La guerre d’Algérie, les événements d’Algérie tels que désignés outre mer, la révolution Algérien, telle qu’appelée par tous les hommes épris de liberté des peuples à travers le monde, a été proclamée le 1er Novembre 1954, voici 61 ans jour pour jour. Ce rendez-vous de recueillement et de méditation à l’endroit de ceux qui ont payé le prix fort par leur chair et leur sang, ils sont plus d’un million et demi à offrir leurs vies en holocauste pour la libération de leur patrie : l’Algérie. Nous en citerons au moins un homme qui a marqué par son engagement et sa foi, pour l’idéal révolutionnaire. Cet homme est Ali Zamoum. Né le 20 octobre 1933 à Boghni (Tizi-Ouzou), Ali Zamoum s’engage dès son jeune âge dans le militantisme aux côtés du parti nationaliste, à l’instar de beaucoup de jeunes Algériens de cette époque charnière. Fils d’un des premiers instituteurs de la localité il rejoint, avec son frère Mohamed (futur colonel Si Salah), l’école primaire de Boghni qu’il quitta à l’âge de 14 ans. En 1953, il sera arrêté pour avoir fourni au PPA/MTLD du matériel appartenant à l’administration coloniale. Après un an de prison, il sera libéré au moment où le courant radical du mouvement national, auquel il s’identifiait naturellement, attendait le moment opportun pour ordonner l’action armée. Fin octobre 1954, Ali Zamoum est désigné par Krim Belkacem alors chef politico-militaire de la Kabylie, pour assurer le tirage d’un millier d’exemplaires d’un texte «confidentiel» qui allait bouleverser le cours de l’Histoire. Il s’agit de la proclamation du 1er Novembre, qui appelait le peuple algérien à soutenir la lutte et/ou de s’y joindre. «À vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d’une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir, en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale dans le cadre nord-africain. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicards véreux. Nous considérons avant tout, qu’après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. Les événements du Maroc et de Tunisie sont, à ce sujet, significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l’Afrique du Nord. À noter dans ce domaine que nous avons, depuis fort longtemps, été les précurseurs de l’unité dans l’action, malheureusement jamais réalisée entre les trois pays. Aujourd’hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie et nous, relégués à l’arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. C’est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d’immobilisme et de routine, mal orienté privé du soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les événements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algérienne (…)», lit-on dans le texte qui a été imprimé dans une maison dans ce village martyr d’Ighil Imoula, à l’aide d’une simple rotative, acheminé et diffusé le jour même par Amar Ouamrane. S’en suivit une lutte acharnée, avec son lot de torturés, de déportés, d’exilés, de villages rasés de la cartes qui portent encore les stigmates de la guerre. Nous citerons, entre autres, Aguemoun Izem, Ath Alaoua, de zones interdites. Sept ans durant, le peuple Algériens a connu les pires atrocités, les pires exactions sans jamais abdiquer, sans jamais désespérer de l’issue de son combat libérateur. Plus la guerre avançait plus elle recueillait la sympathie de ceux, français et non-français, épris de liberté et anticolonialistes de tous bords, de tous pays, de toutes confessions. La révolution Algérienne eut droit à la sympathie agissante des peuples de la mappemonde en dépit du soutien aux colonialistes de l’OTAN. Ce qui a fait dire à Jean Amrouche, le poème qui suit :
«Le combat Algérien»
«Aux Algériens on a tout pris / la patrie avec le nom / le langage avec les divines sentences / de sagesse qui règlent la marche de l’homme / depuis le berceau / jusqu’à la tombe / la terre avec les blés les sources avec les jardins / le pain de bouche et le pain de l’âme / l’honneur / la grâce de vivre comme enfant de Dieu frère / des hommes / sous le soleil dans le vent la pluie et la neige. / On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine / on les a fait orphelins / on les a fait prisonniers d’un présent sans mémoire / et sans avenir / les exilant parmi leurs tombes de la terre des / ancêtres de leur histoire de leur langage et de la liberté. Ainsi / réduits à merci / courbés dans la cendre sous le gant du maître / colonial / il semblait à ce dernier que son dessein allait / s’accomplir / que l’Algérien en avait oublié son nom son langage / et l’antique souche humaine qui reverdissait / libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige / en lui. Mais on peut affamer les corps / on peut battre les volontés / mater la fierté la plus dure sur l’enclume du mépris / on ne peut assécher les sources profondes / où l’âme orpheline par mille radicelles invisibles / suce le lait de la liberté. Alors vint une grande saison de l’histoire / portant dans ses flancs une cargaison d’enfants / indomptés / qui parlèrent un nouveau langage / et le tonnerre d’une fureur sacrée : / on ne nous trahira plus / on ne nous mentira plus / on ne nous fera pas prendre des vessies peintes / de bleu de blanc et de rouge / pour les lanternes de la liberté / nous voulons habiter notre nom / vivre ou mourir sur notre terre mère / nous ne voulons pas d’une patrie marâtre / et des riches reliefs de ses festins (..) . Nous ne voulons plus errer en exil / dans le présent sans mémoire et sans avenir / Ici et maintenant / nous voulons / libre à jamais sous le soleil dans le vent / la pluie ou la neige / notre patrie : l’Algérie.» Composé à Paris et aussitôt suivi par l’arrêt de ses activités à l’ORTF. Cependant, ces Algériens qu’ils aient combattu les armes à la main ou par la plume et la pensée méritent la reconnaissance de leur patrie sans distinction d’appartenance ou de confession.
Sadek A. H.