«Divorce sans mariage» ouvre le bal

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Avant-hier, le Théâtre régional de Béjaïa a vu le commencement des représentations théâtrales programmées dans le cadre de la septième édition du Festival international du théâtre de Béjaïa.

C’est à Walid Bouchebah qu’ont échu l’honneur et la responsabilité d’ouvrir ce festival avec sa nouvelle production «Divorce sans mariage». Il s’agit de l’adaptation de l’œuvre du «Journal» où Mouloud Feraoun raconte la vie en Algérie, de 1955 à 1962 telle qu’il l’a, lui-même, vécue.

La pièce, brillamment interprétée par Fodil Assoul, plus connu sous le pseudonyme de «Fodil Zalamit» et Mourad Oudjit, raconte la vie de l’Algérie durant la guerre de libération nationale, telle que racontée par Mouloud Feraoun dans son «Journal». Ce dernier qui était contre toute forme de violence, a mis dos à dos l’armée coloniale et les maquisards. Sa haine et son dégout de la violence ne lui épargneront pas une mort violente subie quelques jours seulement avant la signature des accords d’Evian, et qui devaient instaurer l’indépendance de l’Algérie et la paix avec l’ancien colonisateur.

Cette pièce est, selon Mourad Oudjit, «plus qu’une Générale, c’est une avant-première». Et Foudil Assoul qui surenchérit en déclarant qu’ils «n’ont pas joué la pièce exactement comme ils l’avaient prévue, mais se sont laissés conduire pour donner le meilleur d’eux-mêmes». Pour le metteur en scène, Walid Bouchebah, «c’est un challenge pour nous que d’avoir monté cette pièce». Ce fut un travail intense d’un mois, pour un projet vieux de trois ans.

Elle a été présentée dans la langue de l’auteur, le français, tout en introduisant quelques expressions dans la langue populaire algérienne d’aujourd’hui. Mais Walid a voulu rester fidèle au texte de Feraoun afin de montrer qu’il est toujours d’actualité malgré les cinquante-trois ans qui nous séparent de sa rédaction. «Feraoun est un visionnaire qui a parlé des choses d’aujourd’hui», dira le metteur en scène. Tandis que Fodil Zalamit déclare que le texte «l’a fait vibrer à l’intérieur de lui-même».

Le courage de Walid Bouchebah en s’attaquant au texte du Journal de Mouloud Feraoun est à signaler et à mettre en exergue, dans cette conjoncture particulière, à la veille de la célébration de l’anniversaire de la Révolution. En choisissant de travailler sur une œuvre qui n’a pas été écrite pour le théâtre, Walid a eu un courage immense, en voulant donner vie sur les planches à un texte littéraire très fort. Il a réussi à faire ressortir par des gestes théâtraux de qualité un texte littéraire narratif, témoin d’une époque qu’on croyait révolue, mais qui s’avère d’une actualité brûlante.

Ce n’est pas la première fois que Walid Bouchebah se lance dans ce genre de défis. Il y a peu, il avait également adapté une œuvre de Mario Garcia Llorca, dans sa pièce intitulée «Article 146», où il dénonçait le statut de la femme tel que défini dans le code de la famille algérien.n En choisissant ainsi de s’attaquer à des œuvres aussi difficiles, et en traitant de sujets aussi délicats, Walid montre des capacités artistiques et intellectuelles qui honorent le théâtre algérien et le tirent vers le haut.

Il ouvre ainsi la voie à d’autres en les invitant à oser et aller de l’avant. Même nos acteurs se libèrent petit à petit et osent s’exprimer et laisser le spectateur entrer dans les pièces, en faisant de véritables partenaires sur qui il faut compter. Cette pièce sera également jouée par une troupe française, et permettra d’avoir un regard croisé sur l’œuvre de Mouloud Feraoun. Un regard algérien et un autre français auront ainsi l’occasion d’être confrontés à celui du public qui aura l’occasion de se délecter des œuvres de notre Mouloud national dont l’œuvre gagnerait à être encore plus explorée et mieux exploitée.

Prochainement, Walid Bouchebah reviendra devant le public pour présenter, également, «Article 146» adapté de «la Maison de Bernarda Alba», dont nous avions déjà parlé lors de la Générale présentée au TRB l’année dernière. Nous y reviendrons.

N. Si Yani

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