La peinture dans la peau

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Tignasse en bataille, barbe poivre-sel, silhouette charpentée, l’artiste-peintre Saïd Khelifa se frotte à sa passion fétiche avec un rare dévouement. S’il pratique cette activité en dilettante, cela ne l’empêche nullement d’en faire un sacerdoce. La trentaine à peine sonnée, Saïd a déjà à son actif une myriade de toiles d’une admirable force esthétique. Cet autodidacte de l’ombre exerce son talent dans l’intimité de sa demeure d’Ath Abbés. Le patio de sa maison transformé en galerie, respire le calme et la quiétude. «La peinture est une soupape d’échappement, une forme d’évasion mentale qui me réconcilie avec moi-même», lance l’artiste à notre adresse. Et puis, enfonce-t-il, la liberté de donner un contenu concret à ses fantasmes, lui donne du cœur à l’ouvrage. «Il n’y a rien de plus gratifiant, de plus valorisant, que d’exprimer des sentiments, fut-ils les plus insolites et les plus irrationnels», confesse-t-il. Comme tout impressionniste, il s’adonne à la peinture en plein air. Dans certains tableaux, il s’évertue à transposer des sensations visuelles dans une construction purement plastique. En filigrane, transparait une verve inventive et une imagination débridée, comme l’illustrent ce «Tronc de pin» ou «Le figuier béni». D’autres tableaux, qu’on peut classer dans le registre du «fauvisme», traduisent une simplification des formes et de la perspective. Là c’est la prééminence du sentiment intérieur. Les toiles ne reproduisent pas une transcription fidèle de la réalité du monde, mais expriment les émotions et les sensations qu’elles font naître chez le peintre. Dans une autre palette de toiles («Ange gardien», «Petit pécheur»), la peinture utilise le pouvoir que possède les lignes, les volumes, les couleurs de constituer des ensembles cohérents, capables d’agir par eux-mêmes sur la sensibilité et la pensée. Ce style lyrique et romantique de l’abstraction, renvoi la projection du monde intérieur et la vision imaginaire de l’artiste. Il trouve dans la construction géométrique la plus épurée, le lieu de rencontre de son sens surréaliste et de sa volonté rationnelle. Enfin, quelques unes des œuvres de Saïd Khelifa reflètent une version lumineuse et colorée du cubisme. C’est, pour ainsi dire, un cubisme analytique appliqué à la figure humaine.

Nacer Maouche

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