L’atmosphère est lourde ces derniers jours à Amizour, où de fortes rumeurs font état d’une décision de fermer le nouveau campus universitaire et de reporterson ouverture à une date ultérieure.
C’est jeudi en fin de journée que la rumeur a commencé à circuler. Des informations difficiles à sourcer avec précision, faisaient état d’un coup de fil qui serait venu «d’en haut», ordonnant au recteur de fermer le campus d’Amizour et de re-déménager vers celui de Targa Ouzemmour. Pourtant, la semaine d’avant, une commission d’inspection dépêchée par le ministère de l’Enseignement supérieur avait conclu que le campus d’Amizour, à part sur un certain nombre de détails minimes, était parfaitement en mesure de fonctionner dans des conditions pédagogiques normales. Ledit campus bénéficie même de conditions infiniment plus favorables que celui de Targa Ouzemmour. Le PV de ladite commission a donc émis un avis favorable pour que l’université continue son déménagement et son installation définitive sur le nouveau site. Pour rappel, une partie des enseignants de la faculté des sciences exactes se sont mis en grève pour empêcher ce déménagement, refusant d’aller enseigner dans ce campus. La commission a bien tenté de comprendre leurs motivations, mais sans succès. Les arguments avancés par les grévistes n’avaient pas été convaincants. Ils avaient même refusé d’accompagner les membres de la délégation venue d’Alger afin de visiter le nouveau campus. Le refus semble être une décision de principe, non motivée par des arguments techniques convaincants. La nouvelle d’une éventuelle fermeture du campus a vite fait le tour de la ville et des villages, faisant réagir la population en général, et le mouvement associatif en particulier. Ce dernier a tenu toute une série de réunions ce week-end pour se concerter dans un premier temps, puis prendre des décisions pour réagir à la nouvelle situation. À cause du week-end et de la fête de l’Achoura, il a été impossible de contacter le rectorat pour avoir confirmation ou démenti. La dernière réunion qui a rassemblé une trentaine d’associations venues d’Amizour, d’El kseur et des environs, s’est déroulée avant-hier matin, pour débattre de la question. Les présents ont tous exprimé leur surprise quant à cette décision «immature et inconséquente». Les membres des associations ont dénoncé le mépris dans lequel «on essaie d’enterrer la région d’Amizour pour la priver de son dernier espoir de développement». La population fondait de grands espoirs sur ce campus, puisqu’il représentait une ouverture vers le monde, et une issue pour désenclaver la région. Un président d’association a même invoqué «la volonté d’étouffer la région, en la privant de tous les moyens qui lui permettraient de s’en sortir». Après un débat houleux qui a duré plus de deux heures, les associations ont convenu de prendre un certain nombre d’initiatives et de passer à l’action. Toutes ont insisté sur le caractère pacifique de la protestation qui va être organisée. Quitte à empêcher physiquement le re-déménagement de l’université les responsables ont décidé de se rendre directement sur le campus et de rencontrer le doyen de la faculté des sciences exactes pour lui signifier la mobilisation de la population pour soutenir l’université dans ses efforts pour rendre le campus totalement opérationnel malgré les quelques insuffisances constatées ça et là. D’ailleurs, lors de cette réunion, d’anciens étudiants de la faculté des sciences ont témoigné sur les conditions matérielles et pédagogiques dont ils avaient souffert lors de leur cursus à Targa Ouzemmour : Insuffisance des locaux, fuites d’eau, bruit, froid, humidité etc. Par contre, après avoir visité le nouveau campus, ils ont eu l’impression de vivre dans un rêve. «Le campus est magnifique. Jamais on aurait pu rêver de telles conditions quand nous étions étudiants», ont-ils dit. Un autre ancien étudiant s’est rappelé des conditions d’ouverture «catastrophiques» du campus d’Aboudaou. «Personne ne voulait y aller, car les conditions n’étaient pas du tout réunies. Et pourtant, ils y sont quand même allés, et petit à petit, les conditions se sont améliorées. «Mais même maintenant, il y a encore beaucoup d’insuffisances dans le campus d’Aboudaou», déclarera-t-il. Lors des débats, plusieurs associations ont rappelé «qu’aucun investissement de l’Etat n’a été consenti à Amizour depuis des lustres. Seul ce campus a pu être décroché au forceps. Voici que maintenant, avant même son ouverture officielle, on veut déjà le fermer». Ces dernières années, Amizour a vu fermer l’ensemble de ses structures économiques, à l’exemple de la Socerca, d’Alexo et de Profert, perdant ainsi un nombre incalculable d’emplois directs et indirects. D’ailleurs, les commerçants de la ville qui espéraient voir une nouvelle population s’installer dans la commune et booster le commerce, ont tous été choqués par cette décision non encore officiellement confirmée. En tout cas, les associations ne comptent pas rester inactives et on décidé que rien ne se ferait sans l’aval de la population. Les associations comptent rappeler l’importance et le poids que représente la société civile dans la région, en faisant parler d’elle par la grandeur de ses principes et l’intelligence de ses actions. A quelques jours du premier novembre et du lancement des «Journées Méditerranéennes d’Amizour», avec l’organisation du «Premier colloque méditerranéen sur le développement local», avec la participation de plusieurs pays et des experts venus de partout, il serait dommage, voire même honteux, d’annoncer devant la communauté internationale qu’au lieu de multiplier le nombre d’universités, l’Algérie ferme même celles qui sont déjà disponibles, privant les algériens du moyen de leur émancipation. Pour montrer son niveau de conscience et de responsabilité une association a annulé la marche qui avait été prévue pour aujourd’hui et la fermeture de la RN75, pour ne pas entraver les démarches qui vont être menées en direction des autorités, et de se montrer solidaire avec les autres associations faisant passer l’intérêt de la région en priorité. L’université est tenue en estime par toute la population, et les responsables associatifs sont conscients qu’il ne faut rien faire pour entraver son fonctionnement normal. De plus, ont avancé certains d’entre eux, il n’est pas question de céder aux provocations pour faire de la région la risée de tout le pays. L’intérêt général exige un comportement responsable, et c’est ce que l’ensemble de ces associations réunies à Amizour entendent montrer.
N. Si Yani