis, les bienfaits de l’hygiène et ceux de la scolarisation des dizaines d’enfants, sachant que si ces derniers continuent dans le même état actuel, ils feront une main d’œuvre à bon marché durant toute leur vie. Ceux qui font des droits de l’homme et celui de l’enfance leur cheval de bataille, doivent y faire un tour, ce n’est pas à proximité des salons capitonnés qu’on pourrait remarquer ce genre de drames humains et de misère noire.

Oulaid Soualah

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